Thomas d’Aquin, dont c’est aujourd’hui la fête, n’a guère laissé dans l’histoire le souvenir d’un gai luron. On cite souvent de lui cette réplique, adressée à un frère facétieux qui lui avait fait lever la tête vers le ciel en s’écriant : « Frère Thomas, regardez, une vache qui vole ! ». Ayant constaté qu’aucun bovin ne croisait dans l’azur, et voyant s’esclaffer le plaisantin, Thomas aurait lâché : « Je préfère croire qu’il y a des vaches volantes plutôt que des dominicains menteurs. » Ça calme, comme on dit.
Il serait néanmoins précipité d’inférer de l’anecdote que Thomas d’Aquin était entièrement dépourvu d’humour. Sans prétendre qu’il fut un adepte de la grosse blague à se taper sur les cuisses, on peut supposer qu’il ne dédaignait pas la fine plaisanterie. Les lecteurs perspicaces décèlent même parfois, au détour des graves réponses développées au fil des articles de la Somme de théologie, une pointe d’ironie. Ainsi de la réponse à la question de savoir si la jeunesse et la boisson procurent un surcroît d’espoir (Somme de théologie, I-II, question 40, article 6). Les jeunes, explique l’auteur, sont enclins à espérer beaucoup, à raison même des caractéristiques de l’objet de l’espoir : d’être un bien futur (l’espoir ne porte pas sur le passé), d’être un bien ardu (nul besoin d’espérer ce qu’il est facile d’obtenir), et d’être accessible (il est vain d’espérer ce qui est tout bonnement impossible).
Or les jeunes gens sont particulièrement tournés vers l’avenir, dit Thomas, parce qu’ils ont peu vécu, et beaucoup à vivre : « la mémoire portant sur le passé, et l’espoir sur l’avenir, ils ont peu de souvenirs et vivent beaucoup d’espoir. » Voilà pour le premier point. Ils sont aussi plein d’ardeur, et donc enclins à entreprendre des choses difficiles – voilà pour le second point. Quant au fait que l’espoir porte sur des objectifs possibles, les jeunes aussi sont avantagés sur ce point, parce qu’ils n’ont guère encore eu le temps d’expérimenter les obstacles qui viennent contrecarrer les efforts humains : « ce qui leur donne bon espoir »… On imagine (en tous cas, on peut imaginer) le fin sourire de l’Aquinate écrivant ces mots.
Deux de ces trois traits se retrouvent chez ceux qui sont ivres : le vin dilate les artères, c’est bien connu, et donc il rend audacieux. Et il rend également aveugle aux dangers et à la faiblesse propre – ce qui incline également à faire des choses absurdes.
Et Thomas d’ajouter ce qui, à ma connaissance, constituera le seul emprunt manifeste de Michel Audiard à la Somme théologique : « les cons (et tous ceux qui ne réfléchissent pas), ça ose tout ». En latin : Omnes stulti, et deliberatione non utentes, omnia tentant. Audiard condense un peu la formule, et ajoute que « c’est même à ça qu’on le reconnaît », mais la citation est, on le reconnaîtra, explicite et incontestable.
Je ne prétends certes pas que la lecture de saint Thomas apporte continuellement, ni même fréquemment, le même genre de saine détente que les Tontons flingueurs. Aussi bien n’est-ce pas en général pour cela qu’on étudie la théologie. Il n’en est revanche pas interdit de se réjouir que celle-ci sache, à son meilleur, assigner sa juste place à la rigolade dans les affaires humaines. Or, sur ce point, Thomas d’Aquin est d’un rare secours. Si l’humour ne figure pas, par exemple, dans l’index du Catéchisme de l’Église catholique, il trouve en revanche sa place dans la Somme théologique, et au titre des dispositions vertueuses.
L’article consacré au sujet s’ouvre sous les pires auspices. À titre d’argument pour condamner les jeux et les rires, Thomas cite la Bible : « Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez » (Lc 6,24). Et saint Ambroise de commenter : « Je pense donc qu’il faut s’abstenir non seulement de l’excès, mais même de tout usage de la plaisanterie. » Thomas cite également saint Jean Chrysostome, pour qui « ce n’est pas Dieu, mais le diable qui inspire de jouer ».
