Au moment d’exposer – trop longuement, qu’on me pardonne (ou qu’on ne me lise pas, évidemment) – les motifs de ma méfiance à l’égard du projet d’« ouverture » du mariage aux couples de même sexe, je garde à l’esprit cette réflexion de Pascal :
M. de Roannez disait : « Les raisons me viennent après, mais d’abord la chose m’agrée ou me choque sans en savoir la raison, et cependant cela me choque pour cette raison que je ne découvre qu’ensuite. » Mais je crois – poursuit Pascal, – non pas que cela choque par ces raisons qu’on trouve après, mais qu’on ne trouve ces raisons que parce que cela choque.
Me voilà prévenu : les raisons que j’expose m’ont peut-être été suggérées par une réticence qui n’a rien de raisonnable. Je me console en me disant que c’est le lot des débats dits « de société » : on prend d’abord parti, à l’instinct, et puis l’on trouve ensuite les raisons de motiver son parti. J’espère au moins avoir su me garder du « ton apocalyptique » qui prévaut un peu trop, à mon goût, dans le présent débat. Les arguments que je propose veulent davantage clarifier que condamner. J’évite d’ailleurs un certain nombre de sujets – le « droit des enfants », par exemple – sur lesquels je trouve difficile de formuler des raisonnements satisfaisants. Il ne me déplairait pas que des partisans du « mariage pour tous » puissent souscrire à certains de mes arguments : dans la mesure où je m’efforce de dégager les conséquences de certaines positions, et que ces conséquences m’empêchent, moi, de souscrire à ces positions, il serait parfaitement possible d’embrasser à la fois les positions et leurs conséquences. Il suffit de trouver les conséquences elles-mêmes admissibles, voire désirables.
1. Les homosexuels peuvent se marier
En cette délicate matière, piégée autant par d’antiques préjugés que par la nouvelle vigilance des traqueurs d’homophobie, le commencement de la sagesse consiste à reconnaître que les homosexuels ont le droit de se marier. Ils avaient ce droit alors même qu’on avait pas encore inventé le mot « homosexuel », et que nul ne songeait à faire des mœurs sexuelles le critère d’une « identité ». Les homosexuels ont le droit de se marier, comme tout le monde. Donc, de se-marier-comme-tout-le-monde : en épousant quelqu’un du sexe opposé. Ni loi ni morale ne songent à fonder le droit au mariage sur les préférences affectives, et le cas se rencontre, évidemment, d’homosexuels qui se marient. Ils le font pour des raisons qui ne sont ni meilleures ni pires que celles qui poussent parfois les gens à se marier – l’un des avantages d’une quelconque « institution » étant d’être disponible à toutes sortes d’intentions et de projets.
Rappeler que les homosexuels ont le droit de se marier, c’est seulement ici une façon d’indiquer qu’il y a quelque biais dans la prétention à faire de notre problème un enjeu de lutte contre la discrimination. On peut parfaitement être convaincu du bien-fondé de la lutte contre la discrimination envers les homosexuels, et trouver abusif, voire contradictoire, le projet d’une « ouverture » du mariage aux couples de même sexe.
Ce rappel n’est évidemment que le commencement de la sagesse, et non le fin mot de l’histoire. Il ne prétend pas régler la question, encore moins balayer d’un revers cynique toute discussion possible : son seul intérêt est de permettre de préciser la question qui importe, celle de savoir s’il devrait être possible d’épouser quelqu’un du même sexe que soi.
2. Il n’est pas « interdit » d’épouser quelqu’un du même sexe que soi
Tout le monde reconnaît qu’il est aujourd’hui impossible d’épouser quelqu’un du même sexe que soi. Mais tout le monde semble faire comme si cette impossibilité relevait d’une « interdiction » : une interdiction privant les homosexuels d’un droit, disent les partisans du « mariage pour tous », et donc une interdiction à lever d’urgence au nom de l’égalité ; une interdiction à maintenir absolument, disent leurs adversaires, au nom de la valeur sociale de l’hétérosexualité et de l’intérêt des enfants.
On partage donc, de part et d’autre, un même présupposé : qu’il faut expliquer l’impossibilité par une interdiction. Or ce présupposé est indéfendable – et c’est, dans une large mesure, ce qui explique le caractère insatisfaisant du débat. En confondant l’impossibilité et l’interdiction, on commet une erreur logique : et toutes les erreurs logiques sont graves, puisqu’elles nous dérobent le sens même de ce dont nous parlons.
Pourquoi parler d’une erreur logique ? Parce que c’est une erreur portant sur les différents sens possibles du verbe « pouvoir », dans un énoncé comme : « vous ne pouvez pas faire ceci ». Or ces sens différents possèdent des propriétés logiques différentes – de sorte qu’on ne peut pas tirer le même genre de conséquences ou d’implications selon que « pouvoir » s’y entend en un sens ou l’autre.
Si « vous ne pouvez pas épouser quelqu’un du même sexe » signifiait « cela vous est interdit », alors il faudrait que ce soit, par ailleurs, possible : car on ne peut interdire de faire que ce qu’il possible de faire – par exemple, interdire de fumer que parce qu’il est possible de fumer. L’interdiction de fumer suppose la possibilité de fumer. Et, de fait, si l’on fume alors que c’est interdit, on sera en contravention avec l’interdit. Pour qu’il y ait une interdiction, il faut que l’infraction puisse être constituée, et donc qu’il soit possible de faire précisément cela qui est interdit.
Or est-il possible d’épouser quelqu’un du même sexe que soi ?
La réponse passe forcément par l’examen de notre institution du mariage. Le mariage, en effet, n’est pas une activité physique comme manger, boire ou fumer. C’est une pratique institutionnelle, c’est-à-dire une action rendue possible par l’existence d’une institution. Il en va du mariage comme d’un serment, d’une élection, du fait de parler une langue ou de jouer à un jeu : la pratique doit exister dans le monde social où l’on vit pour qu’on puisse la mettre en œuvre. Là où la pratique existe, elle est disponible pour quiconque veut s’en servir pour faire ce que la pratique rend possible. Là où elle n’existe pas, on ne peut ni envisager, ni entreprendre, de faire ce que permettrait de faire la pratique.
Si la pratique existe, elle impose une certaine « formalité » : elle impose qu’on fasse ce qui est prévu pour que la pratique ait lieu. Si, par exemple, on joue au football, il y a une manière prévue pour marquer un but – que le ballon franchisse la ligne de but, dans l’espace délimité par les montants du but. De ce fait, 1) si le ballon franchit la ligne de but dans les conditions prévues, « il y a but » ; et 2) il n’y a pas de sens à dire qu’il est « interdit » de marquer un but d’une autre manière. Ça n’est pas interdit, mais simplement impossible : les règles ne font pas exister d’autres possibilités de marquer des buts, donc elles ne peuvent pas non plus les interdire. Elles prévoient seulement ce qu’il doit y avoir pour qu’il y ait but.
Ce type de règle est appelé par les philosophes une règle « constitutive » : c’est une règle qui crée (« institue ») une possibilité d’action qui n’existerait pas sans cette règle. La règle constitutive se distingue par là d’une règle de conduite, qui porte sur une activité existant par ailleurs. Un règlement quelconque peut prescrire aux joueurs de football une certaine tenue, interdire une autre manière de s’habiller : mais ce genre de règle présuppose que le jeu est déjà institué. Il est peut-être interdit de jouer au football en maillot de bain (par exemple, dans une compétition internationale) ; mais la tenue adaptée n’est pas constitutive du jeu lui-même.
Dans notre institution du mariage, il y a une règle constitutive (évidemment antérieure à toutes les lois qui régissent chez nous le mariage) qui dit qu’on épouse une personne de sexe opposé. Cette règle n’« interdit » pas d’épouser quelqu’un du même sexe : elle dit, indirectement, que c’est impossible, autrement dit qu’il manquera ce qu’il faut pour qu’il puisse y avoir mariage. La règle ne se contente pas de « réglementer » les mariages : elle institue la possibilité de se marier en prévoyant ce que X doit faire pour épouser une personne de l’autre sexe.
Peut-être dira-t-on que le fait d’être de sexe différent n’est pas en soi une « action » ; et que, peut-être, X et Y pourraient être de même sexe et faire tout ce qui est prescrit pour « se marier » ?
Mais les règles constitutives ne portent pas forcément sur des actes, sur des gestes ou des paroles. Elles peuvent aussi porter sur de simples faits : par exemple, les règles instituant le jeu de football prévoient la forme et les dimensions du ballon. Un ballon ovale n’est pas un ballon de football : quoi que l’on fasse avec un ballon ovale, ça ne sera pas du football. De même nos institutions prévoient-elles que tout ne peut pas être vendu : les personnes ne sont pas des biens ; une pseudo transaction commerciale qui tendrait à vendre ou à acheter une personne serait ipso facto nulle (cela n’exclut pas qu’on puisse également considérer comme un délit le fait de se livrer à un simulacre de transaction commerciale ayant pour objet des personnes : exactement comme il est interdit de se livrer à un simulacre de mariage entre deux personnes déjà mariées par ailleurs).
La notion de « règle constitutive » constitue un intéressant mélange de nécessaire et de relatif. De nécessaire, car la règle institue un lien nécessaire entre certains faits ou certaines actions, d’une part, et l’accomplissement d’une pratique sociale : si il y a ceci ou cela, si l’on fait ceci ou cela, alors il y a — un coup dans le jeu d’échecs, l’achat d’un bien, un échange de promesse, une élection présidentielle, un mariage, etc.
Mais aussi de relatif : car la règle est par définition conventionnelle. La règle pourrait être différente. C’est nous – la société – qui disons ce qu’il doit y avoir pour obtenir tel résultat institutionnel. Seulement, si la règle était différente, l’institution serait elle aussi différente. Si l’on joue avec un ballon ovale, si l’on marque des points en faisant passer le ballon au-dessus de la barre transversale, alors on ne joue plus au football (mais peut-être au rugby).
Nous pouvons décider de changer les règles constitutives d’une pratique comme le mariage : mais alors, ce ne sera pas un changement, voire une amélioration, du mariage. Nous n’aurons pas levé un interdit, mis fin à une discrimination empêchant une catégorie particulière de personnes de se marier. Nous aurons changé l’institution elle-même. Nous en aurons inventé une autre.
Ce qui est, évidemment, parfaitement possible. Ce qui ne l’est pas, c’est de modifier une règle constitutive tout en niant avoir inventé une nouvelle institution.
Le présent débat ne porte pas sur les raisons que nous avons de lever une interdiction ; il porte sur les raisons que nous avons de créer une nouvelle institution. Ce n’est pas le même débat, et l’on ne peut que regretter que les arguments avancés de part et d’autre reposent en général sur une erreur initiale. Concrètement, les partisans du « mariage pour tous » se trompent en présentant leur revendication comme si elle relevait d’une lutte pour l’égalité et contre la discrimination. Leurs adversaires, eux, se trompent s’ils estiment impossible de créer une nouvelle institution permettant d’unir devant la loi deux personnes de même sexe.
3. Éclaircissements sur les règles constitutives
(Les éclaircissements qui suivent n’apportent rien de nouveau par rapport au développement précédent ; ils veulent seulement préciser les contours philosophiques de la notion de « règle constitutive ». Le lecteur fatigué par l’abstraction peut passer directement au paragraphe suivant. Je suis heureux, néanmoins, de profiter de cette parenthèse pour signaler ma dette envers les analyses proposées par Vincent Descombes dans un brillant essai intitulé « l’impossible et l’interdit », publié dans Le raisonnement de l’Ours, au Seuil, en 2007.)
La thèse précédente mobilise la notion, introduite par la philosophie contemporaine dans le sillage de Wittgenstein, de « règle constitutive ». Cette notion est inspirée par les « règles » d’un jeu, qui se révèle un fécond paradigme pour réfléchir à la nature des conventions et institutions humaines (tout en évitant le pathos qui accompagne facilement le discours sur « les institutions »). L’idée n’est pas, évidemment, que les institutions de la vie sociale sont d’essence ludique. Elle est plutôt que les conventions en général créent de nouvelles possibilités d’action, qui n’existent pas dans le monde seulement « naturel ». Un jeu quelconque existe parce qu’il y a des « règles du jeu » : énoncer la règle, c’est créer la possibilité de jouer à ce jeu. Ainsi font les enfants, quand ils disent : « le premier qui fait ceci a gagné ». « Faire ceci » devient, par sa mention dans une règle, la manière de jouer à tel jeu (les enfants ne prennent généralement pas la peine de nommer leurs jeux éphémères ; mais ils savent fort bien dire « ce n’est pas du jeu » si quelqu’un s’écarte de la règle inventée pour le jeu en question).
De la même façon, dans une institution quelconque, il y a une « règle constitutive » qui dit : « s’il y a telle action, ou tel fait, alors telle pratique (institutionnelle) a lieu ». Telles paroles, prononcées dans le contexte approprié, comptent pour un serment ; telle procédure valent élection d’un président ; tels actes – échanger un certain bien contre une somme d’argent – comptent pour l’achat de ce bien. De même, il y a mariage là où certains faits et certains actes sont réunis.
Dans le cas du mariage, la « règle » prévoit non seulement des actes et des paroles, mais également des conditions concernant les éventuels candidats : conditions d’âge, d’absence de lien de parenté immédiat, de consentement, de sexe. Il ne peut y avoir de mariage là où ces conditions ne sont pas réunies. À partir de là, on doit faire un certain nombre de distinctions.
1) D’abord, il faut distinguer les « règles constitutives » d’un simple rituel. Je peux savoir en gros ce que c’est que se marier, mais ne pas savoir comment le faire selon le rite anglican. Les rites pour se marier peuvent être différents les uns des autres, tout en laissant ouverte la possibilité de les reconnaître comme autant de manières différentes de faire « la même chose » – se marier. Il en va ici comme de la possibilité de réglementer la tenue des joueurs de football : on peut changer la tenue, changer les modes et les rituels, tout en préservant l’essence du jeu. On reconnaît un « traditionaliste » au fait qu’il tend à estimer que tout changement affectant les rituels fait ipso facto disparaître la pratique elle-même. Le « progressiste » est plutôt celui qui tient toutes les règles constitutives pour de simples rituels.
2) Des différences substantielles dans les règles constitutives obligent à reconnaître, non plus des variantes d’une même institution, mais bel et bien des institutions différentes. Un mariage qui ne requiert pas le consentement des deux parties n’est pas « notre » mariage – c’est un autre mariage, un autre concept de mari et de femme. On peut rattacher à ce point les stipulations concernant l’âge des candidats au mariage : une variation de quelques années dans l’âge légal ne fait pas forcément une institution différente, mais si un mineur de sept ans pouvait se marier, il faudrait admettre que le consentement n’est pas vraiment requis – on ne suppose pas, chez nous, qu’une personne de sept ans est en âge de consentir de façon éclairée à un mariage. De même, si l’on peut se marier en étant soi-même déjà marié, ou si l’on peut épouser une personne déjà mariée – cas de la polygamie – on a affaire à une autre institution. A fortiori si l’on peut se marier avec le Mur de Berlin.
3) Dans cette perspective, il est difficile de ne pas considérer que la différence de sexe fait partie des « règles constitutives » de notre concept de mariage. Ce n’est pas une convention récente, une invention du Code civil par exemple, mais un trait constitutif qui nous permet de parler de mariages à propos d’unions célébrées en des temps reculés de notre histoire. C’est pourquoi il est impossible de ne pas considérer que l’altération de cette règle aboutirait à un changement d’institution. Que ce changement soit souhaitable ou non est une autre histoire – mais qu’on puisse prétendre qu’il s’agirait seulement de « lever un interdit », de mettre fin à une discrimination, bref d’améliorer « notre » mariage – cela paraît vraiment difficile à argumenter.
4) John Rawls, dans un article qui a beaucoup fait pour introduire la notion de « règle constitutive », envisageait une objection possible : cette notion n’incline-t-elle pas nécessairement dans le sens du conservatisme social ? N’amène-t-elle pas à soutenir qu’il est impossible de toucher aux institutions ? Il répondait que cette supposition repose sur un complet malentendu : on peut parfaitement soutenir qu’une règle constitutive ne peut être altérée sans que la pratique instituée elle-même devienne une autre pratique – et estimer que l’on doit refuser « les pratiques en vigueur dans notre société. On peut être aussi radical que l’on veut », poursuit-il, « mais… il faut faire porter son radicalisme sur les pratiques sociales elles-mêmes, et leur acceptation par les gens » (« Two concepts of rules », 1955). Autrement dit, il faut accepter de dire qu’on ne veut plus d’une institution, ou en tous cas qu’on souhaite en créer une autre.
Dans la discussion actuelle, on peut remarquer un trait significatif : la différence de sexe est ce qui paraît, aux yeux de certains, le plus superficiel. En revanche, le consentement est probablement ce qui paraît le plus essentiel. Ce qui relève de la nature paraît contingent, extérieur au sens même de l’institution ; ce qui relève de la volonté libre paraît nécessaire, intrinsèque au sens de l’institution (voir §5). Entre les deux, les conditions concernant le nombre et la parenté ne peuvent qu’apparaître fragilisées (voir §6).
4. Le « mariage » peut être « pour tous » sans cesser d’être un mariage
Il est évident que la formule du « mariage pour tous » rend un son démocratique. Elle revêt la forme même de toutes les revendications d’égalité : que tous puissent accéder au droit commun – sans restriction de religion, d’âge, de race ou de sexe (éducation pour tous, protection sociale pour tous, droit de vote pour tous, etc.). Quiconque s’oppose à ce qu’un droit quelconque vaille « pour tous » risque aussitôt de passer pour un partisan de l’inégalité et un défenseur des privilèges. Pourtant, il n’y a qu’une seule façon d’entendre la revendication du « mariage pour tous » dans un sens démocratique : s’il doit y avoir « mariage » et qu’il soit réellement « pour tous », ce ne peut être qu’au sens où n’importe quel homme puisse, dans les conditions requises, épouser n’importe quelle femme.
Telle est la dynamique authentiquement démocratique que Tocqueville, comme on le sait, vit à l’œuvre en Amérique. Alors que, dans les sociétés d’esprit aristocratique, toutes sortes d’obstacles s’interposent entre un homme et une femme qui voudraient se marier (ce sont les familles qui négocient les mariages), « l’égalité des conditions a fait tomber les barrières imaginaires ou réelles qui séparaient l’homme de la femme ». Telle est la vraie formule démocratique du « mariage pour tous ». Il n’est pas interdit de penser qu’elle n’a pas perdu toute son actualité.
Aujourd’hui, dans le débat américain sur le « mariage gay », on invoque constamment le « précédent » de la lutte pour les droits civiques des Noirs. Le maire de New York, Michael Bloomberg, a d’ailleurs décrit le mariage entre personnes de même sexe comme « le grand enjeu de notre temps en matière de droits civiques ». Ce rapprochement est, à n’en pas douter, suggéré par le cas des lois qui, dans certains États américains, proscrivaient le mariage entre personnes de race différente. Ces lois, dites « antimiscegenation » furent toutes abrogées en 1967, suite à une décision de la Cour suprême (Loving vs Virginia – les époux Loving contre l’État de Virginie).
Pourtant, le parallélisme paraît entièrement frauduleux. Ceux qui militèrent pour l’abrogation des lois antimiscegenation se battaient contre une idée aberrante de la race au nom d’une idée tout à fait ordinaire du mariage : ils se battaient au nom de l’idée que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, contre l’idée que la différence de race crée entre l’homme et la femme une barrière infranchissable. C’est le racisme qui était une innovation récente. Le mariage, lui, demandait seulement à être restauré dans ses droits primitifs.
Il se trouve que le concept de mariage est intrinsèquement lié à celui de la différence des sexes. C’est un cas de « règle constitutive ». Il entre une part d’arbitraire dans cette règle : exactement comme il entre une part d’arbitraire dans la règle qui définit le but au football – à ceci près, cependant, que le mariage joue dans nos sociétés un rôle nettement plus central que le football. Mais ce qui n’est pas arbitraire, c’est de dire que la différence des sexes appartient à notre concept de mariage : nous ne sommes pas souverains à l’égard du sens des mots, leur histoire nous oblige. Elle ne nous interdit pas d’en inventer de nouveaux pour désigner des réalités nouvelles.
En Afrique du Sud, le régime d’apartheid empêcha longtemps la constitution d’une équipe nationale de rugby multiraciale. Lorsque l’apartheid tomba, personne ne douta que les parties livrées par la nouvelle équipe fussent des parties de rugby. Il en aurait été autrement, évidemment, si l’on avait inventé un nouveau jeu, avec de nouvelles règles, à l’usage des équipes multiraciales dans le propos de réserver le rugby à des équipes de joueurs blancs.
De la même façon, le combat contre les lois antimiscegenation fut réellement un combat en faveur du « mariage pour tous ». Il se conclut par la victoire du mariage sur le racisme. En revanche, si l’on voulait ouvrir le mariage aux couples de même sexe, on serait en train, sous couvert de « mariage pour tous », d’inventer un nouveau « jeu » qui n’aurait que le nom de commun avec l’ancien mariage. La dynamique de cette invention, bizarrement, se rapprocherait de celle de la ségrégation : le « mariage pour tous », oui, mais pas « le même » pour tous.
5. Pourquoi le « mariage pour tous » paraît démocratique
Si le « mariage pour tous », dans sa forme actuelle, ne peut passer pour une véritable démocratisation du mariage, il y a par ailleurs quelque chose d’incontestablement démocratique dans la protestation contre une institution qui érige la différence de sexe en critère constitutif.
Encore une fois c’est Tocqueville qui a sans doute le mieux aperçu la configuration d’idées qui est ici à l’œuvre. On se rappelle les fameux chapitres de la Démocratie en Amérique consacrés à la famille. Après avoir expliqué pourquoi l’idée d’égalité rapproche inéluctablement le serviteur de son maître et le fils de son père, il montre que la démocratie rapproche aussi la femme de l’homme et promeut leur égalité. Il insiste pourtant sur le fait que l’égalité entre l’homme et la femme est compatible avec le maintien de leur différence : Tocqueville (ici proche de Rousseau, comme souvent, proche aussi des rédacteurs du premier Code civil) estime que la différence des sexes est trop évidemment enseignée par « la nature » pour qu’elle puisse, dans un régime d’égalité, prendre une autre forme que celle de la complémentarité des sexes.
Or, en commentant ces textes, Marcel Gauchet a suggéré que Tocqueville n’a pas forcément été, sur ce point, au bout de ses propres idées. La « passion de l’égalité », commente Gauchet, ne conduit certes pas à la suppression des différences réelles, mais elle conduit certainement à leur ignorance volontaire. Je cite Gauchet :
Le mystère de l’égalité…, comme Tocqueville le pressent, même s’il le manque sur ce cas crucial, c’est de faire passer le sentiment de ressemblance et la volonté de similitude par-dessus les obstacles de la nature et au-delà de l’écran du visible, de procurer aux individus la notion militante d’une identité avec leur vis-à-vis indifférente aux caractères de surface, voire en stricte contradiction avec les données manifestes. On pourrait même dire, dans cette ligne, que le développement de l’égalité ne prend et ne révèle sa signification véritable que lorsqu’il se disjoint résolument du support de la certitude sensible et instaure la possibilité d’une reconnaissance là où il n’est pas évident d’en voir jouer une. (M. Gauchet, La condition politique, Gallimard, 2005, p. 362)
Gauchet n’avait pas en vue, dans ce commentaire, les droits des homosexuels. Il n’en reste pas moins qu’il éclaire puissamment le « motif » qui travaille la revendication du « mariage pour tous » : la chose qui importe, la seule chose qui peut importer de façon légitime, ce ne peut être une différence de sexe qui, n’étant que naturelle, relève encore de la certitude sensible, de ce qui est « donné » avant toute mise en forme par l’idéal d’égalité. Une différence qui n’est que naturelle ne peut être opposée au « sentiment de ressemblance et [à] la volonté de similitude » : ce qui est revendiqué, c’est qu’on fasse comme si couples de même sexe et couples de sexe différent étaient semblables. Il faut que la « possibilité d’une reconnaissance » soit ouverte, précisément, là où il est le moins « évident d’en voir jouer une ».
La conviction, sur ce point, peut s’exprimer dans l’idiome individualiste : pour qu’il y ait mariage, il suffit qu’il y ait deux « individus » adultes et consentants. Le sexe est, de ce point de vue, extérieur à la notion d’individu. On consent avec sa volonté, pas avec son corps.
(Je ne pense pas que cette conception soit la plus sérieuse philosophiquement : on peut soutenir, au contraire, qu’il nous serait difficile de concevoir l’individualité humaine indépendamment du corps, et singulièrement du sexe – non pas qu’un individu qui changerait de sexe devienne par là un autre individu, mais plutôt qu’un individu ne change pas vraiment de sexe. Mais c’est évidemment un autre débat. Je n’y fais allusion que pour évoquer l’idée, chère à George Orwell, que la démocratie est, de tous les régimes politiques, celui qui peut le moins se passer de la notion de vérité, et se satisfaire durablement de fictions imaginaires.)
6. Ça n’a rien à voir avec la polygamie ou l’inceste, mais…
Il est inepte de comparer l’homosexualité avec l’inceste ou la polygamie.
Il n’est pas inepte de s’interroger sur la portée et la signification d’un changement apporté à l’une des « règles constitutives » du mariage. La disparité de sexe au sein du couple est l’une de ces règles : la plus fragile, on l’a vu, car celle qui tient le plus à la simple « nature des choses ». La règle la plus solide est probablement celle qui tient au consentement : car celle-ci est pleinement conforme à l’affirmation des droits de la volonté individuelle, qui fonde l’ordre démocratique.
Il n’est pas aberrant, par conséquent, de s’interroger sur la solidité d’autres éléments constitutifs du mariage comme le nombre des conjoints et l’absence de lien de parenté proche.
C’est non seulement possible, mais l’objectivité oblige à constater que ces interrogations sont d’actualité. L’ignorer serait naïf : car toutes ces questions se posent déjà.
Elles apparaissent dans la rubrique des « faits divers » – et ce qui est significatif n’est pas que des gens plus ou moins sérieux posent effectivement cette question, mais bien que les médias estiment devoir s’en faire l’écho, d’une manière qu’on peut trouver globalement complaisante.
Du côté de la polygamie et de la « pluriparentalité », on a ainsi pu apprendre qu’un sénateur de Californie entendait réformer la loi pour permettre à un enfant, si son intérêt est en jeu, d’avoir juridiquement plus de deux parents. On lit aussi qu’au Brésil, une notaire avait conclu un mariage entre trois personnes, tandis qu’au Canada, la Cour suprême de Colombie britannique avait, elle, maintenu l’exclusion de la polygamie dans une affaire impliquant des mormons, non sans vives controverses. Du côté de l’inceste, c’est le réalisateur Nick Cassavetes qui a eu récemment l’honneur de « briser le tabou », en commentant son dernier film (qui évoque le sujet) :
Aimez qui vous voulez. N’est-ce pas ce que nous disons ? Le mariage gay – aimez qui vous voulez ? C’est si votre frère ou votre sœur, c’est super bizarre, mais si on y pense, vous ne faites de mal à personne, à part quiconque pique une crise parce que vous êtes amoureux l’un de l’autre.
Bien sûr, ces échos et ces déclarations relèvent des faits divers. On les rapporte parce qu’ils sont curieux, voire « super bizarres », comme dirait Cassavetes. Ce n’est pourtant pas si simple. Dans le sillage des discussions qui ont lieu, dans tout le monde occidental, autour du mariage entre personnes de même sexe, des intellectuels de premier plan ont commencé à argumenter aussi sur la polygamie et l’inceste.
C’est le cas de Martha Nussbaum, dans un essai sur « le droit au mariage » publié dans la très sérieuse California Law Review (et, sans les notes, dans la revue Dissent). Le texte (d’ailleurs remarquable de sérieux argumentatif, bien que je sois en désaccord avec pratiquement tout ce qu’il contient) est consacré au same-sex marriage, et raisonne largement à partir de la tradition américaine en matière de droits constitutionnels. Il est aussi nourri de toute la réflexion de Nussbaum sur la question du dégoût et autres réactions passionnelles à l’égard de ce qui est perçu comme non seulement immoral, mais révoltant (en bonne libérale, Nussbaum tend à regarder avec suspicion le dégoût provoqué par des actes ou des pratiques socialement réprouvées ; en bonne aristotélicienne, elle estime cependant que ce dégoût n’est pas condamnable en tant que réaction passionnelle – il y a de bonnes passions – mais parce qu’il n’est pas conforme à la raison droite).
Selon Nussbaum, « les arguments juridiques contre la polygamie sont extrêmement faibles ». Ils sont faibles, car en droit constitutionnel américain, seul un « intérêt public puissant » (strong State interest) peut justifier la restriction d’une liberté. Cet « intérêt public » doit, par ailleurs, pouvoir être autant que possible démontré par des arguments de type empirique et vérifiable (c’est, soit dit en passant, ce qui explique la prolifération des études sur le profond bien-être des enfants éduqués par des « parents » de même sexe : il fallait démontrer empiriquement qu’aucun intérêt public vital n’était menacé par l’accès des couples de même sexe à l’adoption). Pour Nussbaum, l’intérêt public vital qui serait assez fort pour proscrire la polygamie est la préservation de l’égalité des sexes, mais il « ne porterait pas contre un régime de polygamie préservant l’égalité des sexes (a regime of sex-equal polygamy) ».
De même, en matière d’inceste, « l’intérêt dans la prévention des abus sur enfant justifierait la proscription de la plupart des cas d’inceste parent-enfant, mais il n’est pas clair qu’il existe un intérêt public fort pour empêcher un frère et une sœur adulte de se marier ».
Quoi qu’on pense de ces remarques, elles obligent à réfléchir. Dans l’optique de Nussbaum, il est possible de décrire certaines formes de polygamie et d’inceste d’une manière compatible avec l’idéal démocratique d’égalité et de liberté. Le consentement reste la norme suprême ; et, de manière instructive, il peut être assumé aussi bien dans une tradition « de gauche » (le « polyamour » entre adultes consentants, par exemple) que dans une tradition « de droite » (la polygamie traditionnelle de certains groupes religieux comme les mormons).
Un État qui accepte de faire sauter une des règles constitutives du mariage au nom de l’égalité est, bien entendu, dans une position plus fragile face à des revendications portant sur d’autres règles constitutives. On peut supposer, cependant, qu’un État comme la France serait moins exposé que des pays qui font, par exemple, plus grand cas de la liberté religieuse : chez nous, la laïcité est suffisamment vigoureuse pour faire contrepoids à des demandes visant la polygamie. On peut « avancer » sur la question du sexe sans risquer de glisser sur celle du nombre des conjoints. La situation des États-Unis apparaît donc plus fragile sur ce point – ce qui contribue peut-être à expliquer, à la fois la radicalité des débats (dont témoigne la prise de position de Nussbaum), et la force des résistances sociales aux changements du mariage.
Les curieux pourront approfondir ces arguments en découvrant le récent ouvrage d’une autre philosophe, Elizabeth Brake, en faveur d’un « mariage minimal » – sans restriction de « genre » ni de « nombre » : un État démocratique doit reconnaître qu’il n’est légitime pour imposer ni des restrictions sur le sexe des époux, ni sur le contenu des engagements qu’ils prennent, ni même sur la centralité du sentiment amoureux (ce qu’elle appelle – joliment ? – « amatonormativity »).
Ici encore, on repère une convergence objective entre libéraux et conservateurs : les premiers tendent à réclamer une réforme radicale du mariage, dans le sens de sa réduction à un pur contrat civil, seul compatible avec toutes les exigences de la liberté individuelle (je m’engage exactement à ce à quoi je consens dans le contrat) ; les seconds, pour des raisons diamétralement opposées, sont enclins à estimer que, vu ce que l’État est en train de faire au mariage, il vaudrait mieux qu’il se retire pour de bon du « marriage business » – qui resterait l’affaire des religions, par exemple, – et se contente de délivrer des contrats civils pour tous les couples (ou autres) qui en feraient la demande.
Et, curieusement, libéraux radicaux comme conservateurs extrêmes reculent les uns comme les autres au moment de tirer cette conclusion. Comme l’a suggéré le philosophe David Novak, dans une réponse à l’article de Martha Nussbaum sur le « droit au mariage », les premiers n’ont pas envie de reconnaître que l’institution du mariage civil ne pourra probablement pas être réformée au point d’inclure tout ce qu’ils voudraient qu’elle inclut ; quand aux seconds, l’abolition pure et simple du mariage civil reviendrait à admettre qu’il ne pourra jamais être restauré dans sa signification traditionnelle plus riche et plus cohérente.
7. L’Europe, plus avancée que les États-Unis
La réflexion développée par Marcel Gauchet dans son essai sur « la dérive des continents » publié à la suite des analyses de Tocqueville citées plus haut permettent d’éclairer un autre aspect du débat, a priori paradoxal : l’avance que prend l’Europe sur les États-Unis en matière de « mariage homosexuel ».
Historiquement, c’est aux États-Unis que le militantisme homosexuel a pris sa forme actuelle, et c’est là que se sont fait entendre, pour la première fois, la revendication du gay marriage. Le journaliste Andrew Sullivan, l’un des plus talentueux porte-parole de la cause homosexuelle en Amérique, date ce genre de revendication des années post-sida, marquées par la quête de la « protection ». Jusque là le militantisme gay empruntait volontiers aux formes de la contestation noire radicale type Black power. Le mariage symbolisait à lui seul tout ce que des homosexuels « conscients » devaient rejeter – l’« hétéronormativité », le conformisme bourgeois, la complaisance satisfaite de l’american way of life. Or en quelques années, on abandonna le modèle radical pour se mettre à rêver d’un petit foyer bien installé, entouré de la considération respectueuse de voisins bienveillants. « Le désir de révolte, écrit Sullivan, céda tranquillement le pas au besoin d’appartenance ».
Or voici que les États-Unis font désormais figure de mauvais élève. Après les Pays-Bas, l’Espagne, la Belgique et des pays scandinaves, la France s’apprête à leur passer devant. Aux États-Unis, le Defense of Marriage Act (DOMA), voté massivement sous Clinton pour protéger la liberté des États de ne pas reconnaître le same-sex marriage, a beau être actuellement battu en brèche, il résiste encore. Mais imagine-t-on seulement, en France, une « loi de défense du mariage » ? Le seul intitulé ferait hurler.
C’est peut-être qu’en France, dans notre tradition politique, l’émancipation démocratique tend à se faire « par le haut ». C’est l’État qui prend en charge le développement de l’égalité, c’est lui qui assume le premier rôle dans ce processus que Gauchet a proposé de décrire comme la « détraditionalisation » de la société : libérer l’individu du joug des structures sociales héritées du passé, toujours suspectes d’attenter à l’autonomie individuelle. En Amérique, la tendance historique est plutôt de voir l’État comme une menace potentielle contre les libertés et contre la responsabilité individuelle. Les droits des individus doivent sans cesse être protégés contre les empiètements de l’appareil public (voir la résistance, pour nous si difficilement compréhensible, qu’a rencontrée la réforme du système de santé, ou le clivage emblématique autour de la peine de mort, de part et d’autre de l’Atlantique). Et le mariage passe pour être un haut lieu de l’éducation démocratique : c’est là que les enfants apprennent à savoir ce qu’ils veulent « dans la vie » et à défendre leurs propres idées. Les parents sont censés assister, avec respect et ravissement secret, à la self affirmation de leur progéniture. En Amérique, les enfants parlent à table. Ce sont les adultes qui écoutent.
En France, la famille est du côté de la tradition, donc des pesanteurs sociales, voire de l’Ancien régime – sinon de Vichy. Il est significatif, à cet égard, que la ministre de la justice, dans l’entretien à La Croix qui dévoilait le plan du gouvernement sur le « mariage pour tous », ait évoqué le précédent de l’introduction du divorce en 1884 : en matière de famille, les hauts faits républicains sont des ébranlements de l’institution. De même Christiane Taubira mentionnait-elle la résistance religieuse à cette première grande réforme de la famille : l’Église n’est pas perçue chez nous comme une composante de la société civile et, à ce titre, comme une des expressions de la liberté individuelle ; elle est perçue en fonction de son lien avec l’Ancien régime et son incompatibilité avec la « détraditionalisation » entreprise au nom des Lumières.
Significative est aussi la façon dont la ministre excluait par principe la possibilité pour les maires de refuser de célébrer les nouveaux « mariages » au nom d’une clause de conscience : en France, l’État émancipe, la société doit suivre. Avec tous les paradoxes qui naissent inévitablement de cette émancipation « par le haut », c’est-à-dire dans la dépendance à l’égard d’une puissance supérieure émancipatrice. Comme l’écrivait solennellement un éditorial de Libération (11 mai 2011) consacré précisément à ce projet de loi, « François Hollande peut, s’il tient ses promesses, changer nos vies » : on jugera à son poids de régression infantile ce reste de la tradition libertaire du journal.
Les paradoxes de l’émancipation par le haut sont évidemment redoublés lorsqu’il s’agit, non plus seulement du mariage, mais de l’adoption et de l’accès à la procréation assistée : ici, la dépendance à l’égard de l’autorité émancipatrice s’accompagne inévitablement d’une dépendance à l’égard de lourdes techniques juridiques ou médicales. Pour émanciper à fond, l’État doit être prêt à faire plier également la nature.
Signalons pour terminer un fait, anecdotique en apparence, mais tout de même symbolique. On sait l’importance du « couple présidentiel » aux États-Unis, et les commentateurs français de la campagne qui s’est achevée n’ont pas manqué de gloser sur les rôles d’épouse parfaite tenus avec brio par Mmes Obama et Romney. J’ai même entendu Caroline Fourest expliquer pourquoi elle trouvait cela proprement effrayant. Il est tout de même probable que ce phénomène américain participe de cette idée que le mariage est vu, là-bas, comme profondément en phase avec l’idéal démocratique.
Chez nous, il n’aura échappé à personne que le président qui s’apprête à faire bénéficier les couples de même sexe du « droit au mariage » n’a lui-même jamais été marié. À ce qu’on peut savoir, les deux ministres qui « portent » le projet, celle de la justice et celle de la famille, ne sont pas non plus mariées. Et il serait cruel de rappeler que le premier ténor socialiste à s’être courageusement rallié à la cause du « mariage homosexuel » – c’était à l’époque du « mariage de Bègles – s’appelait Strauss-Kahn. Tous ces gens ont évidemment droit à leur vie privée : mais leurs gestes publics prennent, me semble-t-il, une tournure un peu moins héroïque quand on constate qu’ils ne tiennent pas forcément le mariage pour une condition sine qua non de la réussite sociale.
8. Les deux formules de la reconnaissance
L’idée d’un mariage entre deux personnes de même sexe s’offre comme la synthèse improbable de deux aspirations contradictoires : l’aspiration à l’égalité et la reconnaissance de la différence.
L’aspiration à l’égalité est celle qui se fait le plus constamment entendre. On veut, dit-on, mettre fin à une discrimination, établir l’égalité des droits, bref faire accéder les homosexuels au statut commun. Pour cela, ils doivent avoir le droit de se marier.
En même temps, il n’est pas moins clair que ce qui est réellement demandé, c’est moins l’égalité que la différence : ce n’est pas le même droit qui est réclamé – puisque les homosexuels peuvent épouser quelqu’un du sexe opposé – mais un autre droit, jusqu’à présent inexistant, celui d’épouser quelqu’un du même sexe.
La prétention à accéder au droit commun tout en réclamant la création d’un droit spécial révèle une contradiction qui habite souvent les demandes de reconnaissance formulées dans la société contemporaine. Il y a toujours, en effet, deux formules possibles pour « reconnaître » :
1) On peut « reconnaître » au sens où l’on reconnaît un enfant, ou une dette : reconnaître veut alors dire admettre parmi nous, cesser de traiter quelqu’un comme différent, comme à part – bref reconnaître que la différence est, au fond, indifférente. La demande de reconnaissance est alors la demande d’une indiscrimination, c’est-à-dire justement la demande d’égalité.
2) Mais on peut « reconnaître » aussi en accordant un statut spécial, faisant droit à la singularité de ce qui est ainsi reconnu. Cette forme de reconnaissance a l’avantage de traiter la singularité comme signifiante et digne d’être protégée. Elle a l’inconvénient de maintenir cette singularité à l’extérieur du groupe majoritaire, et donc de la constituer en minorité.
Les deux formules sont possibles. L’histoire en fournit maint exemple – d’un côté la liberté de culte établie lors de la Révolution française, ou l’abolition de l’esclavage et les droits civiques aux États-Unis, de l’autre l’exemption du culte impérial accordée aux Juifs par l’empire romain, ou la protection des minorités linguistiques ou culturelles dans diverses sociétés modernes.
À l’époque contemporaine, il n’est pas douteux que la reconnaissance de type universaliste a souvent semblé trop étroite. Dans de nombreux cas, l’indiscrimination donne l’impression qu’une particularité est ignorée, alors qu’elle a une valeur intrinsèque. L’indiscrimination fait courir un risque à la particularité – elle va s’éteindre, bientôt les nouvelles générations ne connaîtront plus la langue ou les coutumes vénérables de leurs aïeux. D’où la nécessité de corriger le principe universaliste par une dose raisonnable de particularisme.
Ce qui n’est pas possible, c’est de combiner les deux dans une unique formule : la reconnaissance ne peut être à la fois l’indifférenciation propre à l’universalisme et à l’individualisme modernes, et la singularisation propre au particularisme et au monde traditionnel en général.
On ne peut que se réjouir de l’érosion des préjugés à l’encontre des homosexuels et des progrès de l’indifférence sociale à l’égard de l’homosexualité. On peut s’inquiéter de la régression que représenterait la création d’un statut spécial pour les homosexuels – et d’autant plus si cette création se pare trompeusement des prestiges de l’égalité.
9. Un changement de paradigme ?
La modification du Code civil ne va pas provoquer l’apocalypse, ni probablement détourner les gens de se marier. On peut d’ailleurs imaginer – pure spéculation – que des couples classiques, genre un homme et une femme, seront plus nombreux à vouloir passer par un mariage religieux, histoire d’être plus sûrs d’avoir célébré un mariage au sens habituel du mot. À ce propos, on peut aussi remarquer que le changement du mariage civil aura, en France, une signification différente du même changement dans d’autres pays, où l’État reconnaît la validité des mariages religieux : chez nous, il est obligatoire de passer par la mairie, donc il sera obligatoire de passer par une cérémonie civile prévue aussi bien pour les couples de sexe opposé que pour les couples de même sexe. De ce point de vue, il y aura bien une liberté en moins pour les candidats au mariage « traditionnel ». Il faut supposer que le jeu en vaut la chandelle – qu’une vieille coutume peut être sacrifiée sur l’autel de la lutte contre l’homophobie.