Il en faut plus pour désarmer l’apôtre de la bonne humeur.
Il convoque d’ailleurs les autorités conjointes de Sénèque (un autre humoriste méconnu) et d’Aristote pour condamner ceux qui sont dépourvus d’humour, « incapables, dit le premier, de dire eux-mêmes quoi que ce soit de drôle, et désagréables avec ceux qui le font », « grossiers et rustiques », selon le second. (Soit dit en passant, associer le manque d’humour et la rusticité, autrement dit le côté paysan, est typiquement une idée grecque, et plus spécialement athénienne. Aristote associe la capacité à plaisanter au genre de civilité cultivée dans une cité raffinée, et lui donne le nom grec d’eutrapelia – « l’esprit » au sens français classique, ou encore le wit anglais. Le mot n’a pas d’équivalent exact en latin, qui doit donc se contenter du mot grec, et l’on peut supposer qu’en effet les Romains, peuple de paysans et de guerriers, n’avaient pas eu besoin d’inventer un mot spécial pour désigner une disposition probablement moins répandue, en tous cas moins honorée, chez eux que dans les peuples attiques.)
Refermons la parenthèse pour citer l’explication typiquement thomiste du fait que c’est un vice de ne pas savoir s’amuser :
Est vicieux tout ce qui, dans les affaires humaines, va contre la droite raison. Or il est contraire à la raison d’être un poids pour les autres [on dit chez nous simplement : « être lourd »] : par exemple, lorsqu’on est incapable d’être plaisant, et qu’on ruine même le plaisir des autres (Somme théologique, II-II, question 168, article 4, réponse).
Voilà donc pour les pisse-froid et autres mauvais coucheurs. Mais qu’en est-il, positivement, de l’usage des plaisanteries ? Il relève de la vertu pour cette raison qu’il contribue au repos de l’âme. Or ce repos est de temps en temps nécessaire, car l’âme, aussi bien que le corps, est sujette à la fatigue. Les activités sérieuses, la réflexion, la résolution des problèmes pratiques de l’existence, tout cela requiert de l’effort, et produit donc de la fatigue. Une fatigue, note subtilement saint Thomas, qui n’est pas purement spirituelle : « car dans les opérations de l’âme, le corps aussi travaille, dans la mesure où l’âme, y compris intellectuelle, se sert de facultés qui agissent grâce aux organes corporels » (ibid., article 2, réponse). Cela n’est pas vrai seulement dans le cas où l’on s’applique à résoudre un problème pratique, comme le montage d’un meuble télé livré en kit – situation où l’effort corporel déployé se double de l’effort mental pour décrypter la notice. Dans l’activité même de la pure réflexion intellectuelle, dans ce que Thomas appelle la contemplation, il y a place pour la fatigue mentale, et même une fatigue plus grande : car cette louable activité implique de s’élever davantage au dessus du domaine sensible, qui est connaturel à l’animal humain. La réflexion, la méditation, la contemplation, fatiguent l’âme en la dirigeant vers des objets qui la dépassent.
Pause émue pour saluer en Thomas d’Aquin le premier théoricien du travail intellectuel. On ne dira jamais assez le mal fait à la corporation par le topos grec qui associe la philosophie au loisir.
Donc, l’exercice de la raison fatigue. Or, « de même que la fatigue du corps est dissipée par le repos corporel, de même il convient que la fatigue de l’âme soit dissipée par le repos de l’âme. Or le repos de l’âme, c’est le plaisir (…). Il convient donc de remédier à la fatigue de l’âme en lui apportant du plaisir, qui fait cesser la tension provoquée par l’effort intellectuel. »
Et ce plaisir bienvenu, il est provoqué « par les paroles et les actions qui n’ont d’autre but que le plaisir de l’âme : autrement dit, les jeux et les plaisanteries, ludicra et iocosa. Desquels il faut savoir user pour le repos de l’âme ».
Est-il besoin d’ajouter que, pour saint Thomas, les divertissements doivent bien évidemment être réglés par la raison ? Le contraire reviendrait à abdiquer sa condition humaine – et l’on évitera donc de chercher son plaisir dans des divertissements condamnables, de s’amuser au point d’être incapable de rien prendre au sérieux, ou lorsque les circonstances ne s’y prêtent pas. Si l’on évite ces défauts, la disposition à se divertir est conforme à la raison et constitue à ce titre une vertu morale : cette vertu, précisément, qu’Aristote appelle l’eutrapelia. Et, recourant à l’étymologie, Thomas explique que cela signifie littéralement la « bonne tournure », autrement dit la capacité de « tourner de façon heureuse » des paroles ou des actions pour la joie de l’âme.
Ce qui nous permet peut-être de revenir à cette histoire de vache qui vole. S’amuser est en soi fort bonne chose, dit ailleurs saint Thomas (Somme théologique, II-II, question 75, article 2, ad 1). Mais il faut distinguer le fait de s’amuser avec quelqu’un d’autre – ce qui est en soi charitable, – et le fait de s’amuser de quelqu’un d’autre, autrement dit, à ses dépens. Cela, c’est l’essence de la moquerie, dirisio.
La dérision, ou moquerie, relève des péchés en paroles. Elle s’apparente en cela à l’insulte – qui atteint quelqu’un dans son honneur, à la diffamation, qui l’atteint dans sa réputation, à la médisance, qui détruit l’amitié. Le propre de la moquerie est de faire rougir celui qui en est victime. On rougit, non pas forcément parce qu’on est déshonoré, mais parce qu’on craint de l’être, en perdant la face. Or, celui à qui l’on fait honte par une moquerie, dit Thomas,
il éprouve une confusion qui le fait rougir, ce qui lui fait perdre son assurance intérieure : et c’est dans ce but que le moqueur exploite des faits défavorables (ibid., article 1, ad 2).
Et d’ajouter, au cas où l’on voudrait prendre la chose à la légère :
une conscience nette et tranquille est un grand bien ; comme dit le livre des Proverbes (15,15), « une âme apaisée est comme un festin perpétuel ». C’est pourquoi celui qui trouble la conscience de son prochain, en le couvrant de confusion, lui cause un préjudice très précis. La moquerie est donc péché mortel (ibid., ad 3).
Imaginons donc le brave Thomas, tourné en dérision par ses propres frères parce qu’il a cru pour de bon qu’une vache ailée traversait le ciel. Peut-être a-t-il rougi de confusion. Ça ne serait pas la première fois qu’un intellectuel passe pour n’avoir pas les pieds sur terre. Le vieux Thalès, lui, avait fait marrer une servante thrace parce que, regardant trop le ciel pour observer les astres, il avait chu dans un puits (comme quoi, de toutes façons, c’est mal vu de regarder en l’air). Mais l’important dans l’histoire, c’est la réplique de Thomas. « Je préfère croire qu’il y a des vaches volantes plutôt que des dominicains menteurs ». Elle suggère, à mon avis, que c’est moins sa propre confusion qui le troublait, que la pensée que ses frères pussent en se moquant manquer à la charité. Ce qui justifie que l’homme rie, mais non la vacherie.
Et pour qu’il soit clair qu’on n’a rien, ici, contre les bovins, rappelons que saint Thomas fut surnommé le bœuf muet – rapport à son volume, considérable, et à son tempérament, plutôt taiseux. Taiseux, mais aimable, on l’aura compris, avec peut-être dans le regard cette douceur incomparable, impavide et un brin narquoise, qui fait le charme de nos vaches.
Note quasi savante : ce billet doit beaucoup au savoureux, et néanmoins instructif et profond, article de François-Xavier Putallaz, « Petites miettes de philosophie », dans le recueil Saint Thomas d’Aquin paru aux éditions du Cerf, 2010, sous la direction de Thierry-Dominique Humbrecht.
Dédicace totalement personnelle : ce billet est dédié à Madeleine, née il y a huit ans pile, et à son petit frère Joseph, né aujourd’hui même, et du coup à leurs heureux parents, qui déposent parfois sur ce blog des commentaires illustrant brillamment la vertu d’eutrapelia dont il est ici question. Je suis par ailleurs très touché que deux fois sur cinq, pour l’instant, ils parviennent à faire coïncider les naissances avec la fête de saint Thomas. Ça m’aide à ne pas oublier les anniversaires de la famille.