Car c’est surtout de cela, manifestement, qu’il s’agit : on a même parfois l’impression que la réforme annoncée a moins pour objectif de répondre à une demande massive de la part des couples de même sexe (les statistiques du PACS récemment publiées par l’INSEE ne suggèrent pas vraiment que ces couples sont en quête désespérée d’une reconnaissance officielle) que de changer le regard des autres sur les couples de même sexe. Le raisonnement semble être qu’un droit au mariage « ouvert » contribuera à normaliser, aux yeux de la population globale, la situation des couples homosexuels : ils seront un peu plus « comme les autres », puisqu’ils pourront se marier « comme les autres ». Si la stratégie est celle-là, on peut trouver qu’elle revient à instrumentaliser le mariage à des fins certes légitimes, mais enfin étrangères au mariage lui-même – dont l’existence ne répond sans doute pas à une quelconque volonté d’exalter l’amour hétérosexuel.
De fait, dans toute cette discussion, on a parfois l’impression qu’aux yeux des partisans de l’« ouverture », le mariage est une institution assortie de toutes sortes de droits et de privilèges (et aussi d’obligations) qui aurait été, dès l’origine, abusivement confisquée par un groupe particulier. C’est une manière assez bizarre de voir les choses.
Du moins peut-on trouver dans toutes ces idées curieuses l’indice d’un certain « changement de paradigme » social. Au risque de m’aventurer sur le terrain des anthropologues et des historiens, je risque l’hypothèse que la finalité première du mariage n’a jamais été de glorifier l’amour hétérosexuel. Le mariage existait y compris dans des sociétés dont l’élite prônait explicitement la supériorité morale de l’homosexualité. Mais même ces sociétés-là s’intéressaient aux enfants : non seulement à la manière habituelle dont ils sont conçus, mais à leur éducation, à la continuation des familles, au renouvellement des générations, à la transmission du patrimoine. Pour le dire avec Rousseau (Émile, livre V), ces sociétés pensaient que c’est « le bon fils, le bon mari, le bon père, qui font le bon citoyen ». De là, sans doute, l’intérêt d’une institution comme celle du mariage, et la place centrale qui lui était reconnue dans l’édifice social.
Dans la perspective actuelle, on a l’impression d’un renversement de la perspective : l’État doit s’intéresser au mariage en tant que consécration d’un lien affectif entre deux adultes. Ce fait est premier, et c’est lui qui, par suite, devrait ouvrir les « droits » à tout ce qui, auparavant, venait en premier dans la conception du mariage : donc aussi le droit à « avoir » des enfants, à en adopter, à s’en faire donner par d’autres adultes consentants. L’aspect procréatif du mariage est ainsi subordonné à son aspect sentimental et privé. Le « mariage homosexuel » n’est certainement pas la première étape de ce renversement ; il hérite, au contraire, d’un processus de longue durée, jalonné par les réformes successives du droit de l’adoption, du divorce – mais aussi, pourquoi pas ?, dans un temps encore plus long, de la conception proprement chrétienne du mariage, qui la première insista sur la dimension affective du mariage, et fit passer l’indissolubilité avant même la procréation des enfants (en refusant de considérer la stérilité comme une cause légitime de divorce).
Mais peut-être sommes-nous aussi la première société à cesser de se préoccuper sérieusement du renouvellement des générations, c’est-à-dire de sa propre survie ? (On peut se méfier du « ton apocalyptique et envisager tout de même, de temps à autres, l’éventualité d’une apocalypse en douceur).
On peut diagnostiquer un changement de paradigme également sur un autre plan. À mon sens, l’État moderne, à son origine, parvint à s’imposer – malgré le sacrifice des libertés traditionnelles qu’il demandait – en se montrant capable d’assumer en son sein les institutions les plus traditionnelles, comme celle du mariage. En France, l’État n’a pas « inventé » le mariage, seulement accaparé le monopole de l’état-civil. Pour les esprits conservateurs, c’était certes un changement, mais rassurant dans la mesure où il montrait que l’État respectait, à sa manière, les institutions anciennes. Il les aménageait, en reformulait les conditions dans son propre vocabulaire, mais sans toucher à leur substance. Aujourd’hui, on peut avoir l’impression qu’une partie de la légitimité de l’État tient à sa capacité à faire disparaître de l’horizon toutes les institutions qui ne sont pas directement nées de l’esprit démocratique : l’État se fait, littéralement, « instituteur », créateur d’institutions – pourvu que celles-ci répondent en tout point aux exigences de l’égalité. Peut-être se met-il sur les épaules un fardeau trop lourd pour lui.
10. Sex and the City, ou les intérêts catholiques en matière de mariage
Je ne veux pas terminer ces réflexions un peu chaotiques sans évoquer les raisons qui rendent, à mon avis, les catholiques particulièrement sensibles à tout ce qui concerne le mariage. On fait fausse route si l’on croit que ces raisons tiennent à la volonté des catholiques d’imposer « leur » conception du mariage. Cela n’expliquerait pas, par exemple, pourquoi ils se mobilisent contre un projet qui, de toutes façons, ne va transformer que le mariage civil – c’est-à-dire à peu près un bout de papier nécessaire pour pouvoir ensuite se présenter devant le curé pour le vrai mariage. Il y a dans ce fait, pour le moins, l’indice d’une loyauté foncière des catholiques à la République qui n’est pas toujours assez relevé.
Plus profondément, le catholicisme est foncièrement attaché au sexe. Il l’est entièrement, absolument, c’est-à-dire au point de refuser la dissociation entre l’union des corps et le jaillissement d’une vie nouvelle qui en est le terme – ce qui est évidemment, de nos jours, la source de durables malentendus et de quelques désaffections. Toujours est-il, en tous cas, que le catholicisme a toujours porté la conviction que la famille est au fondement de la société. Il s’accorde sur ce point avec Aristote : si l’homme est un animal « naturellement politique », il est à ses yeux, encore plus naturellement, un « animal conjugal » (Éthique à Nicomaque, VIII, 14).
Or cet intérêt du catholicisme pour le sexe et la procréation ne peut pas vraiment s’expliquer par la visée du Royaume des cieux (où l’on ne se mariera plus, a dit le Christ). L’histoire du christianisme comporte d’ailleurs des exemples réguliers d’enthousiastes qui prônent l’abstinence généralisée et même le célibat pour tous. L’Église n’a jamais manqué de condamner ces originaux. La conclusion qui s’impose est que le catholicisme s’intéresse au sexe et à la procréation parce qu’il s’intéresse à la cité des hommes. C’est pour elle qu’il veut le couple, la famille et les enfants. Et c’est pour elle qu’il veut que, autant qu’il est humainement possible, les enfants naissent d’un père et d’une mère aimants.
Il n’a pas de raison de cesser de vouloir cela au moment où la Cité elle-même paraît oublier que c’est là un de ses intérêts les plus fondamentaux. On pourrait même penser que c’est le moment où jamais de le vouloir à cor et à cri.
7 novembre 2012 at 00:26
Merci !
7 novembre 2012 at 01:16
Merci pour votre billet ! Comme je disais sur twitter, il faut toujours attendre un peu pour vous lire mais on n’est jamais déçu !!
Bonne continuation.
7 novembre 2012 at 10:11
Bonjour Philarête,
Tout d’abord un grand merci. Cette présentation de la notion impossibilité/interdiction (règle constitutive) est, hors du contexte même de la discussion, une grande découverte pour moi. Elle me permettra sans doute de bien mieux formuler un certain nombre de contradiction. En peu de mots vous exposez un outil puissant.
Toutefois cet outil reste souple, voir un peu flou. Vous dégagez assez vite règle constitutive et rituel, mais je crains que la frontière soit davantage une question de choix personnel que l’application de critères précis. Pour rester dans le sport, les règles du jeu elles-même changent au cours du temps. L’essence du sport en est certes modifiées, mais est elle effacée et recrée? Pour parler football, les règles du hors jeu ont changé. On accepte aujourd’hui ce qui hier était interdit. Est-ce à dire que ce n’est plus du football? Un exemple peut-être plus radical: le volley. Par le passé, on ne marquait des point que sur son service. Il fallait donc gagner l’échange pour prendre le service, puis les échanges suivants pour marquer des points. Cela faisait des matchs longs, ou les échanges alternaient (tout le monde prenait le service de l’autre) et la difficulté était de marquer sur son propre service. Il y a plus de dix ans, cet élément a été modifié. Tous les points comptent désormais. De fait le jeu s’accélère. Est-ce un autre sport? Il a gardé le même nom, les mêmes institutions, les mêmes équipes… Pourtant les matchs ont changé. Le différence « règle constitutive »/ »rituel » me semble proche de la définition blanc/noir. Dans la plupart des cas, tout le monde s’accorde, mais le problème se pose avec le gris. Quand est il suffisamment clair (ou sombre) pour être blanc (ou noir)? In fine, cette frontière est subjective.
Pour en revenir au mariage ‘civil’ (car le mariage religieux est du seul domaine des religions et l’Etat n’y interfère qu’à la marge), c’est une institution récente, puisque conséquence de la révolution française. Elle s’est bien sur bâti sur un usage religieux précédent, mais en l’amendant.
Ce qui suit étant plus basé sur une « culture générale » que sur une science personnelle, je vous invite à corriger mes erreurs.
Le mariage sous l’ancien régime n’était que catholique. Les juifs ou protestants ne pouvaient pas se marier. Plus exactement, ils faisaient ce qu’ils voulaient (plus ou moins) lors de leur cérémonies religieuses, mais la France ne donnait aucune légitimité à leur mariage. Seul le mariage catholique était légitime pour l’Etat. La révolution, dans son anti-cléricalisme, a interdit le mariage. Pendant deux ans, plus de mariage en France. Les gens étant ce qu’ils sont, sous la pression populaire, l’Etat-civil, et donc le mariage civil a été introduit. De fait, les mariages non catholiques sont devenus possibles! Le ‘chambardement » révolutionnaire a finalement été mis en forme parle code Napoléon.
Si je suis votre raisonnement, il y a donc déjà eu une profonde rupture de l’institution à ce moment là. Institution religieuse avec influence civile qui devient une institution civile avec possiblement application religieuse.
Une autre rupture de fonds dans l’institution est apparue avec la « généralisation » du divorce. Le mariage était pour la vie, avec des très rares et limitées exceptions. Il est devenu un mariage jusqu’à séparation, dont la mort est une modalité parmi d’autres. Là encore diriez-vous à un couple marié cette année que ce n’est pas un vrai mariage, parce que l’essence de celui-ci n’est plus « jusqu’à ce que la mort vous sépare »? Aujourd’hui, on se marie en sachant le divorce possible. Mes grands parents se sont mariés en sachant que ce serait à vie.
Je vous suis donc pour dire que changer l’institution a des effets. D’un autre coté, pourquoi changer sinon? Mais je ne partage pas cette vue d’effacement de mariage pour créer quelque chose de neuf. C’est simplement une autre mutation. Est-elle réellement plus importante que la décorrélation du religieux, je ne le crois pas. Je dirais qu’elle est du même ordre que le divorce, avec au final un impact bien moindre, par simple effet démographique. Les populations homosexuelles sont très minoritaires. Il semble qu’en Espagne et Belgique , les mariages « de même sexe » représentent entre 2% et 2,5% des mariages célébrés par an. Je n’imagine pas ces taux exploser dans le futur, là ou le divorce représente environ 30% des mariages.
7 novembre 2012 at 12:10
Mais pourquoi donc tous ces hétéros militent-ils pour « le mariage pour tous » ? Par souci démocratique, pour normaliser le regard social sur les homosexuels ?
Peut-être. Mais on peut penser aussi qu’affaiblir le sens du mariage est un des objectifs poursuivis. Le mariage comme institution dit quelque part que la relation entre sexes, l’exercice de la paternité ou de la maternité, ne peuvent se régler sur des affects instables et sur un consentement vide puisque toujours susceptible d’être repris.
Le mariage comme institution tourmente du fait de sa seule existence ceux qui dirigent leur vie en fonction de leur désir du jour, la liberté qui leur est accordé d’agir ainsi ne leur suffit plus, il faut maintenant crever l’oeil.
Réduire le mariage au consentement est une bonne tactique car le consentement de nos jours n’engage plus à rien.
7 novembre 2012 at 14:06
Bonjour, je vous suis occasionnellement, et c’est mon premier commentaire ici, j’espère réussir me fondre dans l’esprit du lieu.
Pour annoncer la couleur rapidement, je suis chrétien, catholique, et néanmoins ouvert à l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe. Plus fondamentalement, je récuse que le changement présente le caractère fondamental que beaucoup de mes coreligionnaires lui prête, et à ce titre j’apprécie votre préambule prévenant toute lecture « apocalyptique ». Par contre, non, je ne peux pas partager avec vous les fondamentaux quitte à diverger sur les conclusions comme vous le souhaiteriez.
Nous divergeons parce que vous n’introduisez pas réellement dans votre réflexion la notion de couple. Le couple est une institution sociale, sinon politique, dotée de ses propres règles constitutives, pour reprendre votre terminologie. Pour moi, il est basé sur une certaine conception de l’amour où une place prépondérante est laissée à l’attachement amoureux, la pratique sexuelle et la vie en commun, et pas grand-chose de plus. Ces règles ont changé, mais à mon sens ces changements sont consommés. Il a fallu déjà que le couple s’impose comme une notion intellectuellement pertinente. Le couple se définit maintenant aussi comme légitime même en l’absence d’un mariage, même s’il ne s’inscrit pas dans une famille.
Enfin, le couple peut aussi bien rassembler des individus de sexe différents que de même sexe.
Dans le même temps, le mariage a évolué d’une institution concernant des groupes familiaux entre eux à une institution concernant des individus entre eux. Et maintenant que mariage et couple se conçoivent indépendamment, une institution s’appliquant à des couples. Il s’agit évidemment d’une évolution insidieuse des règles constitutives du mariage, mais de même que pour les couples, cette évolution est consommée. De même qu’est consommée l’évolution que le mariage n’est plus indissoluble, par exemple.
Je déplore certaines des évolutions listées plus haut, j’en approuve d’autres, que ce soit sur le mariage ou sur le couple. Mais je les constate et j’estime que c’est dans ce cadre que doit se poser ma réflexion sur le mariage homosexuel.
Les homosexuels forment-ils des couples comme les autres ? Pour moi, oui. Le mariage civil est-il devenu ce que je décris plus haut, une institution s’appliquant à des couples ? Pour moi, oui. A partir de là, le raisonnement sur la discrimination, non plus des individus mais des couples, est de nouveau valide. Le mariage tel qu’il est devenu, peut, doit s’appliquer aussi à ces couples. Et ce n’est pas une modification constitutive, juste l’aboutissement logique d’une évolution bien plus profonde qu’à mon avis beaucoup de catholiques ne veulent ou ne savent pas voir.
7 novembre 2012 at 14:35
Merci, Vivien, de votre commentaire, que j’apprécie beaucoup. Il aborde une question que j’avais renoncé à aborder, justement celle du couple. Je partais de la proposition n° 31 du projet socialiste, parlant d’accorder «le droit au mariage» aux «couples homosexuels». Or il me semble impropre de raisonner, à propos du mariage, à partir du couple: ce sont des célibataires qui se marient, pas des couples. C’est pourquoi, dans le billet, je raisonne toujours à partir de la personne qui se marie. Introduire le couple, c’est aussitôt poser le problème de la comparaison des couples — de même sexe, de sexe opposé; et inévitablement suggérer qu’une catégorie de couple est discriminée par rapport à l’autre. J’ai l’impression que ce n’est pas un bon point de départ.
Mais vos réflexions m’engagent à approfondir la mienne: j’espère pouvoir vous répondre plus longuement bientôt!
7 novembre 2012 at 16:20
Bravo!!
7 novembre 2012 at 17:08
Et j’aimerais ajouter, pour compléter cet EXCELLENT papier, qu’en effet, le mariage n’est pas un DROIT, mais une discrimination introduit par le législateur qui y voit un effet bénéfique pour la société: la formation de la famille dans un foyer stable, et donc propice à élever des enfants (et donc être utile à la société)
Autrement, si ce n’est par discrimination pour l’INTERET GENERAL, le legislateur n’en a absolument rien à faire de nos amours ou de nos engagements personnels.
J’ai le droit d’aimer, de détester, d’avoir plus compagnes, etc…, la loi n’aura rien à dire. Par contre, elle propose un cadre pour les couples, parce que ça a un sens pour l’intérêt général.
Donc c’est navrant d’entendre que le mariage est un droit, ou parler d’égalité, comme si se marier c’était la même chose qu’avoir à manger ou avoir de quoi vivre.
Enfin, le mariage n’est pas un diplôme récompensant l’amour comme beaucoup de gens semblent le penser.
7 novembre 2012 at 17:12
Bonjour, beaucoup de réflexions enrichissantes dans ce billet.
Petite objection toutefois. Vous remarquez : « On peut s’inquiéter de la régression que représenterait la création d’un statut spécial pour les homosexuels ». Peut-on parler d’un statut spécial dans la mesure où le droit à se marier avec une personne de même sexe serait également ouvert aux hétérosexuels ? Après tout, n’était-ce pas votre logique lorsque vous faisiez remarquer que le droit à se marier – avec une personne de sexe opposé – était déjà ouvert aux homosexuels ?
7 novembre 2012 at 17:25
@ Waddle
Pour ma part, je dirais plus volontiers que le mariage est une liberté – une liberté plutôt qu’un droit (sur ce point je vous rejoins). Le législateur n’a pas inventé le mariage pour favoriser des comportements bénéfiques pour la société: il se contente d’encadrer juridiquement le mariage, sans doute, comme vous le dites, parce qu’il le juge bénéfique.
Dire que le mariage est une liberté (plutôt qu’un droit) permet de rendre du fait qu’il existe des empêchements au mariage (si je suis empêché, je ne suis pas libre de me marier), sans pour autant suggérer qu’il faut un titre spécial pour se marier. Être libre de se marier est une condition nécessaire pour pouvoir se marier; avoir le droit de se marier suppose qu’on est justifié de le faire. Ça me paraît très excessif. La seule chose qui compte pour pouvoir se marier, c’est qu’on ne soit pas empêché de le faire.
(Certains juristes aiment bien distinguer entre le « droit-créance » et le « droit-liberté », et ils diraient donc que se marier est un droit-liberté, non un droit-créance. Mais je crois que les juristes ont tort quand ils font cette distinction. Ce ne sont pas deux formes de « droits » qu’il faut distinguer, mais bien les droits, d’une part, et les libertés, de l’autre.).
7 novembre 2012 at 17:38
Très intéressant votre commentaire sur la distinction droit/liberté. Il aurait mérité de faire partie de votre billet.
7 novembre 2012 at 17:41
Merci pour le compliment. J’attends évidemment la suite de votre réflexion.
Pour réagir par rapport aux éléments que vous donnez:
« Ce sont des célibataires qui se marient, pas des couples »
Je dirais: de moins en moins. Sous un certain sens technique, certainement. Maintenant, je me marie après 10 ans de vie commune et 2 enfants. Cela a-t-il encore un sens de me qualifier de « célibataire »?
« Introduire le couple, c’est aussitôt poser le problème de la comparaison des couples »
A mon sens, ce serait vrai si « couple » était une sorte de catégorisation bifide regroupant artificiellement les couples homos et hétéros. Maintenant, je pars d’une définition minimaliste du couple comme celle que j’énonce plus haut (2 personnes amoureuses, ayant des rapports sexuels, vivant ensemble). Selon cette définition, il n’y a pas plus de différence objective entre un couple homo et un couple hétéro, qu’entre le couple mono ou interracial que vous évoquez dans le billet.
J’ai bien conscience que c’est une logique un peu extrême, et assez pauvre, mais c’est celle qui à mon avis sous-tend l’évolution actuelle du mariage. Je ne peux pas l’ignorer et je n’ai pas envie de la dénigrer plus que de raison.
7 novembre 2012 at 18:03
@ tocquevil et vivien
À vous lire, je me rends compte qu’une discussion sur la question du « droit » au mariage, et celle de savoir si on doit partir du couple ou de l’individu, aurait pu avantageusement remplacer d’autres développements de ce billet. Mais ce que j’avais écrit sur ces questions ne me satisfaisait pas… Ce sera pour une autre fois: avec votre aide si la discussion se poursuit!
7 novembre 2012 at 21:49
@ tocquevil #9
L’objection est bonne. Je répondrai que le problème, ici, est plutôt qu’on va priver les gens de la possibilité de «se marier» au sens habituel. On va leur imposer d’entrer dans une nouvelle institution, qui permet d’« épouser» soit quelqu’un du même sexe, soit quelqu’un de l’autre sexe. Pour continuer avec mes analogies sportives, c’est donc comme si, en Afrique du Sud, on avait aboli le rugby et créé un nouveau sport pour toutes les équipes, multiraciales ou non. Tout le monde aurait alors eu, certes, «le même droit» (de jouer à ce jeu), mais plus personne n’aurait pu jouer au rugby.
On aurait donc bel et bien supprimé une liberté.
8 novembre 2012 at 01:06
Bonjour Philarête,
C’est un beau et long billet qu’il est bien difficile de commenter en un seul trait tant il contient d’idées qu’on croit habituellement si simples, et qui se révèlent à l’examen beaucoup plus complexes qu’on ne le pense, au point qu’on peut légitimement douter, parfois, de parvenir à en tirer des applications à la fois rationnelles et concrètes.
On peut supposer, en vous lisant que vous avez dû redouter de sombrer dans un intellectualisme qui prend plaisir à s’égarer dans les méandres multiples de la pensée, en oubliant le sujet de la réflexion et le lien qu’il faut toujours établir, et maintenir, entre la thèse qu’on défend et l’argument qu’on développe.
La répartition du texte en chapitres, si elle permet de regrouper les idées autour de grands pôles de réflexion, ne m’a cependant pas toujours révélé avec toute la clarté qui m’est nécessaire pour comprendre le complexe la réalité de ce lien, qui est hélas important pour moi.
Cela dit, vous avez eu mille fois raison de mettre en exergue cette citation de Pascal, qui nous invite à nous demander pourquoi on cherche à justifier une opinion ou une affirmation, alors que dans notre for intérieur, à l’instinct, notre esprit a déjà pris une décision.
Avec une certaine étroitesse d’esprit, je me suis d’abord demandé quel est justement l’opinion ou l’affirmation que vous vous proposez de soutenir. Si je vous lis bien, cette « thèse » tient dans la simple affirmation d’une méfiance à l’égard, je vous cite de « l’ouverture du mariage aux couples de même sexe ».
Remarquons tout de suite, pour reprendre un sujet de discussion avec Vivien, qu’à l’instinct, vous avez employé le terme de « couple » et pas d’individus.
Votre instinct a donc fort bien nommé le point de départ du sujet. C’est la suite de votre réflexion qui a dérivé du mariage du couple vers le mariage d’individus de même sexe.
L’interrogation que vous pensez ne pas avoir eue, si je lis bien votre com 13, en réalité, vous l’avez eue… mais vous l’avez fait taire. Pourquoi, je l’ignore. Mais je peux vous expliquer comment, car c’est une caractéristique du discours qui se repère.
Je vous propose d’expliquer cela en point 1.
Le second point que j’aimerais aborder est celui de l’absence d’interdiction du mariage homo, en me limitant à cela pour l’instant, car votre post comporte tout de même 10 points (arf!).
1) Les homosexuels peuvent-ils se marier?
Vous répondez oui, mais avec une personne de l’autre sexe. Pour étayer cette affirmation, vous développez un raisonnement où l’homo est considéré en tant qu’individu, en prenant de grandes précautions pour vous éloigner de tout cynisme.
Ramené à l’individu que tout homosexuel demeure, il est ensuite aisé d’affirmer qu’il peut se marier « comme tout le monde » c’est à dire comme un hétéro, donc en se mariant à une personne de l’autre sexe.
De là, nier la discrimination est un jeu d’enfant.
Sauf que… l’homo ne peut pas se marier « comme tout le monde » car justement tout le monde n’est pas hétérosexuel, vu que l’homosexualité existe.
En réalité, votre raisonnement, qui vaut peu sur le terrain de la réalité factuelle, est juste une expression de la négation absolue du couple homo.
La question n’est donc pas tant de savoir si on marie des individus ou des couples, car cette question est bibliquement simple: des individus se marient pour former des couples. Que voulez vous dire de plus, franchement?
La question est de savoir si votre définition du « comme tout le monde » inclut ou non la possibilité de l’homosexualité. Visiblement, non.
Pour l’anecdote, l’argument « les homos peuvent se marier mais avec une personne de sexe différent » est souvent suivi d’un autre: le mariage homo conduit au triolisme.
Si vous réfléchissez à la symbolique du chiffre, vous trouvez dans ce couple d’arguments l’expression de deux nombres: 1 et 3.
Mais, précisément pas 2. Le couple, donc.
2) Est-il interdit d’épouser une personne de même sexe que soi?
Vous répondez non. Mais à vous lire, on perçoit rapidement que vous tenez de faire rentrer un rond dans un carré, malgré l’utilisation assez créative du concept de règle constitutive qui vous permet d’affirmer qu’il n’y a pas une interdiction, mais une impossibilité.
De là, une fois de plus, nier la discrimination est encore un jeu d’enfant.
Sauf que les homosexuels se marient bel et bien. Mais pas ici. Ailleurs, dans d’autres pays. Faut-il en déduire que la France est une parcelle de l’univers où, même si on votait une loi autorisant le mariage homo, il demeurerait impossible par le jeu d’une force mystérieuse, une sorte d’énergie qui empêcherait le maire de célébrer le mariage?
Une impossibilité aussi tangible que le champ magnétique produit par deux aimants dont les pôles se repoussent, si bien qu’on ne peut jamais les faire tenir ensemble?
Je crois plutôt qu’il faut se résoudre à constater une réalité factuelle assez décevante philosophiquement parlant, mais aussi rassurante par sa basse matérialité: les homos peuvent se marier là où c’est autorisé. L’existence d’une autorisation au mariage homo dans d’autres pays nous permet, par comparaison, de percevoir nettement que, dans notre pays, il est « illicite ».
Illicite signifie qu’il n’est pas permis ou, en d’autres termes, qu’il est interdit, prohibé, illégal. Il n’y a à ce sujet pas l’ombre d’un doute. Les magistrats de la cour de cassation vous le confirmeront.
Mais, quel est l’intérêt de tout cela?
On a bien compris qu’à chaque fois il s’agit d’affirmer que le régime actuel, qui n’empêche pas un homo de se marier, mais seulement avec une personne de même sexe, et qui prohibe le mariage homo sans l’interdire, n’est pas une atteinte discriminatoire ou une rupture de l’égalité de droit.
Mais après tout, quand bien même serait-ce le cas, qu’est ce que ça peut bien faire? Indépendamment du fait que nos lois soient ou non discriminatoires ou inégalitaires, on peut très bien songer à admettre positivement la possibilité d’un mariage homo pour ce qu’il est, et non pas par rapport à un état actuel des choses et du droit applicable jugé négativement.
Je veux dire par là qu’on peut considérer que le mariage homo est simplement un mieux, un plus, une amélioration de ce qui existe, un progrès en ce sens qu’il ne préjudiciera à personne et profitera à ceux qui veulent en bénéficier, tout en réglant des questions qui ne sont pas étrangères à l’intérêt général, comme le sort des enfants ou l’organisation patrimoniale de la famille homosexuelle.
Où est le mal?
Peut-être le mal est-il seulement dans le discours qui entoure cette proposition de réforme ou dans les projections qu’on y met?
Et puis on peut aussi se dire que le débat auquel donne lieu cette proposition de réforme est un bien dans la mesure où cela nous oblige à remettre à plat tout ce que nous croyons du mariage.
Vous avez listé un certain nombre de règles constitutives du mariage, c’est à dire des règles qui ne peuvent être substantiellement modifiées sans que cela ait pour conséquence nécessaire de changer la nature même de l’objet auquel elles s’appliquent.
Vous semblez donc adhérer à une théorie de la substance du mariage, de type plutôt moniste d’ailleurs, un peu comme Physdémon. Mais, êtes-vous si sûr que cette théorie soit seulement vraie?
Cette théorie postule pour l’essentiel deux choses:
– Il existe une seule substance au mariage
– Cette substance réside dans des règles constitutives de nature apodictique
Ah bon? Mais lesquelles? Dans les règles constitutives apodictiques du mariage on mettait, avant 1975, l’impossibilité de divorcer pour consentement mutuel. On a voté la réforme, ç’a été un psychodrame national, mais aujourd’hui qui songerait à dire que le mariage exclut la possibilité de divorcer pour consentement mutuel en raison de sa nature même?
Autre exemple: le consentement au mariage. C’est aujourd’hui un pilier de l’institution. Pourtant nos ancêtres pas si lointains que cela se fichaient comme d’une guigne de l’accord des futurs époux et plus particulièrement de celui de la femme.
Autre exemple: le certificat prénuptial. Il a été supprimé en 2008. Il correspondait à des nécessités de santé publique qui sont aujourd’hui traitées différemment, mais également et surtout au besoin de s’assurer des capacités reproductives des futurs époux.
Alors, on fait quoi de tout cela? On le met dans la « substance » du mariage ou bien on se dit que finalement cette théorie de la substance n’est pas forcément très sérieuse?
8 novembre 2012 at 03:06
Parfaitement d’accord avec votre demonstration sur la non discrimination de la situation actuelle mais Vivien a raison de vous faire remarquer qu’elle doit se completer d’une refutation de la notion de discrimination envers un couple. Par l’absurde c’est assez faisable.
Trois points de desaccord à present. Coté cataclysme il y a quand meme a dire. Il est grave qu’une telle loi valide l’erreur logique que vous demontez ici. A terme, avec l’affaiblissement de la tradition et de l’Eglise, mettriez-vous la main à couper que l’Eglise n’aura pas a affronter et perdre des proces en discrimination suite à la jurisprudence au moins logique de la victoire de ce raisonnement simpliste et pavlovien? Pas moi et cette atteinte à une vision intime et personnelle par l’Etat me parait hautement grave.
En deuze, le droit des enfants me parait inexpugnable de ce debat. La definition arbitraire (la regle de ce jeu) du mariage s’appuie sur l’interet de l’enfant potentiel. Que l’Etat ne se soit pas senti capable de trier les couples steriles parmi ceux qu’il mariait n’y change rien, la discrimination positive que constituent les avantages du mariage ne peut avoir qu’un sens : un pari, un investissement nataliste et educatif. En dehors de la volonté de favoriser la naissance d’enfant, et leur education dans un cadre structurant (avec un pere et une mere, au hasard, n’est-ce pas Freud, son oedipe…), le plus stable possible, qu’est ce qui justifierait ces cadeaux coûteux à des gens simplement amoureux et cette vraie discrimination envers les célibataires? Non le mariage n’est pas la reconnaissance d’un couple (de quoi se melerait l’Etat?). N’est-il pas grave qu’un orphelin adopté très jeune découvre brusquement qu’il ne peut etre l’enfant de ces parents homosexuels actuels et que c’etait un mensonge, que ses parents biologiques l’ont soit abandonné soit sont décédés, qu’il n’ait aucune relation du niveau d’intimité que les autres ont avec un pere et une mere et qui structure l’ensemble de leurs relations avec les deux sexes par la suite?
Finalement, ces heteros anti mariage qui vont faire voter une loi qui va ridiculiser cette institution (parent 1 et parent 2…) n’assouvissent-ils pas tout simplement une volonté profonde de finir de la discrediter? En tant que chretien, j’estime que le Christ a mis le mariage sur un piedestal d’une façon assez etonnante, que cela montre que c’est un lieu prioritaire d’apprentissage de l’Amour que je crois etre le destin de l’Homme. Je ne suis pas indifferent a ce que mes freres incroyants soient finalement privés de contracter un mariage civil respecté, qui leur en impose et les mette eux aussi sur la voie de cet Amour. En langage laïc, mariage homo=affaiblissement du mariage pour tous=moins de stabilité des couples=plus de famille monoparentale=plus d’enfants élevés dans des conditions materielles difficiles et de femmes au final discriminées. Tant qu’il n’y a pas mort d’homme immédiate, rien n’est grave…
8 novembre 2012 at 10:02
@ oim
« Finalement, ces heteros anti mariage qui vont faire voter une loi qui va ridiculiser cette institution (parent 1 et parent 2…) n’assouvissent-ils pas tout simplement une volonté profonde de finir de la discrediter? »
Tout à fait d’accord, c’est le sens de mon post (#4).
Ce qui limite la portée de l’argument de tschok (le 2) : « ailleurs » deux personnes de même sexe peuvent se marier parce que « ailleurs » le travail de démolition est plus avancé.
8 novembre 2012 at 10:25
@ tschok
Répudiation et divorce font partie de l’histoire du mariage, même le Christ en parle ! Mais le divorce par consentement mutuel est de fait une des novations qui ont conduit le mariage à se rapprocher d’un simple contrat.
La bataille pour le consentement avait été menée en son temps pour assurer la validité de l’engagement. Maintenant que l’engagement n’existe en pratique plus sur le plan légal, l’exigence du consentement se résume à interdire le viol. Plus grand chose à voir avec l’institution du mariage.
Ce que vous dites, c’est que le mariage légal a déjà été largement vidé de ce qui en faisait une institution. Dont acte. Le mariage de personnes du même sexe poursuivrait dans cette voie. Mais une société peut-elle se passer de l’existence de cette institution ? L’existence de situations qui doivent être organisées justifie-t-elle de priver de cette institution et la société et les personnes qui souhaitent en user ?
On nous dit : mais ce n’est pas l’apocalypse ! Cela me fait penser à l’endettement de la France. Depuis 1974, les partisans d’une certaine rigueur budgétaire se sont fait rire au nez : tout va très bien, on peut continuer à vivre à crédit. C’est subitement moins rose.
Quand la direction est mauvaise, le prochain pas n’est pas nécessairement celui qui fait tomber dans le précipice.
8 novembre 2012 at 11:34
Aristote > C’est un peu hors sujet mais la dette budgétaire est la norme depuis l’origine du monde. L’Etat le plus souvent a toujours eu besoin de plus de dépenses que de liquidité actuellement disponible.
Philarête > Guère de temps pour développer mais j’aurai une question. Avez-vous lu les argumentaires contre d’autres avancés comme le droit de vote des femmes. C’est fort édifiant. :)
8 novembre 2012 at 13:06
J’aimerais revenir sur mon dernier commentaire qui était beaucoup trop succinct, et le prolonger.
Tout d’abord, si j’ai fait allusion à d’autres polémiques, c’est parce que je ne suis ni philosophe, ni théologien. Je ne suis que scientifique et comme tous les scientifiques un peu bornés, j’éprouve toujours une réticence face à un raisonnement philosophique (surtout de tradition continentale) qui repose généralement pour une large part sur la rhétorique. Pour tester la solidité d’un argument philosophique, j’aime utiliser l’approche comparatiste. Pour prendre un exemple, il y a le dixième point que je juge purement et simplement hors sujet pour discuter de l’opportunité d’ouvrir le mariage aux couples du même sexe. En quoi les bonnes intentions de quelqu’un seraient-ils gage de vérité ? En rien, et c’est à cela que je pensais lorsque j’évoquais le droit de vote des femmes au Canada. Les catholiques s’étaient dressés à l’époque contre l’ouverture du droit de vote aux femmes avec des arguments de type familiales, plus précisément, le droit de vote des femmes remettraient en cause la répartition des sphères d’action selon le sexe ou plutôt le genre, et surtout menaçerait la dignité « intrinsèque » de la femme en la forçant à mimer l’homme. On peut dire que ces catholiques prenaient extrêmement au sérieux la dignité de la femme mais on ne peut s’appuyer sur cette bonne foi pour dire qu’ils avaient raison. :-) Pour clore sur ce sujet, je vous conseille de relire les arguments déployés à l’époque : il y a une ressemblance de façon frappante entre ce débat et celui de maintenant. 1/2
8 novembre 2012 at 13:56
(J’ai coupé le commentaire en deux pour des raisons de lisibilité)
Ensuite, votre présentation schématique des approches américaines et françaises n’est pas fausse (bottom/top) mais n’est pas non plus exacte. Par exemple, le fameux « droit à l’avortement » ou la désegrégation ont été imposés d’en haut par la Cour Suprême. Et côté français, vous exagérez le côté d’en haut : le Législateur ne peut pas imposer de nouvelles lois sans un minimum d’acceptation de la part de la société ; jusqu’à fort récemment on ne pouvait envisager l’ouverture du mariage aux couples de même sexe « même pour rire » car les couples de même sexe n’avaient pas d’existence sociale.
Il faut souligner que le mariage est une institution juridique dans laquelle se croisent deux institutions sociales : le couple et la famille. Pour faire court, une institution sociale est une « règle de jeu socialement acceptée ». Ainsi deux personnes vivant ensemble forment un couple lorsqu’ils sont socialement considérés comme tel, i.e. par exemple on ne peut plus inviter l’un sans inviter l’autre à des fêtes marqueurs de la vie sociale comme les fêtes familiales, les soirées mondaines etc. Jusque dans les années 80, seuls les couples ayant un sens (socialement parlant bien sûr) étaient les couples de sexe différent, les autres n’avaient pas de sens. Et depuis, les homosexuels participent de plus en plus à l’institution du couple en ce sens que des couples de même sexe sont socialement traités comme des couples classiques : on les invite à des fêtes familiales, à des soirées mondaines etc. On ne peut pas simplement parler d’indifférence sociale comme vous le faîtes : cette notion d’indifférence sociale peut signifier que l’homosexualité n’est plus un signe de déviance (toujours socialement parlant) mais reste cantonné à la vie privée (i.e. s’afficher comme couple peut toujours être une déviance.)
Le couple de même sexe commence donc à bénéficier d’une certaine reconnaissance sociale et c’est en cela que la société est profondément conservatrice : l’Etat ne peut imposer le mariage aux couples de même sexe d’en haut sans un minimum de reconnaissance social, i.e. un mouvement du bas !
Ayant un travail, je dois m’arrêter mais je ne désire pas terminer ce commentaire sur une note négative. Je ne suis pas d’accord avec vous sur bien des points mais cela ne signifie pas que je ne suis d’accord avec vous en rien ni que je trouve votre billet mauvais. Au contraire, c’est l’un des meilleurs sur le sujet même sur les points que je trouve discutables car vous argumentez fort bien. J’aimerais avoir bien plus de temps pour en discuter avec vous.
Une dernière chose, vous dîtes « on ne peut que se réjouir de l’érosion des préjugés à l’encontre des homosexuels et des progrès de l’indifférence sociale à l’égard de l’homosexualité. » Certes mais il faut souligner que l’Eglise catholique n’y est pour rien ! Ce n’est que grâce à la sécularisation que ces progrès ont eu lieu. De plus, j’avais évoqué la reconnaissance sociale des couples de même sexe. Il serait bon de rappeler que l’Eglise catholique est opposée à toute forme de reconnaissance ( je me souviens d’un document de la CDF en 1986 disant explicitement que les discriminations contre les couples homosexuels comme le refus de location d’un appartement ne pouvaient être injustes). Si je rappelle ces points, c’est à cause de la bonne conscience manifestée par certains commentateurs. :) 2/2
8 novembre 2012 at 13:57
@ Aristote,
Il est certain que la France est le dernier bastion du monde civilisé et que partout ailleurs la démolition progresse.
Mais, tel le village gaulois d’Astérix, nous résistons encore et toujours.
Croyez bien que je le pense.
Mais ce n’est pas rationnel. C’est juste un sentiment de type ethnocentrique que vous et moi partageons parce que nous avons été conditionnés pour cela par notre éducation.
Cela dit, c’est objectivement largement faux: des intrusions étrangères comme les autoroutes, la téléphonie mobile, la micro informatique, Internet, facebook, tweeter, les CDS, le rock, le jazz, le chewing-gum, les bas nylon, Coca Cola, Mcdo et le ketchup ont déjà contaminé notre beau pays, détournant honteusement nos compatriotes de leur vocation rurale et de leurs traditions chrétiennes séculaires.
Et je ne vous parle même pas de la comédie musicale, qui a fait tant de mal à nos opérettes.
En attendant, sur un plan pratique, on doit admettre que l’observation nous révèle souvent que l’impossibilité qui nous semble induite par une règle constitutive est en réalité ce qu’on appelle une contingence.
Cette impossibilité, comme la règle constitutive, est en fait socialement construite. Elle peut donc être socialement déconstruite.
La question s’était posée au niveau politique pour la constitution, qui est une règle constitutive d’un régime donné, en général une démocratie: en modifiant la constitution, change-t-on la nature du régime?
Au début, on pensait que oui. On était donc assez réticent à l’idée d’autoriser les modifications constitutionnelles. C’est d’ailleurs le point de vue des Américains.
Mais en France, on s’est tout à fait habitué à l’idée de modifier la constitution en fonction des besoins, sans pour autant en tirer pour conséquence qu’on change de régime, contrairement à ce qu’avait soutenu en son temps François Mitterrand à l’égard des réformes constitutionnelles du Général de Gaulle (« le coup d’Etat permanent »).
Vous voyez, les conceptions évoluent.
8 novembre 2012 at 14:51
Bonjour,
Je peine un peu à suivre toutes les interventions…
Pour ma part il me semble que la difficulté réside dans l’emploi du mot « mariage ».
S’il s’agit du « mariage » tel que l’entend l’Eglise catholique, ou du « mariage » tel que l’entendent certaines autres religions, le mot ne peut s’employer pour l’union de personnes de même sexe. Et quelle que soit l’évolution de la législation d’un pays, l’Eglise ne mariera pas des personnes de même sexe, ni ne remariera des personnes de sexe différent qui ont déjà été mariées à l’Eglise et qui ont divorcé civilement sans que leur mariage religieux ait été déclaré nul.
S’il s’agit de nommer « mariage » un contrat entre des personnes vivant ensemble, qu’elles soient de sexe différent ou de même sexe, cela regarde la société civile. Pour la clarté des choses, il vaudrait mieux employer un autre mot… Il y a d’ailleurs déjà un contrat, le PACS, qui est ouvert aux personnes de même sexe et aux personnes de sexe différent. Et il y a des couples « hétérosexues » qui choisissent le PACS plutôt que le mariage pour formaliser leurs engagements réciproques. Donc, si on veut un autre type de contrat, dont le contenu soit différent du PACS, trouvons-lui un nom…cela évitera de batailler en ne parlant pas de la même chose. A noter qu’il y a aussi des couples de toute nature qui n’éprouvent pas le besoin de formaliser ce qu’ils vivent par un contrat quel qu’il soit.
Personnellement, je suis catholique, mariée, je tiens à ce qu’on me laisse cette liberté de m’engager de cette façon, mais je ne vois pas pourquoi j’imposerais à tous ma façon de faire.
Donc qu’on invente un nouveau contrat qui protège par exemple celui qui se retrouve seul au décès de son compagnon de même sexe, je n’y vois pas de « problème ».