29 janvier 2011 at 11:11
Je viens de poster une image chez Aliocha (celle m’ayant le plus fait rire en ce début d’année), j’itère ici-même car elle colle bien à l’article :
29 janvier 2011 at 11:22
Cher Philarête,
Merci pour cette belle introduction à la question du rire chez saint Thomas.
A propos de saint Ambroise, j’aimerais bien savoir comment il commentait la quatrième béatitude de saint Luc, trois versets avant la malédiction des rieurs :
« Heureux vous qui pleurez maintenant, car vous rirez ». Lc 6,21
Ensuite, à propos de l’anecdote des « vaches volantes », je ne suis pas sûr de l’interpréter de la même façon que toi. D’une part, parce que je pense que c’est une plaisanterie innocente (oui, les grands pécheurs comme moi ont une faculté de voir les péchés sérieusement émoussée) et que j’interprète la réponse de Thomas comme une plaisanterie non moins innocente, ainsi que sa première réaction réaction qui consiste à faire comme s’il avait pris au sérieux l’hypothèse de bovins ailés.
Bref, je vois là un échange cordial de foutage de gueules entre frères, du style: « puisque tu me crois suffisamment naïf pour regarder des vaches volantes, je vais te prendre à ton propre jeu et te faire croire que je suis suffisamment naïf pour croire tout ce que tu me dis. Donc je regarde s’il y a des vaches volantes, puis je te rends la monnaie de ta plaisanterie en faisant mine d’être stupéfait que tu puisses mentir. »
Ainsi, quand Thomas dit à son frère qu’il y a mensonge, je ne crois pas que ce soit à prendre au premier degré: une plaisanterie n’est pas un mensonge, puisque l’intention de tromper est constitutive du mensonge alors qu’elle est absente de la plaisanterie.
De plus, j’aurais une nuance à apporter sur ton analyse de la dérision et de la moquerie. C’est une question que je rumine depuis longtemps comme lecteur de Bergson : celui-ci voit dans la dérision, la moquerie, la forme originaire de tout rire. Mais il y a chez lui quelque chose qui ne le conduirait pas à qualifier toute moquerie de « péché mortel », pour employer une terminologie catholique : c’est que, selon lui, le rire de dérision est une sorte de sanction qui, certes peut exclure la personne du cercle des rieurs, mais peut aussi l’inclure à nouveau dans celui-ci.
Tu le dis implicitement en distinguant « rire avec » et « rire de ». Mais j’aimerais t’inviter à considérer ceci pour réhabiliter certaies formes de « rire de »: la moquerie, la dérision, employée par qui y est habilité, dans la mesure qui convient, de façon proportionnée aux fautes commises ne peut-elle pas être une juste peine ? Pensons par exemple au rôle de la moquerie et de la dérision dans la défense des faibles face aux forts. Par exemple, Ernst Lubitsch a fait rire d’Hitler dans « To Be or Not to Be » alors même que les Nazis mettaient en oeuvre la Solution Finale. Cette dérision là me paraît saine et louable. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle fût charitable, mais j’oserais hasarder qu’elle fût juste!!!
Que la dérision consiste à infliger à autrui un mal, j’en conviens entièrement. Mais infliger un mal à autrui en réponse à une faute qu’il a commise est un mode d’exercice de la justice.
D’autre part, il me semble qu’il y a une manière de rire d’une personne qui n’outrage pas la charité, quand le fait de rire de quelqu’un, même en son absence, permet de le réintégrer symboliquement dans le cercle social des rieurs. Ne nous est-il pas arrivé de rire avec tendresse des travers de tel ou tel grand-père décédé, et de vivre cette petite moquerie posthume comme une façon d’honorer sa mémoire ? De même, il n’est pas rare qu’un mari et sa femme aiment à rire de certaines bêtises commises par leurs enfants, ce qui leur permet de se réjouir presque autant de leurs échecs que de leurs progrès.
J’avoue vivre une expérience de même nature en regardant des pièces de Marivaux, des films de Rohmer et en lisant le Lysis, le Charmide ou l’Alcibiade de Platon (les dialogues où Socrate interroge avec douceur un adolescent).