Ceci dit, il y a une question fondamentale, qui est celle des enfants. Il y a déjà des enfants qui vivent avec des adultes de même sexe. C’est un fait. Pourquoi n’auraient-ils pas le droit d’être protégés si l’un des adultes vient à décéder ? Pourquoi l’autre adulte, avec lequel ils ont partagé la vie depuis toujours, ne serait-il pas qualifié pour prendre la relève plus qu’un tiers extérieur ou une institution ?
La question de l’adoption, elle, me semble mal formulée. Que l’on soit de même sexe ou de sexe différent, je considère qu’on n’a pas de « DROIT » à avoir un enfant !!! Certains revendiquent ce droit, mais là on est dans un autre débat que celui de la nature des couples…
La question qui peut se poser est de savoir si pour tel enfant, à tel moment, pour telles raisons, il vaut mieux être adopté par un adulte célibataire (c’est déjà légal) ou par deux adultes de même sexe, que de rester dans une collectivité. Qu’est-ce qui est mieux pour un enfant lourdement handicapé pour lequel les services d’adoption ne trouvent pas de famille faite d’un père et d’une mère : rester à l’hôpital ou en centre de réadaptation toute sa vie ou avoir l’affection et les soins d’un homme ou d’une femme, ou de deux hommes ou deux femmes ??? Quel est l’intérêt de l’enfant ??? Peut-être, autre exemple, que pour un enfant qui se retrouve orphelin à 10 ans et qui a toujours vécu dans un quartier il sera plus profitable de le maintenir dans son cadre de vie avec deux adultes de même sexe que de le déraciner pour l’envoyer à l’autre bout de la France ? Je dis peut-être… Je ne sais pas… Il faut voir, en tout cas il faut partir de l’enfant !
Cordialement
« artiste »
8 novembre 2012 at 16:40
Comme Vivien, je découvre ce blog et ce premier article, par sa construction logique et son effort pour éviter tout parti-pris affectif, fait que je reviendrai très probablement. Je prends donc tout de suite la peine de vous remercier pour vos reflexions et surtout de les partager.
Mes reflexions propres sur ce sujet m’ont déjà permi de conclure que les revendications d’égalité et de justice ne sont que des façons mensongères pour parvenir à ce qui sera un changement de la définition du mariage et partant de là, une modification du mariage. Vous avez parfaitement raison de dire, que ce ne sera plus le mariage tel que nous le connaissons.
Je m’interroge aujourd’hui sur la notion de choix que chaque individu doit faire et sur son corollaire : le renoncement. Vous l’avez dit, un homme, quelle que soit son orientation sexuelle a la liberté (ou le droit) de se marier, avec une femme. Certains homosexuels (on peut facilement citer quelques exemples connus, y compris parmi les personnalités politiques de gauche mais je ne sais pas encore si c’est dans le ton de ce blog) ont fait le choix du mariage et ont fondé une famille : père, mère et enfants. D’autres préfèrent choisir la vie avec une personne de même sexe et implicitement, renoncent au mariage et à la procréation.
Cette notion de choix et de renoncement, qui s’apparente de très près à l’exercice des libertés individuelles me semble en pleine désuétude et ce débat participe encore plus à faire croire qu’on peut avoir droit à tout sans jamais renoncer à rien.
Une deuxième interrogation porte sur la nouveauté qui consiste à introduire un changement législatif pour tenir compte d’orientations sexuelles spécifiques. Comme nous en convenons, tout homme a le droit de se marier, quelle que soit son orientation sexuelle, à condition qu’il le fasse avec une femme. Or le projet de loi introduit des modifications (et pas mineures) destinées à tenir compte d’une pratique sexuelle spécifique. Cette différenciation sur des critères non pas sexuels (sexe masculin ou féminin) mais de pratiques (je ne rentre pas dans les détails), me semble un coup très rude porté à la neutralité de l’Etat et à l’égalité de tous devant la loi.
Il est d’ailleurs absolument paradoxal que les partisans du texte refusent aux religions de s’exprimer sur ce point puisqu’en république laïque, la loi ne tient pas compte des différences de croyances religieuses, et que dans le même temps, ils demandent à la loi de tenir compte de pratiques sexuelles !
A tout le moins, je préfère que la loi tienne compte de recommandations spirituelles que d’amusements sexuels. Curieuse prédominance que celle du sexe sur l’esprit. Certains diraient que le gouvernement pense avec sa b…
Enfin, dans votre paragraphe 9, vous évoquez un changement de paradigme. Et je suis d’accord avec vous. Sans savoir où cela va nous conduire exactement, ce changement est annoncé puisque déjà l’adoption est introduite dans le texte, que la PMA fera vraisemblablement l’objet d’un amendement et que la gestion par autrui est déjà réclamée par des forces politiques dont le gouvernement a cruellement besoin.
Déjà en 2004 (le 24/04) Clémentine Autain écrivait dans Libération : »Il ne s’agit pas tant d’obtenir les mêmes droits que ceux qu’offrent le mariage civil, mais de détruire l’insitution du mariage et la vision de la famille qu’elle sous-tend. »
Assurément, cela ne présage rien de bon.
8 novembre 2012 at 17:06
@ tschok
Il y a quand même dans le monde beaucoup plus de villages, gaulois ou non, où deux personnes de même sexe ne peuvent se marier que de villages, gaulois ou non, où ils le peuvent. :-)
Vous dites : « Cette impossibilité, comme la règle constitutive, est en fait socialement construite. Elle peut donc être socialement déconstruite. »
Que tout est socialement construit et peut être déconstruit est une thèse philosophique très marquée, d’origine gauloise d’ailleurs, la French Theory comme disent les universitaires américains.
Cela n’a rien d’une évidence et c’est même ici la question.
En droit constitutionnel le problème de la légitimité originelle persiste. Carl Schmitt, quelques qu’aient pu être par ailleurs ses errements, a écrit là-dessus des pages troublantes.
8 novembre 2012 at 18:01
@ Aristote,
C’est vrai, cela n’a rien d’une évidence. La déconstruction d’une construction sociale est en soi un effort, qui est d’ailleurs rarement couronné de succès.
Cet effort est encore plus difficile lorsqu’on prête à une règle constitutive, par pure analogie, les mêmes propriétés qu’une règle ou un principe religieux.
La règle et le principe religieux ont une propriété particulière: leur forte tendance à l’intangibilité, c’est à dire leur aptitude à devenir des dogmes en pratique (à distinguer du dogme au sens théologique du terme).
Si vous prêtez cette propriété à une règle constitutive, il devient clair qu’il est alors impossible d’une part de modifier la règle constitutive sans verser dans l’hérésie ou le blasphème, et d’autre part de considérer que l’impossibilité qui résulte de la règle est dépassable.
L’intangibilité de la règle constitutive, lorsqu’elle revêt ce caractère religieux d’intangibilité, conduit mécaniquement à considérer qu’il est impossible de changer la règle constitutive sans changer la nature de l’objet auquel elle s’applique.
C’est, si j’ai bien compris, précisément ce qu’explique Philarête. Mais il en arrive à cette conclusion uniquement parce qu’il raisonne par analogie, en assimilant la règle constitutive à un dogme en pratique.
C’est une conception qui a sa logique, mais qui est conservatrice par nature, dans la mesure où elle bloque tout changement.
C’est un système autobloquant, en fait. Rationnellement, son point faible est l’analogie.
Quand on y réfléchit, on ne voit pas bien pourquoi une règle constitutive devrait forcément avoir le caractère d’un dogme intangible. En fait, il est même plus fécond de la considérer comme… euh… là, je ne suis pas sûr de mon coup.
Je pense au mot « algorithme ». Une suite d’instructions permettant de générer des opérations réglant un problème.
Cet algorithme doit pouvoir être modifié en fonction des problèmes qu’on rencontre. La bonne règle constitutive est donc un algorithme souple et robuste
Mais je ne suis pas matheux, donc je ne vous garantis pas le bon usage de ce mot.
PS: je ne connais pas Carl Schmitt. En quoi il vous a troublé?
8 novembre 2012 at 18:19
@ Aristote,
Soit dit en passant, je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais les dogmes au sens théologique, comme par exemple les Dogmes de l’Eglise, sont précisément ce que j’appelle des algorithmes souples et robustes.
Ce sont des suites d’instructions, inintelligibles au commun des mortels, qui génèrent des solutions à des problèmes.
Elles sont suffisamment souples et robustes pour permettre l’adaptation de la doctrine de l’Eglise à l’écoulement du temps et donc au changement inévitable des mœurs et des mentalités.
Les dogmes « en pratique », sont beaucoup plus vulgaires, fragiles et rigides.
Par exemple, un des dogmes en pratique de l’Eglise qui n’a pas résulté à l’écoulement du temps: le statut de la femme.
8 novembre 2012 at 18:20
euh résisté pas résulté. Humpf!
8 novembre 2012 at 18:55
Carl Schmitt est un juriste allemand du XXème siècle qui est à la fois une vraie pointure intellectuelle et quelqu’un qui a un moment, trop longtemps disent beaucoup, frayé avec les nazis. Le Heidegger du droit !
Il a défini le pouvoir souverain comme celui qui permet de trancher dans les circonstances exceptionnelles, celles qui ne sont pas prévues par le système juridique en vigueur, et qu’on ne peut pas éliminer. Ainsi une constitution peut bien prévoir les modalités de sa propre modification, mais qui a décidé de ces modalités ? Au nom de quelle légitimité juridique ? Pour Schmitt, il ne faut pas se leurrer, il y a toujours à l’origine l’effet d’une force souveraine qui ne peut être fondée en droit. Force qui n’est pas nécessairement maligne par ailleurs, mais c’est une autre histoire.
Le statut de la femme n’est pas et n’a jamais été un dogme de l’Église. Que le Christ soit à la fois vrai Dieu et vrai homme, oui.
La comparaison d’une règle constitutive avec le dogme religieux n’est peut-être pas la plus pertinente. On peut essayer ceci : pour faire un gâteau au chocolat, il faut mettre du chocolat. On peut certes faire des gâteaux au goût chocolaté sans chocolat, mais ce ne sont pas des gâteaux au chocolat. On comprend bien qu’il y a toutes sortes de gâteaux au chocolat et que les recettes en vogue aujourd’hui ne sont pas nécessairement celles d’hier, que le brownie américain n’est pas le fondant de mon épouse : les traductions concrètes de l’institution du mariage ont varié dans le temps et dans l’espace. Pourtant il y a un truc qui s’appelle le gâteau au chocolat et la présence du chocolat fait partie de sa réalité constitutive. La différence des sexes est au mariage ce que le chocolat est au gâteau au chocolat.
C’est une métaphore bien sûr, et elle a certainement ses faiblesses. Mais elle est à mon sens plus pertinente que la métaphore du dogme religieux.
8 novembre 2012 at 18:59
A Philarête,
Excellent billet !
Juste un truc : il me semble que tu as oublié le mot « contre » au point (1), deuxième alinéa :
« On peut parfaitement être convaincu du bien-fondé de la lutte CONTRE la discrimination envers les homosexuels, et trouver abusif, voire contradictoire, le projet d’une « ouverture » du mariage aux couples de même sexe. »
Merci, c’est corrigé!
8 novembre 2012 at 19:07
à Tschok,
Je crois que Philarête a dit mieux que moi ce que j’essaie de vous dire depuis plus d’un mois.
Je vous suggère de prendre le temps de méditer le concept de « règle constitutive » d’une institution. Tout roule là-dessus. Il serait vain de poursuivre la discussion plus avant tant que vous n’aurez pas saisi ce point.
9 novembre 2012 at 02:42
Bonjour, j’interviens pour la première fois et je désirerais vous soumettre quelques questions et remarques à propos d’un paragraphe qui me paraît essentiel dans l’économie de votre très stimulant billet :
Je le reprends pour faciliter la lecture. Vous dites : « Il se trouve que le concept de mariage est intrinsèquement lié à celui de la différence des sexes. C’est un cas de « règle constitutive ». Il entre une part d’arbitraire dans cette règle : exactement comme il entre une part d’arbitraire dans la règle qui définit le but au football – à ceci près, cependant, que le mariage joue dans nos sociétés un rôle nettement plus central que le football. »
Je souligne, car j’aimerais bien savoir pourquoi – dans le cadre de cette réflexion fondée sur la notion de règle constitutive – en quoi l’arbitraire ne serait pas tout bonnement total ? Une fois la règle admise, je comprends bien qu’il en découle des conséquences (comme il se doit) nécessaires ; c’est ce que vous dites dans la phrase d’après :
« Mais ce qui n’est pas arbitraire, c’est de dire que la différence des sexes appartient à notre concept de mariage. »
très bien, mais si la règle constitutive est elle-même arbitraire (pour une part qu’il s’agirait alors justement de mesurer le plus précisément possible), l’arbitraire ne contamine-t-il pas nécessairement les conclusions auxquelles nous parvenons ainsi ? Si bien que la formule qui suit :
« nous ne sommes pas souverains à l’égard du sens des mots »
apparaît, peut-être ?, comme un colosse aux pieds d’argile. Vous ajoutez :
« leur histoire nous oblige. »
faut-il alors comprendre qu’il existe une règle constitutive implicite faisant de l’histoire de la signification des mots (arbitraire pour une part, donc) la règle fondamentale et première sur laquelle repose la constitution de toutes les autres règles ? Une méta-règle constitutive en somme ?
Enfin, vous terminez ainsi : « Elle ne nous interdit pas d’en inventer de nouveaux pour désigner des réalités nouvelles. »
je souligne à nouveau, car il me semble que la question de la réalité apparaît ici de façon cruciale : au début du paragraphe il est question du sens d’un concept, à la fin du rapport entre ce sens et une réalité. Ici se situe surement le problème de la part de l’arbitraire dont il est question plus haut et qui concerne le rapport classique au fond, mais qui n’a plus rien d’évident sans aucun doute, entre la nature et la loi.
Pour le dire d’une phrase : le fait que le mariage implique la différence des sexes résulte bien d’une volonté positive de le poser ; mais est-il possible de rendre compte de ce fait (droit) positif sans le lier à la réalité naturelle de la procréation humaine (qui inclut l’éducation) ? Autrement dit peut-on penser cette règle constitutive sans faire référence à une réalité disons « constituable » qui l’appelle jusqu’à un certain point ? Le recul de l’arbitraire me semble dépendre de la reconnaissance de ce « constituable » (la reconnaissance est peut-être contingente mais pas le constituable et en l’espèce celui là même qui refuse la reconnaissance de cette réalité en dépend dans son être même, parce qu’il est procréé).
A partir de cette réalité à la fois massive et délicate je défendrais volontiers une amélioration disons technique de certaines dispositions du PACS par exemple et par prudence anthropologique fondée sur cette même réalité, j’éviterais d’y inclure la possibilité de l’adoption.
Mais il est vrai, et les remarques de Vivien sont très justes, que cette réalité massive peut ne plus retenir l’attention car comme vous le notez aussi, le renouvellement des générations ne nous préoccupent plus, ou plutôt il est devenu un problème auquel nous avons collectivement peut être quelque peine à reconnaître un sens.
9 novembre 2012 at 16:31
@ Bashô #20-21
Merci pour vos commentaires, auxquels j’aimerais répondre longuement. En attendant, vous serait-il possible de trouver le temps d’indiquer des références précises (sous forme de lien, par exemple) aux débats sur le droit de vote au Canada ainsi qu’au document de 1986 de la Congrégation pour la doctrine de la foi? Cela m’aidera grandement dans ma réflexion!
9 novembre 2012 at 17:42
@Philarête #33
Je vous remercie de votre commentaire. Pour les débats sur le droit de vote au Canada, une rapide recherche sur google ne m’a pas permis de trouver des références précises et surtout bien documentées. Cependant : je peux vous proposer ceci : http://www.erudit.org/culture/cd1035538/cd1040271/7591ac.pdf car reproduisant la fameuse lettre du cardinal Rodrigue Villeneuve qui expliquait pourquoi accorder le droit de vote aux femmes serait une grave erreur. Je vais demander à des amis historiens des références plus précises.
Pour les documents de la CDF, je peux vous y répondre beaucoup plus facilement. Tout d’abord, je souhaite rectifier une erreur, je parlais d’un document de 1986 mais je parlais en fait de celui qui a été publié en 92 : http://www.doctrinafidei.va/documents/rc_con_cfaith_doc_19920724_homosexual-persons_fr.html
J’ai aussi trouvé un autre document tout aussi intéressant mais je souhaite d’abord attirer votre attention sur un passage du document de 1992 que cite ci dessous (entre » » et ****)
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« 12. Les personnes homosexuelles, en tant que personnes humaines, ont les mêmes droits que toutes les personnes, y compris le droit de ne pas être traitées d’une manière qui porte atteinte à leur dignité personnelle (cf. n. 10). Entre autres droits, toute personne a le droit au travail, au logement, etc. Néanmoins, ces droits ne sont pas absolus. Ils peuvent être légitimement limités en raison d’un comportement externe objectivement désordonné. Ceci est parfois non seulement licite mais obligatoire. D’ailleurs, ceci vaudrait non seulement dans le cas d’un comportement coupable mais même dans le cas d’actions de malades physiques ou mentaux. Il est ainsi accepté que l’État puisse restreindre l’exercice des droits, par exemple dans le cas de personnes contagieuses ou malades mentalement, afin de sauvegarder le bien commun. »
« 13. Inclure « l’orientation homosexuelle » parmi les considérations sur la base desquelles il est illégal de discriminer peut facilement amener à considérer l’homosexualité comme une source positive des droits humains, par exemple en ce qui concerne les mesures anti-discriminatoires en faveur des minorités ou le traitement préférentiel dans les pratiques d’embauche. Ceci est d’autant plus nuisible qu’il n’y a aucun droit à l’homosexualité (cf. n. 10), qui ne devrait donc pas constituer le fondement de revendications juridiques. Partir de la reconnaissance de l’homosexualité comme facteur sur la base duquel il est illégal de discriminer peut facilement, si non automatiquement, conduire à la protection légale et à la promotion de l’homosexualité. L’homosexualité d’une personne serait invoquée contre la discrimination alléguée et ainsi l’exercice des droits serait défendu précisément par le biais de l’affirmation de la condition homosexuelle, au lieu que ce soit en fonction d’une violation des droits humains élémentaires. »
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Et surtout sur la fin du premier paragraphe de 14 : « En règle générale, la majorité des personnes à tendance homosexuelle qui s’efforcent de mener une vie chaste ne rendent pas publique leur orientation sexuelle. Dès lors, le problème de la discrimination sur le plan de l’emploi, du logement, etc., ne se pose habituellement pas. »
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On peut discuter de l’interprétation à apporter à ce document mais il est très clair d’une part que la CDF, qui assiste le pape dans l’interprétation authentique de la doctrine catholique, est hostile à « l’indifférence sociale » envers l’homosexualité, et d’autre part elle entend la notion de discrimination injuste dans un sens fort restrictif. Par exemple, elle évoque l’exemple du logement, on peut tirer de ce texte qu’il peut être légitime de refuser une chambre à un couple homosexuel comme ça a été le cas en Angleterrre (le couple chrétien hôtelier qui avait refusé cette location a été condamné pour discrimination par la juridiction civile soit dit en passant).
J’ai parlé d’une autre document. En effet, j’avais oublié que la CDF avait publié en 2003 un document sur la reconnaissance juridique des unions homosexuels : http://www.doctrinafidei.va/documents/rc_con_cfaith_doc_20030731_homosexual-unions_fr.html
La lecture de ce document est très intéressante : dans la première partie et dans la troisième partie, elle explique qu’on ne peut établir d’équivalence entre le mariage et l’union homosexuelle mais elle va plus loin dans la deuxième partie.
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5. Vis-à-vis du phénomène des unions homosexuelles qui existent de fait, les autorités civiles prennent des attitudes diverses: parfois elles se limitent à tolérer ce phénomène; parfois elles promeuvent la reconnaissance juridique de telles unions, sous prétexte d’éviter, par rapport à certains droits, la discrimination de celui qui vit avec une personne du même sexe; parfois elles vont jusqu’à favoriser l’équivalence juridique des unions homosexuelles avec le mariage, sans exclure la reconnaissance de la capacité juridique à adopter des enfants.
Là où l’État assume une politique de tolérance de fait, n’impliquant pas l’existence d’une loi qui accorde explicitement une reconnaissance légale à ces formes de vie, différents aspects du problème méritent d’être soigneusement discernés. La conscience morale exige d’être, en chaque occasion, témoin de la vérité morale intégrale à laquelle sont contraires aussi bien l’approbation des relations homosexuelles que la discrimination injuste vis-à-vis des personnes homosexuelles. Seront donc utiles des interventions discrètes et prudentes, dont le contenu pourrait, par exemple, être le suivant: clarifier l’usage instrumental ou idéologique que l’on peut faire de cette tolérance; affirmer clairement le caractère immoral de ce type d’union; rappeler à l’État la nécessité de contenir le phénomène dans des limites qui ne mettent pas en danger le tissu de la moralité publique et surtout de ne pas exposer les jeunes générations à une conception erronée de la sexualité et du mariage qui les priverait des défenses nécessaires et qui contribuerait, en outre, à la diffusion du phénomène lui-même. À ceux qui, sur la base de cette tolérance, veulent procéder à la légitimation de droits spécifiques pour les personnes homosexuelles qui cohabitent, il faut rappeler que la tolérance du mal est bien autre chose que son approbation ou sa légalisation.