Il y a une forme de rire, ou plutôt de sourire, qui a pour fonction de rendre visible les défauts du caractère tout en faisant ressortir la beauté foncière de la personnalité. J’attribue à ce rire (ou sourire) une fonction purificatrice : il contribue à rapprocher le rieur de celui dont il rit en rendant plus acceptable les défauts de ce dernier. En tant qu’occasion de réjouissance, ces défauts suscitent donc la gratitude du rieur. Cf. « T’as bien des défauts, mais tu nous auras bien fait rire. Sois des nôtres ! ». C’est ainsi que dans un groupe d’amis, une personnalité extravagante peut trouver sa place, le rire qu’elle suscite étant pour la communauté une compensation aux désordres qu’introduit dans la communauté cette personnalité. C’est la position de Porthos parmi les quatre mousquetaire, de Simplet au milieu des sept nains, de Sam (le petit gros) dans la Communauté de l’anneau, du bouffon à la cour etc…Je précise que cette position n’est nullement celle d’un bouc-émissaire qui est exclut de la communauté par la dérision: dans les cas dont je parle, le rire et le sourire facilitent l’intégration de l’extravagant.
Si tel n’était pas le cas, nous ne songerions pas avec sympathie à des figures comme Charlot, Monsieur Hulot, le mécano de la générale, ou tel ou tel de nos collègues de travail qui, s’ils ne nous faisaient pas rire, bien malgré eux, risqueraient fort de nous être insupportables.
Pour revenir à Thomas d’Aquin et à l’anecdote des vaches volantes, j’imagine que ce ne devait pas être drôle tous les jours pour des frères dominicains de sillonner les routes d’Europe avec un grand gaillard d’1 m 90 pesant 130 kilos qui ne faisait pas toujours attention où il mettait les pieds. D’ailleurs, faut-il le rappeler, Thomas a trouvé la mort en heurtant une branche basse avec le front. Que ses frères aient usé de plaisanteries pour le mettre en garde à plusieurs reprises contre une distraction pathologique montre qu’ils n’avaient peut-être pas tout à fait tort de pratiquer cette forme de correction fraternelle.
Tout cela pour avancer que certaines formes de plaisanterie, même quelque peu moqueuses, peuvent relever de l’exercice de la justice, voire de la charité : quis bene amat, bene castigat.
En conclusion, voici la thèse théologique que j’aimerais te soumettre : quand ils nous regardent depuis le Ciel, nos anges gardiens doivent parfois bien se marrer… Pourtant, ils n’ont pas d’âme à délasser. Mais ils ont pour rôle de nous remettre sur le droit chemin…
29 janvier 2011 at 12:09
(Juste une correction pour Physdémon (pas sur le fond, je ne me le permettrais pas) : « le mécano de la General », et pas « générale ».)
Continuez, continuez !
29 janvier 2011 at 12:27
à PMalo
Honte à moi !
à Philarête,
j’aurais encore beaucoup à dire sur un rire-sanction qui réintègre la personne dont on rit dans le cercle des rieurs. C’est me semble-t-il assez souvent le cas chez Shakespeare avec la figure du « fou shakespearien ». Mais il faudrait que je relise le roi Lear pour m’en assurer.
C’est assurément le cas dans le cinéma de John Ford où les « fous » ou les « ivrognes joyeux » doivent leur bonne intégration à la communauté aux rires qu’ils suscitent: cf. Le sergent ivrogne dans la trilogie de la cavalerie ou Moïse Harper dans la « Prisonnière du désert » etc.
Je pense aussi à la Comtesse de Ségur qui place presque toujours des personnages déjantés et sympathiques dans ses romans : pensons au Général Dourakine ou au précepteur italien de François le Bossu…
Bref un idiot dostoïveskien peut s’intégrer à une communauté par la médiation d’une certaine forme de rire charitable (l’humour c’est ce qui manque à l’entourage de l’Idiot de Dostoïevski, mais Woody Allen nous a façonné des dizaines d’idiots dostoïevskiens qui s’intègrent par le rire à une communauté (cf. Zelig et beaucoup d’autres films…). Voir aussi Lubitsch. Et bien sûr Frank Capra (Vous ne l’emporterez pas avec vous, L’extravagant Mr Deeds etc.)
29 janvier 2011 at 12:47
@ Physdémon :
A mon tour de vous chipoter un point de détail :)
Il me semblait que, pour l’Idiot de Dostoïevski, il fallait prendre le terme dans une acception plus médicale (le Prince Mychkine étant certes naïf, mais pas crétin), dont la définition serait celle de l’idiotie : « idiotie /i.djɔ.si/ féminin
1. (Médecine) Diminution notable ou disparition de l’intelligence et des facultés affectives, sensitives et motrices accompagnées ou non de perversion des instincts. » (Source : wiktionnaire)
Ceci en relation avec l’état passager dans lequel le plonge une crise d’épilepsie ; comme la débilité en terme médical ne signifie pas débile dans le sens commun.
29 janvier 2011 at 15:00
à Gwynplaine,
Je confesse ne pas avoir pris soin de vérifier quelle raison exacte a amené Dostoïevski à choisir le terme « Idiot » pour qualifier le prince Mychkine.
Mais l’idiot, me semble-t-il, c’est surtout la transposition du grec idiôtês, littéralement « le particulier ».
L’idiot dostoïevskien, c’est donc celui qui est « à part », comme sont mises « à part » les choses sacrées et les ordures. J’y vois une allusion au « rebut » de l’humanité qu’est le Christ. Car le ¨Prince Mychkine est une figure christique errant dans le monde « moderne »: incompréhensible par ses contemporains, il est pourtant porteur d’une sagesse rédemptrice, car la « folie de Dieu est plus sage que la sagesse humaine » (cf. première épître aux Corinthiens ».
Le Prince Mychhkine est donc sujet de moqueries et en même temps sa pureté d’âme finit par convertir les coeurs.
Ce que je voulais signaler, c’est l’existence d’une thématique similaire dans un certain nombre de comédies modernes, marquées, non par hasard, par la culture juive ou la culture catholique: la figure de l’inadapté social médiateur d’une vérité échappant aux regards de la foule, inadapté social dont on rit mais qui néanmoins fait accéder à une vérité humaine supérieure (Cf. Charlot, Forrest Gump!).
Mais si vous avez choisi « Gwynplaine » pour pseudonyme, je présume que vous êtes familiarisé avec cette thématique…
En tout cas ce qui m’intéresse surtout, c’est l’idée que l’idiot tel que je l’entends puisse trouver sa place dans une structure communautaire, ou le rire n’est pas forcément de l’ordre de la dérision qui rejette. Je crois qu’on a quelque chose comme cela chez mes cinéastes fétiches que sont John Ford et Frank Capra. On a aussi cela bien sûr chez Charles Dickens à qui j’aurais dû penser tout de suite. Dickens a l’art de rendre attachant des personnages ridicules, peut-être parce qu’il a un sens aigu de ce que sont les liens communautaires traditionnels (famille, patrie etc.) et qu’il y voit une chance pour l’individu d’y développer sa personnalité.
J’ajouterai que je vois là un résidu de notre culture chrétienne. Il est significatif que l’idiot du village ait été qualifié de « crétin », c’est-à-dire de « chrétien ». Dans la figure de l’inadapté et du handicapé, la foi chrétienne nous a appris à reconnaître une image du Dieu fait homme.
29 janvier 2011 at 15:14
Erratum
Dans le com. 2, il fallait lire :
« Qui bene amat, bene castigat »
et non pas « quis ».
Je préfère me castiguer moi-même pour éviter que d’autres lecteurs de ce blog ne se livrent à des démonstrations d’amour qui m’embarrasseraient quelque peu.
29 janvier 2011 at 15:48
Je n’aime/connais pas assez le latin pour le châtier aussi bien que vous.
29 janvier 2011 at 20:05
En revanche, d’autres saints ont acquis la réputation d’être plutôt joyeux. Saint Thomas More était parfois appelé saint Thomas Taquin. Saint François de Sales auraient dit qu’un saint triste est un triste saint…
30 janvier 2011 at 17:31
J’ai quatre légendes à proposer pour la miniature:
(1) Dans le style un peu usé des calembours cartésiens :
« Je pense, donc je suis à l’écoute de l’Esprit-Saint »(Thomas d’Aquin).