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Vous noterez qu’elle ne parle pas d’indifférence sociale mais de tolérance au mal. En fait, on peut tracer un parallèle frappant avec l’enseignement pré-Vatican II de l’Eglise catholique à propos des autres cultes dans la sphère publique : vous savez aussi bien qu’en substance l’Etat catholique ne pouvait que tolérer les autres cultes pour des raisons d’ordre publique et les contenir pour éviter de contaminer des catholiques incertains de leur foi.
9 novembre 2012 at 18:42
@ Aristote,
Merci pour ces précisions.sur Carl Schmitt.
A Portsmouth, en Grande Bretagne, la Royal Navy fait entretenir pieusement, en souvenirs de sa gloire passée, le HMS Victory, navire amiral de la flotte de Nelson à bord duquel ce dernier trouva la mort lors de la sanglante bataille de Waterloo.
Depuis plus de deux siècles maintenant – puisque le légendaire navire a été mis à l’eau en 1765 – des générations de charpentiers, de menuisiers, et de toutes sortes d’autres artisans spécialisés, se succèdent à son bon soin, réparant les outrages que lui inflige le temps. Ils remplace ici une planche, là un élément d’accastillage, une pièce du gouvernail, de la quille, une partie d’un mât ou que sais-je encore, si bien que certains d’entre eux affirment, non sans malice, que bien peu subsiste encore du navire d’origine et que rien n’en subsistera dans un avenir plus ou moins lointain.
Du reste, sur internet, un site touristique affirme « In 1922 the VICTORY was laid into a dry dock at Portsmouth and has been open for visitors since. Despite all changes in the long history of the ship and the numerous repairs, today she still holds many of the original woods from 1765 » comme s’il fallait rassurer les visiteurs.
Pourtant, la question se pose: le navire qui est aujourd’hui exposé sous le nom de HMS Victory est-il encore vraiment le HMS Victory?
Il y a deux bonnes raisons d’apporter une réponse positive à cette question: la première est que le navire conserve sa forme d’origine, quasi à l’identique et que, s’il est certes une copie de lui-même, il est la seule copie et aussi le seul original, réunis en une même entité. La seconde est que les gens le croient. Ils tiennent ce navire pour le vrai et cela suffit.
On voit donc que la matière d’origine disparaît peu à peu, pourtant le navire reste ce qu’il est. En somme, c’est un gâteau au chocolat… sans chocolat. Sa réalité constitutive est plus complexe que la matière dont il est réellement constituée et qui est différente de celle dont il était constitué à l’origine.
Il y a évidemment un lien entre la théorie de la substance du mariage et le concept des règles constitutives, tel qu’il est employé dans cet article. Mais il ne faut pas non plus s’arrêter à l’écume des choses. Il faut se demander pourquoi l’application qui en est faite par Philarête tend à dire que le monde ne doit pas changer, voire, ne peut pas changer.
Si toute chose qui se conçoit, toute institution sociale qui existe, toute réalité sociale à une règle constitutive qui ne peut être substantiellement modifiée sans changer la nature de ce à quoi elle s’applique, cela signifie qu’il n’y a aucun changement possible sans destruction du monde ou d’une partie du monde.
Que les révolutions existent, c’est un fait: il y a donc des phases dans notre histoire où l’on détruit beaucoup, où on fait table rase.
Mais il y a des choses qui changent substantiellement, sans cesser d’exister, comme… le mariage justement. Il a beaucoup changé, mais il existe encore.
La théorie de la substance n’a-t-elle pas un petit problème logique?
9 novembre 2012 at 18:43
PS: Trafalgar pas waterloo, olala je fatigue
9 novembre 2012 at 18:44
@ Physdemon,
Je médite, je médite!
Bon, c’était bien ces vacances?
9 novembre 2012 at 20:46
à Tschok,
mes vacances étaient très agréables, merci !
Vous dites :
« Il faut se demander pourquoi l’application qui en est faite par Philarête tend à dire que le monde ne doit pas changer, voire, ne peut pas changer. »
Attention: je crois que l’argumentation de Philarête n’a pas exactement le but que vous lui prêtez. Je crois qu’il veut surtout montrer qu’on ne peut pas instituer un « mariage entre personnes de même sexe » sans du même coup dénaturer le « mariage », tel que nous le connaissons.
Ensuite seulement vient la question : est-il bon de remplacer le mariage par une autre institution que l’on continuera d’appeler mariage mais qui sera d’une toute autre nature ?
Je crois que Philarête a bien distingué ces deux plans et que la part la plus originale et la plus forte de son argumentation porte sur le traitement du premier problème à l’aide du concept, emprunté à Wittgenstein, par le biais de Vincent Descombes, du concept de règle constitutive d’une institution.
Pour revenir à votre comparaison de HMS Victory, je crois qu’elle n’est pas tout à fait pertinente. Ce que signifie cet exemple est qu’une substance (le bateau) est un composé hylémorphique : un composé de matière (le bois) et de forme (la structure du HMS Victory). Cet exemple montre en effet que la substance du bateau demeure la même alors même que sa matière change: celaveut dire que pour le type de substance qu’est un bateau, c’est la forme, non la matière qui constitue son essence, qui le détermine comme ce qu’il est. Pour preuve, si vous empruntez le bateau et le restituez après avoir remplacé les pièces que vous auriez abîmés, vous auriez bien rendu le bateau. En revanche, si vous rendez la masses de toutes les pièces détachées en vrac après avoir démonté le bateau, on pourrait vous accuser à juste titre de l’avoir détruit. L’identité du bateau ne réside donc pas dans sa matière ni dans ses éléments constitutifs mais dans la forme constitué par un certain assemblage de ses éléments.
Ce que l’on pourrait tirer de cet exemple est que précisément, tant que la forme du mariage (ie le système des règles qui le constituent comme mariage) demeure identique, l’essence du mariage est la même quelle que soient les personnes qui se marient. C’est ainsi que quand on passe d’une société où le mariage entre personnes de races différentes est interdit à une société où il est autorisé, on ne change rien à la substance du mariage : parce que le fait d’avoir telle ou telle caractéristique raciale n’a jamais été un élément essentiel du mariage. Cela a été simplement une condition requise par le législateur à un certain moment de l’histoire d’un pays pour séparer les personnes de races différentes. Bref, même dans une société raciste, il y a interdiction du mariage entre personne de races différentes et non pas impossibilité, pour reprendre la distinction exposée ci-dessus par Philarête.
En revanche, quand on institue la possibilité du « mariage » entre personnes de même sexe, on fait que la différence sexuelle n’est plus un élément structurant du mariage. La substance même du mariage s’en trouve affectée. On a dès lors affaire à une autre institution que ce que jusqu’alors on appelait mariage.
Bref, pour reprendre votre comparaison navale: la suppression des interdits racistes concernant le mariage, revient à autoriser le remplacement de pièces de telle couleur par des pièces de telle autre couleur sans modifier la structure du bateau. En revanche, créer le « prétendu mariage pour tous » revient à changer le plan même du bateau.
10 novembre 2012 at 12:40
@ tschok
Je ne reprendrai pas les commentaires pertinents de Physdémon.
je voudrais attirer l’attention sur une autre caractéristique du « gâteau au chocolat ». On peut probablement étudier son histoire, déterminer qu’il n’existait pas avant telle ou telle date, suivre la chronologie de sa diffusion, repérer des régularités de recettes dans telle ou telle zone culturelle. Mais clairement, il n’est pas né de la volonté explicite d’un législateur de créer le gâteau au chocolat. Et certes on peut faire des gâteaux au goût chocolaté sans chocolat, mais il n’est pas possible de décréter qu’un gâteau sans chocolat est un gâteau au chocolat. Arbitraire insupportable à une société hyperdémocratique ?
Le mariage a une histoire, il ne nous a pas été imposé par des extraterrestres, il a en quelque sorte co-évolué avec l’humanité. Mais cela ne nous confère pas la maîtrise de son institution.
thaumaz est mal à l’aise avec la formule de Philarête : « nous ne sommes pas souverains à l’égard du sens des mots ». Il soupçonne le sens des mots d’être arbitraire, parce que nous ne savons pas justifier ce sens. Mais pour dire cela, thaumaz use de mots, dont il est heureux qu’il ne soit pas le maître, car si chacun est maître de ses mots, comment pourrions-nous nous parler. Pour que la langage soit possible, que les hommes puissent se parler, il leur faut consentir au sens commun des mots, sens qu’il faut sans doute parfois préciser, mais qui est là.
10 novembre 2012 at 17:41
@ Aristote
la difficulté n’est pas là à mes yeux, je suis tout à fait d’accord avec votre remarque : il ne peut y avoir de langage privé et c’est heureux !
Si je suis Philarête, le sens du mariage dépend de la règle constitutive qui est ce qu’elle est et qui aurait pu pourtant être autre (les partisans du « mariage pour tous » cherchent bien à instituer une nouvelle règle constitutive par la loi.) ; mais je pense ou soupçonne que le fondement de la possibilité même de l’institution « mariage » (tel que nous le connaissons encore) repose sur la réalité de la procréation humaine. En réalité, la procréation humaine tient le rôle de la réalité du chocolat dans votre exemple. Autrement dit, la règle constitutive du mariage ne saurait reposer seulement sur elle-même mais bien sur la réalité (que j’ai appelée maladroitement constituable) de la procréation humaine qui requiert un seul homme et une seule femme dans tous les cas si je ne m’abuse… et que sanctionne l’institution du mariage.
10 novembre 2012 at 21:43
@ thaumaz
Je vous avais mal compris.
Il serait de fait surprenant que la réalité biologique de la reproduction chez les humains n’ait rien à voir avec l’institution du mariage telle qu’elle a co-évolué avec l’humanité. Je serais cependant prudent avant d’en conclure que c’est le deux ex machina de l’affaire.
10 novembre 2012 at 21:44
deus, pas deux !
11 novembre 2012 at 09:19
<<en afrique ,ici !ce n'est pas avec la force qu' on battit un foyer stable et heureux.sujet de reflexion.
11 novembre 2012 at 11:40
@ Bashô
Votre 34.
L’Église ne discrimine pas contre les homosexuels, elle tient, à tort ou à raison, c’est un autre débat, que les seules relations sexuelles objectivement ordonnées sont celles qui ont lieu dans le cadre de l’institution du mariage. Les relations sexuelles entre hétéros hors mariage sont elles aussi tenues comme objectivement désordonnées, certaines bien sûr (le viol) plus que d’autres (une relation stable).
Pour tous ces cas qu’elle considère comme objectivement désordonnés, l’Église essaie de trouver un chemin entre Charybde et Scylla : imposer sa morale par la contrainte est injustifiable et contre-productif et pourtant elle ne peut pas se résoudre à présenter comme sans problème aucun des comportements qu’elle considère comme désordonnés. D’où sa grande réticence devant l’instrumentalisation de l’argument de non-discrimination pour faire passer tout et n’importe quoi. Ce chemin n’est pas facile à trouver et les documents qui en traitent ont souvent une rédaction « datée », mais la problématique persiste.
Reste que la position de l’Église revient à demander aux homosexuels de vivre dans la chasteté, ce qui n’est pas demandé par principe aux hétérosexuels. Cependant, beaucoup d’hétérosexuels, pour une raison X ou Y, ne parviennent pas à se marier, sont abandonnés par leur conjoint, etc. À eux aussi l’Église demande la chasteté. Sont-ils moins nombreux que les homosexuels ?
Vous avez tout à fait le droit de juger que la position de l’Église est insensée. Mais elle ne discrimine pas les homosexuels.
11 novembre 2012 at 17:31
@ Bashô
Il n’est pas pertinent de faire un parallèle entre les réticences d’un cardinal québécois au suffrage féminin dans l’entre-deux-guerre et l’opposition frontale de l’Eglise aujourd’hui à un prétendu « mariage pour tous ».
Il ne vous aura pas échappé que, dans le document que vous citez, les quatre arguments avancés par le cardinal en question sont d’ordre prudentiel : ils n’ont aucun fondement théologique et n’engagent pas la foi de l’Eglise. Dans l’article que vous citez, le dominicain consulté par le premier ministre canadien de l’époque le lui a d’ailleurs fait remarquer.
En revanche, ce qui est en jeu dans la question du mariage gay, c’est la notion même de mariage, l’idée que l’on se fait de la nature de l’homme et de sa destinée. Le refus du mariage gay par l’Eglise est donc bien enraciné dans la doctrine catholique.
Il en résulte que la position du cardinal opposé au suffrage féminin était la position d’un homme d’Eglise, mais pas une position de l’Eglise en tant que telle, en tout cas pas une position engageant la foi de l’Eglise.
Ensuite, concernant la notion de discrimination à l’égard des homosexuels, la position de la Congrégation pour la doctrine de la foi signifie qu’en règle général il ne faut pas pratiquer de discriminations à l’égard des homosexuels mais que cette règle souffre quelques exceptions : il peut exister des fonctions sociales dont l’exercice correct est incompatible avec une orientation homosexuelle. Ainsi, récemment, l’Eglise a jugé, à mon avis à tort, que le fait d’être homosexuel pouvait nuire à l’exercice de la fonction de prêtre. On pourrait juger de même que certaines fonctions dans l’éducation (surveillant d’internat, par exemple), ou dans les soins à l’égard de personnes souffrant précisément de certaines difficultés psychiques liées à l’orientation sexuelle, ne pourraient pas être exercées correctement par des personnes ayant des caractéristiques psychiques homosexuelles.
Cela n’a d’ailleurs pas forcément de lien direct avec une condamnation morale de l’homosexualité: on sait, par exemple, qu’une discrimination est pratiquée au sein de certaines armées à l’égard des homosexuels. Vu la promiscuité que sont appelés à connaître des frères d’arme sur le champ des opérations, des mesures discriminatoires de ce type me paraissent fondées : un soldat de sexe féminin apprécierait peu de dormir sous la même tente que des camarades de sexe masculin; de même des soldats hétérosexuels pourraient avoir des réticences légitimes à partager leur nuit avec des soldats homosexuels. Enfin, créer des chambrées d’homosexuels pourraient avoir des conséquences pratiques non moins problématiques assez comparables à ce que seraient des chambrées mixtes chez des personnes hétérosexuelles. Car partout où des personnes sont appelés à vivre ensemble dans une étroite promiscuité, la présence d’homosexuels, aussi bien que la mixité, crée un risque d’érotisation des relations qui peut devenir nuisible à l’équilibre affectif des individus comme au bon fonctionnement du groupe.
Il apparaît donc qu’une discrimination à l’égard des homosexuels peut se justifier dans les cas où le fait d’être homosexuel pourrait nuire à l’exercice de la fonction en rapport avec laquelle s’applique la mesure discriminatoire.
Ce principe vaut pour d’autres conditions que la conditions homosexuelles: le pilotage des avions est interdit aux myopes, l’entrée dans la garde républicaine est interdite aux personnes de taille médiocre; dans la plupart des internats scolaires, on choisit des maîtres d’internat de même sexe que leurs pensionnaires etc.
Bien des mesures de discrimination peuvent se justifier. D’où l’absurdité de dire a priori que toute discrimination est injuste. D’où le bien-fondé des textes de la Congrégation pour la doctrine de la foi que vous mentionnez.
11 novembre 2012 at 17:38
@ Aristoe 44 :
Merci de votre commentaire. Je me permets deux remarques :
1) » imposer sa morale par la contrainte est injustifiable et contre-productif »…. surtout qu’elle n’a plus les moyens en Occident ! Mais on doit se souvenir qu’à d’autres époques ou d’autres lieux, elle s’accommodait très bien du traitement infligé par la puissance civile aux homosexuels. Par exemple récemment, lors de la réforme du code pénal du Burundi, les députés avaient pénalisé les actes homosexuels. Je ne crois pas que les évêques du pays furent vraiment mécontents de cette initiative. D’autant plus que le Magistère cultive soigneusement l’ambiguïté en ce point précis. :-) Bref, l’Eglise ne veut pas imposer sa morale mais elle estime que la société a le devoir, pour le Bien Commun, de lutter contre certaines déviances comme le viol, l’homicide. Et je pense qu’elle range l’homosexualité en tant que pratique parmi les déviances contre lesquelles il faudrait lutter, sinon pénalement, du moins « civilement ».
2) Tout dépend de ce qu’on entend par « discriminer ». Le problème de ce terme est qu’il est extrêmement subjectif et peut être défini au gré des interprétations favorables ou défavorables. Prenons un exemple, avant Vatican II, l’Eglise enseignait que dans une société catholique, l’Etat a le devoir de favoriser le culte publique et de restreindre les autres cultes, toutes erronées tout en sauvegardant l’ordre publique. L’Etat pouvait tolérer l’exercice des fausses religions dans le privé mais pas publiquement et pouvait apporter des restrictions civiles à ceux qui professaient ces fois déviantes par exemple en fermant l’accès de certaines professions. Du point de vue de la doctrine catholique de l’époque, on ne pouvait parler de discrimination mais plutôt de distinction. La dignité humaine de ces gens était respectée en ce sens qu’ils subissaient des restrictions non pour ce qu’ils étaient (être juif par exemple au sens où nos parents l’étaient) mais pour ce qu’ils professaient ou faisaient ( un juif qui se convertissait à la foi chrétienne devenait « totalement » chrétien et ne subissait plus ces restrictions).
Bref, pour rendre le parallèle plus explicite, exactement comme pour ceux qui pratiquaient des « cultes déviants » dans une société catholique, la Congrégation de la Doctrine de la Foi considère admissible qu’on puisse fermer l’accès de professions comme l’Education aux homosexuels, non pour leur homosexualité mais parce qu’ils étaient « visibles », ou refuser un logement à un couple homosexuel, non parce qu’ils sont homosexuels mais parce qu’ils forment un couple et donc affichent explicitement qu’ils pratiquent des actes mauvais. C’est comme dans le pénal, la saine justice exige qu’on condamne et applique des sanctions à des gens non pour ce qu’ils sont mais pour ce qu’ils font. C’est pourquoi les catholiques pensent tout à fait sincèrement qu’ils ne pratiquent pas la discrimination.
J’en profite pour souligner que Philarête semble parler en termes positifs du « droit à l’indifférence ». Etant donné ce que j’ait dit plus haut, on peut se demander si c’est vraiment catholique. :-)
3) Pour terminer sur le problème de la discrimination, je souhaite attirer votre attention sur une affaire qui a eu lieu en Angleterre. Un couple d’hôteliers professant la foi chrétienne (mais je ne crois pas qu’ils étaient catholiques, ils étaient évangéliques si mes souvenirs sont bons) avaient refusé de louer une chambre à un couple homosexuel qui avait en conséquence porté plainte. Je vous fais grâce des péripéties judiciaires mais ce couple a été définitivement condamné pour « discrimination ». Donc la jurisprudence anglaise actuelle dit qu’il y a bien discrimination. Pour la doctrine catholique, selon l’interprétation authentique donnée par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi en 1992 et 2003, et peut-être pour vous (car vous vous placez sur un terrain exclusivement « religieux »), on ne peut parler de discrimination comme je l’ai expliqué dans le 2) Tout au plus on parlerait de « distinction ». :-)
11 novembre 2012 at 18:11
@ Phydémon 45
Merci de votre commentaire qui montre bien que toute réflexion sur la discrimination (et plus généralement sur la justice) ne peut être laissée à la seule Eglise catholique. J’ajoute que ça vaut aussi pour les autres groupes.
Sur vos arguments à propos des discriminations justes contre les homosexuels, ma réponse est déjà contenue dans celle à Aristote. Par exemple, st Thomas justifiait les discriminations contre les juifs en disant qu’il fallait protéger les catholiques à la foi fragile, exactement comme il faudrait maintenant protéger les jeunes à la sexualité incertaine des homosexuels (mon côté comparatiste). C’est vrai que socialement l’idée de discriminer les autres religions est maintenant inacceptable mais notre société est trop décadente pour voir la bonté maternelle de l’Eglise catholique, experte en humanité. :-)
Par ailleurs, vos arguments révèlent une image intéressante des homosexuels pétrie de clichés comme l’homosexuel corrupteur de la jeunesse qui ne peut qu’avoir des relations érotisées avec les personnes du même sexe. A ce titre, je m’étonne de vos réticences à propos de la position du Saint-Siège à propos de la prêtrise. En effet, le prêtre est au contact des jeunes, et du fait de la baisse des vocations, vit de plus en plus avec d’autres prêtres. Mais je ne m’attarderai plus sur ces points-là. Passons aux femmes (je coupe le commentaire en deux pour des raisons de lisibilité). 1/2
11 novembre 2012 at 18:25
@ Physdémon 45
Quant aux femmes, comme je disais à Physdémon, j’aime bien employer l’approche comparatiste afin d’éprouver la force intrinsèque d’un argument. Le raisonnement philosophique est plus fragile que ceux qui sont scientifiques car reposant sur l’art de persuader, en plus de l’argumentation logique. Ainsi, j’avais esquissé tout à l’heure un parallèle avec l’enseignement de l’Eglise sur la discrimination religieuse afin de tester la solidité des arguments.
Je reconnais qu’à propos des femmes, j’étais extrêmement allusif. Je vais donc y revenir plus longuement (mais j’attire votre attention sur le fait qu’en moyenne les pays de tradition catholique ont accordé plus tardivement le droit de vote aux femmes que les pays de tradition protestante). Philarête nous avait fait un cour magistral sur la règle constitutive. Il y avait aussi une autre règle constitutive à propos de la distinction des sexes dans la culture occidentale : aux hommes, l’extérieur, aux femmes l’intérieur.
Les femmes avaient la maîtrise du foyer (cf l’instance sur la femme en tant qu’épouse ou mère, pourquoi insiste-t-on moins sur l’homme en tant que mari ou père ? Il est significatif en français « femme » désigne à la fois l’épouse et la personne de sexe féminin) tandis que l’homme a le monopole du théâtre extérieur, des opérations dans le monde. La femme ayant le rôle de soutien de l’homme. Cette distinction est très bien résumée par saint Paul qui avait dit quelque part que l’homme était la gloire de Dieu et la femme celle de l’homme…
Ceci a une application pratique dans le champ politique : selon la distinction des sexes, seul l’homme peut « jouer » à l’extérieur et peut discuter de politique, délibérer etc. Accorder le droit de vote aux femmes, c’est leur donner la citoyenneté et donc leur donner la même place que les hommes dans un domaine important du monde extérieur. C’est de plus la sortir « symboliquement » du foyer…. et c’est donc briser une règle constitutive sur la distinction des sexes. On peut reprendre l’analogie qu’avait fait Aristote avec le gâteau au chocolat : en donnant le droit de vote aux femmes, le jeu politique n’aura plus la même « saveur ». Et c’était ce que disait le cardinal dans son premier point (ou troisième point, je ne sais plus).
Voilà, c’était en partie (car on peut pousser la comparaison sur d’autres points) ce que je voulais dire en attirant l’attention de Philarête sur l’autre débat, celui de la place des femmes.
11 novembre 2012 at 19:13
à Bâsho
J’arrive trop tard pour apporter un éclaircissement au com. 45 dont je n’étais pas satisfait.
Donc je répondrai à votre critique :
« Par ailleurs, vos arguments révèlent une image intéressante des homosexuels pétrie de clichés comme l’homosexuel corrupteur de la jeunesse »
Je me suis sans doute mal exprimé. L’exemple du maître d’internat que j’ai donné était maladroit parce qu’il se prêtait à l’interprétation que vous en avez faite spontanément. Au temps pour moi. J’y reviens donc:
Mon analogie était la suivante : il serait imprudent de confier la surveillance d’un internat de jeunes filles de 17 à 20 ans à un étudiant de 25 ans. De même,il serait imprudent de confier la surveillance d’un internat de jeunes gens de 17 à 20 ans à une étudiante de 25 ans.
De même il serait imprudent de confier un internat de jeunes gens de 17 à 20 ans à un étudiant de 25 ans homosexuel. Même raisonnement avec un internat de jeunes filles de 17 à 20 ans et une étudiante lesbienne de 25 ans.
Tout cela n’a rien à voir avec un quelconque fantasme concernant la supposée prédation sexuelle des homosexuels.
Je précise que je travaille dans une classe préparatoire où sont scolarisés des élèves internes. Le problème que je soulève n’a donc rien d’artificiel et n’a rien de fantasmatique. J’ai des collègues homosexuels qui travaille dans mon établissement et qui comprenne d’ailleurs très bien ce genre de mesure.
J’ai peut-être été maladroit mas je vous prie de ne pas me faire un procès d’intention.
11 novembre 2012 at 19:35
[…] Au moment d’exposer – trop longuement, qu’on me pardonne (ou qu’on ne me lise pas, évidemment) – les motifs de ma méfiance à l’égard du projet d’« ouverture » du mariage aux couples de même sexe, j… […]
11 novembre 2012 at 19:55
à Bâsho,
Je ne suis pas sûr que vous ayez bien saisi le concept de « règle constitutive d’une institution ».
Ce à quoi vous faites allusion me semble être une règle de « division du travail » ou de « répartition des tâches » qui ne définit pas en soi la différence sexuelle, qui n’est d’ailleurs pas d’ordre institutionnel.
C’est pourquoi il a pu être « interdit » à des femmes de faire un travail d’homme (cf. Jeanne d’Arc), chose qui leur était néanmoins possible.
En revanche, dans le cas de règles constitutives d’une institution, il est impossible qu’une femme fasse ce qui du fait même de l’institution est réservé à un homme. Exemple : être un père de famille. Même raisonnement pour l’homme à qui il est impossible (et non interdit) d’être « mère de famille ».
C’est tellement vrai que pour surmonter ces impossibilités, les concepteurs du prétendu « mariage pour tous » sont obligés de supprimer les concepts de « paternité » et de « maternité » pour leur substituer le concept abstrait de « parentalité ».
En revanche, accorder le droit de vote aux femmes n’a pas changé le concept de vote. Et cela a peut-être provoqué plus de tensions au sein des couples (j’en sais quelque chose, ma femme et moi ne votant pas pour le même bord), mais cela n’a pas non plus dissous de ce seul fait l’institution matrimoniale.
Il est vrai qu’on pourrait considérer que les règles de répartition des tâches selon les sexes on un rôle fondateur dans l’organisation de la société. Mais le fait qu’une règle soit fondamentale ou fondatrice d’un ordre social n’en fait pas pour autant une règle constitutive de telle ou telle institution. Bref, il me semble que votre comparaison avec l’évolution de la condition féminine n’est pas pertinente.
Mais je laisserai Philarête vous réexpliquer plus clairement le concept de « règle constitutive d’une institution » que je peux moi aussi avoir mal interprété.
Enfin c’est un peu « gonflé » de faire la leçon à l’Eglise de France sur la question du vote des femmes alors que ce sont les radicaux-socialistes qui, dans l’entre deux guerres, ont retardé l’élargissement du droit de suffrage à celles-ci par crainte (tout à fait fondée) qu’elles ne votent pour la droite cléricale.
D’autre part, ce serait sympathique de nous épargner des remarques dédaigneuses sur la philosophie: celle-ci peut se pratiquer avec rigueur et ne se réduit pas toujours à une vague rhétorique… Quant aux théories scientifiques, elles sont souvent loin d’être parfaitement rigoureuses, hélas…
11 novembre 2012 at 20:43
@Physdémon :
#49 : Je comprends beaucoup mieux ce que vous vouliez dire et dans ce cas de figure, je serais tout à fait d’accord avec vous pour dire qu’il serait imprudent de laisser un internat de jeunes de 17 à 20 ans à un étudiant homosexuel de 25 ans.
#50 : Ma remarque ne se voulait nullement dédaigneuse. Je suis chercheur dans une science dite « dure » et je peux dire que si la recherche et les discussions ne sont pas exemptes de passion, nous les chercheurs avons quand même des marqueurs sûrs et objectifs. Par exemple en mathématiques, nous avons les règles de logique formelle, en physique ou en biologie, nous avons l’expérience qui permet de réfuter et d’affiner. Le grand mathématicien Erdos disait qu’on ne discutait jamais avec un contre-exemple. Le raisonnement philosophique me paraît plus fragile en ce sens qu’il repose de manière particulièrement forte sur le langage. Par exemple, le style de Foucault est brillant et c’est justement en raison de sa brillance que le raisonnement m’échappe si vous voyez ce que je veux dire… C’est pour cela que j’ai plus de sympathie pour la philosophie analytique que pour la continentale.
Autre difficulté lié au raisonnement philosophique : elle traite du concept, voire de la création de concepts. Or si on veut discuter des concepts, on est obligé de recourir à des concepts. D’où un risque selon moi particulièrement marqué de circularité….
Votre réponse sur la règle constitutive est très intéressante et m’oblige à revenir sur ce que j’avais dit. Je vais y réfléchir dessus et essayer de mieux comprendre ce concept. Mais j’aimerais faire une remarque.
Je n’ai pas dit que le droit de vote des femmes changeait le concept de vote ou de citoyenneté. Mais je disais qu’il remettait en question le concept de masculinité/féminité. En effet, la distinction masculinité/féminité recouvrait celle de extérieur/intérieur. Le cardinal québecois disait que ça allait remettre en question la hiérarchie au sein de la famille et en cela il avait absolument raison puisqu’en accordant le droit de participation à la vie politique aux femmes, on privait les hommes d’une prérogative qui était constitutive de la masculinité. On pouvait donc dire que suite à cela, la notion de masculinité/féminité allait changer de nature. Car la répartition des tâches était jusque dans les années 50 vraiment essentielle pour définir la séparation des sexes. Vous m’avez donné l’exemple de Jeanne d’Arc mais la transgression de cet interdit majeur a justifié le bûcher ! Ce n’était pas une impossibilité physique ou logique mais une « impossibilité sociale » extrêmement forte en ce sens que la transgression exposait à de fortes sanctions.
Peut-on faire le parallèle avec le mariage. Je dois avouer que j’en suis moins sûr après votre réponse. La notion de règle constitutive telle que vous m’avez expliqué est si je comprends bien « absolue ». Il faudrait que je creuse moi-même cette notion par exemple en lisant Descombes. Donc je reviendrai dessus plus tard.
11 novembre 2012 at 21:40
à Bâsho
Ce qui est intéressant dans l’exemple des réticences du cardinal québecois, est que ce que remet en question la redéfinition de la division sexuelle des tâches est le « sexe social » ou « sexe culturel », autrement dit le « genre » ou « gender », et non le sexe naturel.
Mais précisément, si l’Eglise n’a pas suivi massivement et constamment les analyses de ce bon cardinal, c’est peut-être précisément parce que la différence naturelle des sexes peut trouver à s’exprimer dans des contextes culturels variés. La condition féminine dans les pays catholiques a connu des variations non négligeables selon les pays et selon les époques depuis vingt siècles. Voilà qui tient à la possibilité de faire varier le « genre » sans dénaturer le « sexe », si vous me permettez l’expression.
D’ailleurs, je n’ai jamais entendu dire que que là où les femmes ont accédé au droit de vote le clergé aurait cherché à les détourner de l’exercice de ce droit. On ne pourrait pas en dire autant d’autres libertés comme par exemple le droit d’user de contraceptifs… Ce qui prouve bien à mon sens que les réticences de certains ecclésiastiques par rapport au suffrage féminin n’ont pas eu le caractère exemplaire et significatif que vous leur prêtez.
Quant à Jeanne d’Arc, si je me souviens bien, elle n’a pas été condamnée au bûcher pour le simple fait d’avoir porté des vêtements d’homme mais du fait qu’en remettant des vêtements d’homme elle semblait se rebeller contre une mesure disciplinaire que l’Eglise lui avait imposée. Autrement dit, le bûcher ne sanctionnait pas le port de vêtement masculin par une femme mais la signification dont ce fait était investi dans le contexte d’une mise à l’épreuve par un tribunal ecclésiastique: refus de se soumettre à l’autorité spirituelle de l’Eglise. De la sorte, Jeanne passait pour relapse et pouvait être condamnée au bûcher sans autre forme de procès, ce qui était le but de ses accusateurs qui n’en arrivaient pas à bout. (Régine Pernoud a fort bien expliqué ce traquenard conçu par Mgr Cauchon qui envoya des soldats anglais la violer dans sa cellule pour l’inciter à revêtir les fameux vêtements d’homme).
11 novembre 2012 at 22:13
@ Physdémon
Mais je sais bien que l’Eglise n’a pas suivi massivement. Cela étant dit, il faut dire que Rome se méfiait profondément de cette redéfinition. Il faut que je retrouve le discours de Pie XII qui exhorte la femme à rester au foyer.
Si j’avais évoqué cet exemple, c’était afin d’employer une approche comparatiste pour comprendre la règle constitutive. De fait, il me semble qu’avec le droit de vote des femmes, il y eut un changement de paradigme à propos du « gender » car les règles ont changé. Peut-on parler de règles constitutives ? Ce n’est pas clair. Si j’ai bien compris, c’est une règle qu’on ne peut transgresser car « une règle constitutive ne peut être altérée sans que la pratique instituée elle-même devienne une autre pratique ». Si le droit de vote des femmes a n’a pas altéré le vote lui-même, il a altéré la pratique de la féminité (avant feminité = femme au foyer, après…) au point de la transformer en profondeur. Mais j’attends les eclaircissements de Philarête et vais essayer de trouver le livre de V. Descombes.
Pour Jeanne d’Arc, oui elle était relaps mais n’empêche que si elle ne s’était pas habillée une première fois en homme, elle ne serait pas retrouvée dans une posture fâcheuse. La manipulation de Cauchon consistait justement à la pousser à réitérer un interdit majeur énoncé par l’Eglise.
11 novembre 2012 at 22:36
à Bashô
Si je me souviens bien de ce qu’en a écrit Régine Pernoud, le fait de porter des habits d’homme n’était pas du tout dans le cas de Jeanne d’Arc la transgression d’un interdit « majeur ». Ses accusateurs s’étaient rabattus sur ce sujet faute de trouver mieux: faute de grives, on mange des merles. Aussi le procès en réhabilitation de 1455 fit-il peu de cas de cette « transgression »… qui n’en était pas une pour tout le monde, nécessité faisant loi dans le cas d’une femme appelée à vivre entourée d’hommes…
11 novembre 2012 at 22:41
Sur Jeanne d’Arc, voici ma source: Régine Pernoud, « Réhabilitation de Jeanne d’arc. Reconquête de la France ».
11 novembre 2012 at 23:24
@ tous les valeureux commentateurs
Je découvre vos échanges au retour d’un week end… loin du blog. Je suis impressionné par la qualité de vos échanges, qui m’honore profondément – et tendrait à prouver qu’il est finalement possible, sur ce sujet, de débattre sans s’invectiver et d’argumenter sans verser dans la polémique.
J’espère trouver du temps très vite pour mettre mon (voire «mes») grain de sel. Mais, derechef, merci… et surtout, continuez, s’il vous plaît!
12 novembre 2012 at 09:22
@Bashô : si vous voulez vraiment comparer la question du « mariage pour tous » à l’histoire du droit de vote, il faudrait peut-être plutôt chercher du côté du suffrage censitaire.
En effet, quand il s’agit de débattre sur le droit de vote des femmes, c’est la société, c’est la condition féminine, c’est le regard porté sur les femmes et leur place dans la vie publique et privée, qui changent.
En revanche quand Guizot s’exclame (ou se serait exclamé) « Enrichissez-vous ! » il défend une conception du droit de vote (le vote censitaire) complètement différente de ce qu’est aujourd’hui le suffrage universel.
En conservant le mot identique « vote » lors du passage au suffrage universel, on passe donc bien à un concept tout neuf en le calant sur un vieux mot.
C’est ce qu’on prétend faire aujourd’hui avec le mariage.
12 novembre 2012 at 11:25
@ Bashô
Votre 46
Je suis d’avis que depuis Constantin, ou plutôt depuis que le catholicisme romain est devenu la chrétienté, l’Église s’est beaucoup trop appuyée sur la coercition via le pouvoir civil. C’est vrai dans le domaine de la foi (l’Inquisition, les dragonnades, etc.) et dans celui des moeurs. La relation entre le trône et l’autel n’a jamais été simple. Ce fut parfois le trône qui fut moteur (Louis XIV et les protestants), parfois l’Église. Mais même en nuançant, même en évitant les anachronismes simplistes, il faut l’admettre : l’Église a abusé des facilités offertes par l’alliance avec le trône et elle en paie aujourd’hui le prix.
Reste que même en évitant l’abus du recours à la force, on ne peut demander à l’Église de tenir un discours qui normalise ce qu’elle considère comme objectivement désordonné.
On n’a pas attendu l’Église pour considérer l’homicide et le viol comme des crimes. Et de tout temps, il y a eu des débats sur ce qui devait être considéré comme relevant du pénal. Le duel, par exemple. Fumer dans les lieux publics. C’est vrai de la définition du pénal, c’est vrai de la responsabilité civile, c’est vrai de la définition de ce qui constitue une discrimination injustifiée. Il n’est pas anormal que l’Église participe au débat.
Et pour ma part, je deviens dubitatif sur l’extension du domaine de lutte en ce qui concerne la discrimination ! Demain un procès pour discrimination dans l’embauche des prêtres : on refuse les femmes, les homosexuels, et les athées. Cela fait quand même beaucoup !
12 novembre 2012 at 11:54
@ Physdémon
« Ainsi, récemment, l’Eglise a jugé, à mon avis à tort, que le fait d’être homosexuel pouvait nuire à l’exercice de la fonction de prêtre. »
C’est de fait un problème délicat et je comprends la réaction de Bashô qui s’élève contre l’image de l’homosexuel corrupteur de la jeunesse.
Cependant. Aux US, suite aux scandales pédophiles, l’Église a demandé à une institution non confessionnelle (le John Jay College of Criminal Justice de New York) de faire une enquête aussi exhaustive que possible sur les faits. La dite enquête montre qu’une partie importante des actes « pédophiles » reprochés au clergé, sont en fait des actes homosexuels commis sur des adolescents. Elle montre aussi qu’il n’y a pas constance dans le temps mais forte hausse du nombre des actes après la grande secousse de 68, suivie d’une baisse.
On peut proposer l’interprétation suivante : dans les années d’après-guerre, chute du nombre des vocations, l’Église est moins vigilante dans son recrutement. Certains homosexuels, pas toujours conscients de l’être, sont attirés par la prêtrise, la renonciation au mariage hétérosexuel n’est pas un gros problème pour eux. Beaucoup sont fidèles à leurs voeux de chasteté. Arrive la secousse de 68, la glorification du sexe, les remous internes de l’Église, bien des vocations s’avèrent fragiles. Les prêtres hétérosexuels qui abandonnent s’en vont pour se marier. Mais le « coming out » d’un prêtre homosexuel dans les années 70, difficile… Les prêtres homosexuels ont donc tendance à rester, les disciplines se relâchent, les occasions sont là…, certains succombent.
Rien qui autorise à reprendre l’accusation de corruption de la jeunesse. Mais on peut comprendre la prudence de l’Église, par ailleurs violemment attaquée pour n’avoir pas tout fait pour éviter ces abus sexuels.
12 novembre 2012 at 13:38
@ Physdémon,
Allez, on va commencer la semaine par une petite embuscade, histoire de rigoler un peu.
En com 38, vous dites:
« Ce que l’on pourrait tirer de cet exemple est que précisément, tant que la forme du mariage (ie le système des règles qui le constituent comme mariage) demeure identique, l’essence du mariage est la même quelle que soient les personnes qui se marient. »
Parfait!
Donc, les homos peuvent se marier, ça changent pas la nature du mariage.
Si je vous lis bien, hein?
Après, si vous le voulez, je vous expliquerai pourquoi vous vous êtes pris les pieds dans le tapis.
12 novembre 2012 at 15:41
@ tschok
Quelles que soient les personnes qui se marient TANT QUE la forme, etc., implique logiquement que la clause « tant que » a priorité sur la clause « quelles que soient ». Hors il se trouve que la clause prioritaire contient la règle de la différence des sexes.
Tout comme dans « toute personne majeure », majeure a la priorité sur toute.
12 novembre 2012 at 16:28
(je n’ai pas eu le courage de lire tous les 61 messages précédents, toutes mes excuses si j’aborde des points déjà évoqués)
Tout d’abord, merci pour ce billet qui m’a forcé à analyser les arguments derrière mon instinct initial :-)
Tous les arguments développés dans le billet sont intéressants, mais il me semble qu’ils ne vont pas au coeur du débat et qu’ils ne visent, au mieux, qu’à encadrer ledit débat. Parce que, quoiqu’on en dise, le mariage n’a pas d’équivalent dans notre société, en terme d’image et de symbole. Et c’est dans ce sens là que je comprends l’idée d’un « mariage pour tous » comme d’un pas de plus vers l’égalité et la démocratie.
Le mariage n’est pas juste une institution qui répond à certains critères, c’est un symbole. Même à une époque où les taux de divorce sont élevés, quand les gens se présentent devant l’autel ou devant le maire, ils envoient un message à la société qui est sans commune mesure avec un pacs ou une situation de concubinage. Selon qu’une femme présente un homme comme son mari ou comme son compagnon, la relation ne sera pas du tout perçue de la même manière (même si le couple marié devait se séparer l’année suivante alors que les concubins passeraient toute leurs vies ensemble). Par le mariage, on forme une famille. Alors que le pacs ou le concubinage apparaissent encore comme l’association de deux individus bien distincts. Quand j’étais enfant, une de mes copines de classe m’a invitée chez elle et j’ai découvert que ses parents n’étaient pas mariés. J’étais très surprise. À 8 ans, déjà, je devinais qu’être mariés renvoyait une image très particulière et que les couples, mêmes parents, qui ne l’étaient pas, en renvoyaient une autre. Je ne porte pas de jugement, la question n’est pas de savoir si cette image est positive ou négative. Si des couples (hétérosexuels ou homosexuels) préfèrent le concubinage, c’est que c’est le modèle qui les rend heureux. Mais les hétérosexuels disposent, justement, de ce choix, celui de vivre selon le modèle de couple qui leur convient. Les couples homosexuels ne l’ont pas. Et c’est en cela que je vois une injustice.
Par ailleurs, même si ouvrir le mariage aux couples du même sexe reviendrait en effet à en redéfinir les règles et à réinventer l’institution, elle n’aurait pas que le nom de commun avec le mariage tel qu’il est défini par la loi aujourd’hui. Le mariage ne se limite pas à sa définition dans les textes de lois (et quand bien même ce serait le cas, les textes ne se limitent pas à dire « homme + femme », ils parlent aussi de toutes les implications en matières fiscales et patrimoniales qui ne changeraient pas dans le cas d’une « ouverture » de l’institution aux couples homosexuels). C’est avant tout un engagement personnel. On en revient à l’image. Peut-être que j’ai une perception trop romantique du mariage (alors que je ne suis pas sûre de vouloir me marier un jour), mais il me semble que quand deux personnes se disent « oui », elles se font un serment de rester ensemble quoiqu’il arrive et d’affronter la vie ensemble, de s’aimer toujours. Quand un couple se pacse, il n’apparaît pas aussi solide ni aussi durable (ce qui ne veut pourtant rien dire, j’en conviens). Or, la volonté de s’unir à quelqu’un pour toujours n’a rien d’hétérosexuelle. Finalement, cela renvoie au désir d’appartenance selon Sullivan, comme vous le citez dans le point 7.