Cela rend bien compte de la signification de la miniature, mais cela n’a pas forcément de rapport avec le billet.
(2) Ou alors, un distique en alexandrins avec une césure irrégulière (en ce cas, peut-être faudrait-il parler de « dystique »!):
« Colombe qui plaisante à l’oreille du Boeuf,
Tu le tires de son somme théologique »…
(3) Ou encore dans le style fabliau à calembour :
« Une colombe grattait l’oreille d’un Docteur de l’Eglise.
Il en fallait moins pour l’inspirer.
L’oiseau se fit mi-gratteur ».
(4) Ou enfin, avec une référence à Audiard:
« Eh, du pigeon! Faudrait pas prendre les enfants du bon Dieu pour des perchoirs sauvages »!
y a-t-il d’autres candidatures avant de passer aux votes?
30 janvier 2011 at 17:52
Post-scriptum :
Dans le distique (2), l’absence de « s » à « plaisante » est une licence poétique, bien sûr…
Cette licence est tolérée et même recommandée dans le cas de distiques composés en l’honneur de docteurs de l’Eglise.
(Cf. Vaugelas, « Traité des licences poétiques autorisées ou recommandées dans les distiques honorant la mémoire des Docteurs de l’Eglise », Livre XVII, chapitre 54, Paris, 1649, p. 12967, en bas à droite, après le quatrième tiret).
Mince ! Une vache volante vient de passer devant ma fenêtre…
30 janvier 2011 at 21:38
Paf. Crac dedans. Dopage.
(Deuxième.)
30 janvier 2011 at 22:34
PMalo,
Vous me faites rougir de confusion.
Oserais-je vous dire que mon humilité, si fragile, faiblit encore devant vos compliments?
Pitié, pitié pour elle. Cessez de me couvrir d’éloges…
Pan ! crac ! boum ! Une vache volante vient de se crasher juste à côté de mon ordinateur. Ouf ! Je l’ai échappé belle !
31 janvier 2011 at 00:22
(Troisième ?)
31 janvier 2011 at 10:25
Alors moi, comme légende, je propose :
« Le pigeon et l’oiseau. »
31 janvier 2011 at 11:55
Je participe au concours.
Je tente aussi l’alexandrin mais plutôt version trimètre romantique:
Ah! La tonsure, l’aérodrome de l’esprit.
( quoi? l’important c’est de participer!)
31 janvier 2011 at 14:32
Malheureusement pour moi, je n’ai pas de légende à proposer pour le portrait de Thomas Taquin. Tout juste puis-je signaler qu’il s’agit d’une sorte d’hapax iconographique. A ma connaissance, l’Esprit Saint est toujours figuré sous la forme d’une colombe. Là, on a manifestement affaire à un pique-bœuf (“(Buphagus africanus ; passereau africain de la famille des sturnidés se nourrissant sur la peau des bœufs et autres ongulés”). C’est tout à fait remarquable.
31 janvier 2011 at 14:54
« Le calembour est la fiente de l’esprit qui vole », déclamait Victor le Grandiôôse.
« Merci Seigneur de n’avoir point donné d’ailes aux vaches », exultait (par anticipation) saint François d’Assise.
(Où l’on assiste aux premières divergences théologiques entre l’école scolastique et l’école franciscaine, en son temps représentée par bienheureux Duns Scot, le « docteur subtil », contemporain et ‘adversaire’ de l' »angélique »).
31 janvier 2011 at 14:55
Addendum :
« … à nos sœurs vaches », pour être plus exact.
1 février 2011 at 22:22
Bon sang, Philarête !
Mais vous vous rendez compte du scoop en or que vous avez entre les mains ?
Ainsi donc la plus célèbre répartie d’Audiard ne serait pas d’Audiard, justement ? Le grand maître ès rigolade aurait honteusement plagié St Thomas d’Aquin ?
C’est du lourd, comme dirait Tschok.
J’alerte immédiatement l’Express. Leur petite affaire PPDA est ridicule à côté de la vôtre !
Et je m’en vais apprendre par coeur la traduction latine. Il me semble apercevoir là un moyen remarquable d’éloigner les fâcheux sans les offenser tout en se faisant infiniment plaisir.
Evidemment, il y a toujours le risque de tomber sur un latiniste distingué, mais alors ce sera l’occasion d’amorcer une belle discussion sur Audiard et St Thomas….
2 février 2011 at 00:14
[Commentaire par procuration]
Mad : Merci pour la dédicace, trop sympa !
Jo : bavuji bavuja blog blog yaaaaaooooouuu.
Saint Thomas : Quid dicit puerulus (Keskidilegoss) ?
L’Esprit (à l’oreille du saint) : Il chante en langue ; sous la dictée.
Saint Thomas : Placetne [plaît-il] ?
L’Esprit (au sein de l’oreille) : Il fait comme toi : il dit des trucs passionnants dans une langue que personne ne comprend.
Saint Thomas : Adsentio quidem, sed quid esse potest sensus verborum istorum quibus utitur [Ok Ok, mais que peut bien vouloir dire son charabia] ?
L’Esprit (pour se détendre) : Il disserte sur les preuves de mon existence.
Saint Thomas (il démarre au quart de tour) : Necne forte in sermonem latinam haec verba mysteriosa vertere possis [Et tu pourrais pas me traduire son sabir en bon latin, par hasard] ?
L’Esprit (avec un sourire plein de lui même — mais dépourvu de toute intention moqueuse, s’entend) : tss tss, tu cherches tout seul. Si LUI peut le faire…
Saint Thomas [triturant le fermoir de son manuscrit] : Non audeo [J’ose pas] !
L’Esprit : C’est pasque t’es trop intelligent. Saint Michel, lui, dit toujours : Stulti, et deliberatione non utentes, omnia tentant.
Saint Thomas : Optima verba ! Ea reponam [Excellent ! je la replacerai].
Le Père et le Fils : Bon allez, on s’est bien détendu l’Esprit, maintenant au boulot.
Jo : Bavuji bavuja blog blog ouaaaainnnnn !
Mad : Y dit qu’il a faim.
Saint Thomas : Primum vivere, deinde philosophari.
2 février 2011 at 08:19
à Wendrock (com. 17)
Un pique-boeuf, dites-vous?
Vous n’y êtes pas du tout. Les pique-boeuf, qu’ils soient à bec jaune ou à bec rouge, n’ont pas du tout cette allure!
Il est manifeste qu’il s’agit ici d’une espèce bien plus rare :
le pique-vache-volante.
Il a trouvé, pour se reposer, un boeuf susceptible de monter au ciel. Il fait donc du « beef stop ». Les puristes diraient sans doute de « l’ox-stop », à ne pas confondre avec « l’hoax-stop » qui ne nous concerne pas ici.
Comme ledit boeuf est docteur de l’Eglise, on l’appelle également « Docteur Ox ». Jules Vernes a écrit une nouvelle sur ce lui… Il rejoint Michel Audiard parmi les auteurs crypto-thomistes de la modernité.
Gare, j’entends la sirène d’une vache volante qui m’attaque en piqué !!!
2 février 2011 at 14:59
à Madeleine et Joseph
Etes-vous sûrs d’avoir transcrit correctement le dernier propos de Thomas taquin?
J’aurais plutôt cru qu’il aurait dit :
« Primum bibere, deinde philosophari ».
Mais je prends peut-être mon cas pour une généralité…
En tout cas, je souhaite à Jo de bien bibere du lait maternel ou du lait de vache (volante de préférence, c’est plus léger) en attendant de philosophari.
4 février 2011 at 10:23
@ Gwynplaine,
Votre image m’a bien fait rire, également, merci!
Pour la légende de l’image, je propose: « st thomas d’acquin live-twitte ses best-of du lol »
8 février 2011 at 17:13
Tom et son negre
—
A propos du « rire de » comme peche, qu’en est-il du « rire de soi » ?
10 février 2011 at 11:26
@ Humstel
«Tom et son nègre» me plaît énormément!
Je vais bosser la question sur le fait de rire de soi, je vous tiens au courant (j’ai pas de nègre, moi, donc ça sera peut-être un peu long…).
10 février 2011 at 18:35
à Humstel,
Chapeau bas pour « Tom et son nègre » !!!
12 mai 2013 at 07:41
A reblogué ceci sur sirolor.