Je suis plus interloquée par l’argument sur la polygamie, que je n’imaginais pas et qui m’a paru en premier lieu un « problème » réal. Mais, après réflexion, la question ne me paraît pas si liée que cela. Certes, si tout repose sur le consentement, cela ouvre la porte à une définition de plus en plus large du mariage. Mais on pourrait s’inquiéter si la France faisait office de précurseur en la matière. Or, le mariage gay existe dans plusieurs pays depuis maintenant un petit bout de temps, et on n’y a pas vu de déferlante polygame ou incestueuse. Par ailleurs, je crois fermement que la possibilité de difficultés potentielles ne justifie pas le maintien d’une injustice (puisque c’est comme cela que je le perçois).
En tout cas, merci pour cet article riche en réflexions. Cela m’a obligé à reconsidérer ma position, à l’interroger. Même si, au final, j’ai du mal à me défaire de cet « instinct » initial qui me pousse à être en faveur du projet de « mariage pour tous », quitte à trouver les arguments après coup :-)
12 novembre 2012 at 18:44
à Tschok,
Aristote a dit exactement ce que j’avais à vous répondre.
Merci, Aristote !
12 novembre 2012 at 20:07
@ Physdémon et Aristote,
Vi, vi, j’ai bien compris.
Le problème est pas là: vous pouvez toujours rajouter à ce qui a été dit, pour tenter de rectifier le tir a postériori: un acte manqué reste un acte manqué…
En l’espèce, l’acte manqué se présente sous la forme d’une belle argumentation autocontradictrice et c’est cela qui est intéressant.
Votre com 38, physdémon, a en effet ceci de particulier qu’il est autocontradicteur (vous vous contredisez sans vous en rendre compte).
Bon, je vais vous dire pourquoi: en fait, à l’intérieur de la catégorie « règle constitutive » vous instaurez une distinction fond/forme.
Il y a ainsi une règle constitutive du mariage qui est pour vous une règle de fond: la différence sexuelle. Vous appelez ces conditions de fond « élément structurant ».
L’usage de cette expression en ce sens est attesté dans les phrases, je vous cite:
« En revanche, quand on institue la possibilité du « mariage » entre personnes de même sexe, on fait que la différence sexuelle n’est plus un élément structurant du mariage. La substance même du mariage s’en trouve affectée. On a dès lors affaire à une autre institution que ce que jusqu’alors on appelait mariage. »
A côté de cela, il y a des règles constitutives qui sont de pure forme. Parmi celle-ci vous rangez l’interdiction du mariage interracial dont vous dites, je vous cite:
« C’est ainsi que quand on passe d’une société où le mariage entre personnes de races différentes est interdit à une société où il est autorisé, on ne change rien à la substance du mariage : parce que le fait d’avoir telle ou telle caractéristique raciale n’a jamais été un élément essentiel du mariage. »
D’où il ressort que la règle constitutive de pure forme se définit ainsi, sans cet exemple:
« Cela a été simplement une condition requise par le législateur à un certain moment de l’histoire d’un pays pour séparer les personnes de races différentes. »
Ou en résumé: la règle constitutive de pure forme est une condition requise par le législateur en fonction d’un besoin social non essentiel au mariage lui-même.
Cela vous convient-il?
Vous vous êtes pris les pieds dans le tapis parce que vous n’avez pas su tirer les conséquence de cette distinction, qui n’est que sous jacente dans votre texte.
Dès lors, vous commettez des erreurs de logique basiques:
Verbatim: » Cet exemple [celui du Victory] montre en effet que la substance du bateau demeure la même alors même que sa matière change: celaveut dire que pour le type de substance qu’est un bateau, c’est la forme, non la matière qui constitue son essence, qui le détermine comme ce qu’il est. »
Grave erreur, dans un navire la matière dont il est fait compte énormément: par expérience mentale, transmutez le bois de sa coque en plomb et dites moi si le navire flotte encore. Ou en papier. Plus rigolo encore: en mercure. Dangereux: en uranium.
Alors? Ca marche ou pas?
Votre proposition est donc fausse: la matière, autant que la forme compte, car un navire qui coule n’est plus un navire, mais une épave (changement de substance pour le coup).
Cette équipollence apparente des règles constitutives vous fait parvenir à des conclusions qui, si on ne distingue pas le fond de la forme, sont autocontradictrices.
Ainsi, la métaphore du Victory vous fait parvenir à la conclusion que:
« L’identité du bateau ne réside donc pas dans sa matière ni dans ses éléments constitutifs mais dans la forme constitué par un certain assemblage de ses éléments. »
Ou, en résumé: l’identité réside dans la forme. Si on modifie la forme, on change l’identité.
Mais, dans le même temps, votre analyse du mariage homo par métaphore avec le navire et le mariage interracial vous fait parvenir à:
« la suppression des interdits racistes concernant le mariage, revient à autoriser le remplacement de pièces de telle couleur par des pièces de telle autre couleur sans modifier la structure du bateau.
Une modification de la forme (ie: la suppression d’un interdit racial) ne modifie pas la structure du bateau (sous entendu l’essence du mariage, sa règle constitutive).
Belle autocontradiction, non?
En revanche, si on distingue la règle constitutive de fond et de forme, là, on retombe sur nos pieds.
Mais… problème.
Cela renvoie à l’arbitraire, car, la mauvaise nouvelle est là: la distinction fond/forme est arbitraire.
12 novembre 2012 at 20:56
à Tschok,
je maintiens que dans le cadre de l’interdiction des mariages interraciaux, la discrimination raciale n’est pas une règle constitutive du mariage en tant que mariage. En effet, l’objet de cet interdit n’est pas de définir le mariage mais de séparer les « communautés » raciales.
Aussi, rendre accessible le mariage à des personnes de race différentes ne requiert pas de redéfinir l’institution matrimoniale mais de supprimer la ségrégation raciale.
En revanche, il est faux de dire que la finalité du mariage tel que nous le connaissons est de pratiquer une ségrégation des homosexuels. Ce serait tout au plus une conséquence indirecte de l’institution si c’était le cas, mais certainement pas sa fin ni son objet.
Pour revenir à l’exemple de l’identité du bateau, je vous félicite de retrouver des distinctions fines élaborées par Thomas d’Aquin dans son opuscule « De ente et essentia » que je trouve plus clair que le livre Zêta de la « Métaphysique » d’Aristote sur ce point. Il est vrai que la materia signata n’est pas indifférente à l’identité de la substance hylémorphique puisque comme vous le dites si bien un bateau en plomb aurait quelque peine à flotter à la différence d’un bateau en chêne.
Cela dit, pour rester dans une analyse aritotélico-thomasienne, je vous ferai observer que la différence entre les diverses materiae signatae est une différence formelle et non pas matérielle. Donc mon analyse reste valide sous réserve des rectifications que vous ne manquerez pas de faire au vu de ce que je viens de mentionner.
Pas le temps d’en dire plus ce soir : je me dois d’abord à mes élèves.
Enfin, je vous rappelle que ce n’est pas moi qui ai fait le billet mais Philarête. Si donc vous cherchez à discuter le sujet, adressez vous à lui directement.
12 novembre 2012 at 23:56
@ Physdémon,
Vous avez raison, vous n’avez pas écrit ce billet. Vous avez un alibi: vous étiez en vacances.
Mais vous l’avez commenté. Et approuvé. Com 30, 18h59, le 8 novembre 2012:
« A Philarête,
Excellent billet !
Juste un truc : il me semble que tu as oublié le mot « contre » au point (1), deuxième alinéa :
« On peut parfaitement être convaincu du bien-fondé de la lutte CONTRE la discrimination envers les homosexuels, et trouver abusif, voire contradictoire, le projet d’une « ouverture » du mariage aux couples de même sexe. » »
Une petite correction de forme, justement.
Enfin dans votre esprit. Juste pour que ça colle et qu’un rond puisse enfin rentrer un carré.
Bon, mais tout ça, c’est des arrangements avec la pensée.
En fin de compte, pour ce qui vous concerne, pour ce que vous avez dit, je suis navré mais, vous n’avez qu’une chose à dire: je distingue la règle constitutive de fond et de forme.
C’est ça le coup que vous jouez à ce jeu d’échecs très particulier qui consiste à échanger des idées.
Ok ou pas?
Je trahis votre pensée?
Ou bien c’est vous qui travestissez la vôtre?
Répondez maintenant. Oui. Non.
C’est simple. A la base, il suffit d’assumer ce que vous avez dit.
Je ne veux pas vous prendre en traitre, mais simplement savoir, honnêtement, quel est le coup que vous jouez.
Si vous n’êtes pas dac, on rejoue le coup (le demi coup pour être précis).
(attention: pièce touchée, pièce jouée)
13 novembre 2012 at 00:26
@ Lisa, com 63,
Bonjour.
Vous dites des choses fort intelligentes, mais vous devez aussi intégrer l’idée que vous donniez de la confiture à des cochons.
En fait,il est possible qu’à la longue vous le pensiez.
Je sais pas trop quoi dire sauf une chose, dont je suis certain: à part moi, vous êtes la seule femme, ici.
13 novembre 2012 at 00:36
@ Physdémon,
Je me suis laissé dire que vous êtes marié à une femme noire.
C’est une question dont la réponse vous appartient, entièrement, mais sans chichi.
Si je suis con, n’hésitez pas à ma le dire, je supporte.
13 novembre 2012 at 00:54
Bon, et en attendant, si on faisait la tournée des popotes, c’est à dire des commentaires remarquables.
Il y en a quelques uns.
Vivien.
Non, pas oim (c’est un porteur de cordon ombilical, on s’en fout)
NP
Bashô
artiste (com 23)
Et thaumaz.
Ah oui, j’oubliai: Lisa. Vous êtes à peu près la seule fille, réellement une espèce en voie de disparition sur les blogs euh… merde keskil faut que je dise? Cathos de droite ou philos?
Enfin bref.
Ici, c’est une bande de mecs et on parle maquillage. Faut pas se laisser démonter. Nous, on vous démonte une bagnole volée et on vous la transforme en camion avec une plaque de carte bleue perdue et on vous l’adresse dans un container non immatriculé sur un cargo grec où vous voulez dans le monde.
En 48 h.
On fait de la philo, quoi.
13 novembre 2012 at 09:05
@ tschok
Je ne comprends pas votre discours sur le fond et la forme. Une règle constitutive peut être une règle de forme ou une règle de fond, ou une combinaison des deux, selon le cas d’espèce. Par ailleurs « fond » et « matérialité » ne sont pas synonymes.
Il se trouve que j’apprécie beaucoup des commentateurs que vous avez cités. Comme quoi il m’arrive de trouver de l’intérêt à ceux qui ne pensent pas comme moi.
13 novembre 2012 at 12:57
Bonjour,
Post 23, je suis intervenue à ma façon, je suis une femme… Mais personne n’ayant réagi je continue à lire vos échanges philosophiques avec, de plus en plus, une seule question : combien de personnes homosexuelles connaissez-vous, combien d’amis homosexuels avez-vous ? que savez-vous des causes de l’homosexualité (que même les scientifiques ne peuvent aujourd’hui expliquer, d’autant qu’il y a certainement de multiples causes…et que celles-ci ont généralement peu à voir avec la morale…) ? Personnellement, ce qui m’intéresse c’est l’Evangile, c’est : »Que dirait ou ferait aujourd’hui Jésus-Christ ? » Je pense qu’il ne philosopherait pas sur les règles ni ne manifesterait dans la rue, mais serait à table dans une « famille » de personnes de même sexe pour les écouter, les aimer, et les faire avancer à partir de la réalité de leur vie et de leur souffrance… Peut-être que si les chrétiens avaient été plus fraternels et moins moralisateurs, les choses auraient évolué autrement que vers des revendications de « mariage »….
Cordialement
Artiste
13 novembre 2012 at 15:58
Bashô, pou réagir à votre commentaire à propos de la réaction de l’épiscopat burundais suite à la pénalisation de l’homosexualité dans ce pays, ne sachant pas grand-chose de ce cas particulier je n’en dirais rien. par contre, je vous fais remarquer qu’allant à l’encontre de toute l’opinion publique et politique zambienne, l’épiscopat catholique zambien a condamné la pénalisation de l’homosexualité dans ce pays au risque de s’aliéner ses propres fidèles. ils ont en l’espèce reçu le soutien du nonce apostolique. Voir en ce sens: http://www.mmegi.bw/index.php?sid=1&aid=1357&dir=2011/June/Friday3, http://www.lusakatimes.com/2011/04/19/vatican-ambassador-to-zambia-distances-the-catholic-church-from-the-attacks-on-government-by-some-priests/, http://allafrica.com/stories/201105250693.html,
13 novembre 2012 at 17:06
@ artiste
Plusieurs personnes de ma famille. Ils vivaient discrètement leur condition, que nous connaissions, ils n’ont jamais été ostracisés. Un de mes cousins, le fils de la soeur de ma mère, avec qui j’ai souvent passé des vacances, est mort du SIDA. Un autre, récemment décédé d’une maladie sans rapport, était aussi un chrétien convaincu, avait un compagnon de longue date qui a participé à ses obsèques à l’église. Il fréquentait une communauté religieuse qui accompagnait les homosexuels.
Le Christ n’aurait certainement eu aucune réticence à fréquenter des homosexuels, et qu’en sait-on, il l’a sans doute fait, et à leur témoigner de l’amour que leur porte Dieu.
Le Christ ne s’est pas intéressé à la rédaction d’un code civil. Il n’a pas non plus écrit de code de la route, ni disserté sur la fiscalité. Il a laissé cela à notre responsabilité, mais je n’en déduirais pas qu’il est inutile de philosopher sur les règles.
Les chrétiens ne sont pas parfaits, ils ont toujours du mal à prendre le recul requis par rapport aux conventions sociales de leur époque. Dont acte.
13 novembre 2012 at 21:40
à artiste
Moi aussi j’ai des homosexuels dans mon entourage proche. Je ne tiens pas à en dire plus parce que je ne voudrais pas faire de « l’outing » involontairement.
Concernant ce que ferait aujourd’hui Jésus-Christ, c’est évidemment la question que chaque chrétien doit avoir constamment à l’esprit…
Mais je crois qu’il ne faut pas oublier non plus que Jésus vivait sous la Loi de Moïse qu’il n’a jamais remise en cause. « Je ne suis pas venu abolir la Loi mais l’accomplir ». Par conséquent, il ne faudrait pas déduire de ce que Jésus se soit adressé de manière privilégiée à des pécheurs (publicains, usuriers, prostituées, femmes adultères etc.) qu’il ait pensé un seul instant à retracer la frontière entre le bien et le mal. Or, c’est ce que la morale de notre temps exige constamment.
13 novembre 2012 at 21:58
à Tschok,
Je ne suis pas sûr de très bien vous comprendre…
A la réflexion, il me semble que ce qui a brouillé les pistes c’est que nous n’avons peut-être pas employé de la même façon la comparaison avec le cas du Victory (variante du « bateau de Thésée », soit dit en passant).
Mais c’est vous qui avez introduit ce paradigme.
D’autre part, moi j’ai seulement cherché à défendre la thèse 4 de Philarête. Donc si ma réponse à votre objection ne vous satisfait pas, voyez le maître des lieux.
Maintenant, le fait que vous pensiez que le mariage a changé de nature quand on a supprimé la discrimination raciale et pas moi ne change pas grand chose au fond de l’affaire : ce que Philarête a démontré à mon avis de manière satisfaisante est que supprimer la condition de la différence des sexes reviendrait à remplacer l’institution que nous connaissons aujourd’hui par une autre.
On ne ferait donc pas que lever un interdit : on modifierait la nature même du lien conjugal, y compris chez les hétérosexuels. C’est ce qu’a bien montré le grand rabbin Gilles Bernheim par d’autres arguments.
Un dernier mot : soit ma femme me cache quelque chose, soit vous me prenez pour un autre…
14 novembre 2012 at 12:04
à tschok
Je crois comprendre ce que vous vouliez dire (mais pas sûr): en gros, ceci : la différence entre mariage classique et « mariage pour tous » ne serait pas plus « substantielle » que celle entre « mariage interdit aux personnes de races différentes » et « mariage ouvert à toutes les races » parce que la notion de « substance » est confuse.
Bon, cela pourrait nous entraîner très loin de disserter sur les notions de substance, essence etc, appliquées qui plus est à la notion d’institution.
Pour nous simplifier la tâche je propose la comparaison suivante. Soit une compétition de tennis ouverte à tous: le tournoi de double mixte de Prétoria.
Supposons que ce tournoi ait existé avant l’apartheid et se soit pousuivi après son abolition. Le fait que des noirs et des blancs se soient mis à participé au tournoi n’aura rien achangé aux règles du jeu ni à la pratique du tournoi.
Maintenant, supposez que l’on décide un beau jour d’admettre dans la compétition des coubles d’hommes et des couples de dames, on n’aura plus affaire à une compétition de « double mixte » ni non plus à une compétition de double masculin ni une compétition de double féminin. On aura affaire à une compétition d’un type inédit où l’on fera participer des couples de différents type: couples d’hommes, couples de dames et couples de dames réunis dans un même tableau.
Je ne discute pas pour savoir si ce serait une bonne chose.
Je ne discute même pas pour savoir si ce serait encore le même type de jeu.
Je note seulement ceci : il résulterait de tout cela que l’on aurait aboli la compétition de double mixte pour la remplacer par un autre type de compétition. Alors qu’au moment de l’abolition de l’apartheid on avait admis dans la compétition des personnes qui en étaient exclues sans que cela change le type de compétition dont il était question.
L’important me semble-t-il est de comprendre qu’il y a différents types de similitudes et différents types de différences. Et la différence entre le double mixte pendant l’apartheid et après l’apartheid est différente de la différence entre le mariage avant le prétendu « mariage pour tous » et le mariage après…
D’où le caractère quelque peu sophistique d’une comparaison entre abolition de la ségrégation raciale et impossibilité d’un mariage homosexuel.
14 novembre 2012 at 13:34
Arrghllll !!!!
« Le fait que des noirs et des blancs se soient mis à participER au tournoi n’aura rien changé aux règles du jeu ni à la pratique du tournoi. »
14 novembre 2012 at 14:05
@Novice #58
Merci de votre commentaire mais je ne pense pas que votre comparaison soit pertinente : le régime censitaire imposait un seuil de revenu pour pouvoir voter. Il suffisait (si on peut dire ) à un pauvre de gagner suffisamment d’argent pour qu’il puisse voter. Ou encore on peut dire que notre régime actuel est un régime censitaire avec le seuil d’imposition quasi-réduit à zéro. :-) La nature de la citoyenneté n’est pas fondamentalement altérée selon la prise en compte ou non du cens.
Par contre, le droit de vote des femmes ouvre la citoyenneté aux femmes et donc change à mon avis en profondeur la notion de citoyenneté. On peut lire la comparaison instructive de Physdémon avec le tournoi de tennis en #76.
@Aristot
#73
Je crois que les chrétiens n’ont pas seulement été « conformistes », ce sont eux qui ont introduit en Occident la façon de traiter les homosexuels et qui encouragèrent le traitement très dur de la société envers les « sodomites ». Par exemple, c’est l’empereur Théodose qui a introduit dans le code pénal le bûcher pour les homosexuels. Bien plus, l’Eglise s’est passionné dans la rédaction du règlement concernant la sexualité. Donc la responsabilité des chrétiens est à mon humble avis bien plus lourde vous ne le pensez. Mais ceci est mineur. Plus grave à mes yeux est l’amnésie chez beaucoup de chrétiens de maintenant.
#60
Vous évoquez le scandale de la pédophilie aux USA et l’enquête de John Jay College. Mais les conclusions de cette enquête sont plus subtiles. Par exemple si ma mémoire est bonne, le taux des actes commis sur les mineurs par des prêtres a commencé à augmenter avant « l’entrée en masse » des homosexuels dans les séminaires. En effet, ça a augmenté dans les années 70, avant d’atteindre un pic dans les années 70 et baissé à partir des années 80 (date où les conservateurs situent « l’invasion » des homosexuels). Par ailleurs, près de 70% des abuseurs avaient été ordonnés avant 1970, ce qui implique qu’ils étaient entrés dans les séminaires avant 68 et Vatican II. C’était donc des gens qui avaient une culture ecclésiale très classique guère « libéraux ». :-) Pour en savoir plus : http://en.wikipedia.org/wiki/John_Jay_Report
@Physdémon
Désolé, je n’ai pas encore trouvé l’article de V. Descombes mais si on s’en tient à l’analogie avec les règles de jeu, (par exemple le tournoi de tennis en #76), on peut dire que le droit de vote des femmes a modifié au moins une règle constitutive de la féminité (ent que « jeu social ») en Occident. Et de fait, après cela, les relations femmes-hommes n’ont plus été le même. Ceci montre donc au moins que changer une règle constitutive d’une institution (ici le « genre ») a déjà été fait et je ne pense pas me tromper en disant que bien peu regrettent l’époque antérieure de cette rupture.
Donc je peux déjà tirer une conclusion provisoire de cette note et de cette discussion.
Vous (Philarête, Physdémon etc) avez raison : l’ouverture du mariage aux couples de même sexe va changer la nature même du mariage. Mais ceci seul ne signifie pas en soi qu’il ne faut pas le faire. Et ceci n’implique pas non plus qu’il faut le faire. On peut juste en déduire que le prix est élevé. Est-ce que ça en vaut la peine ?
La réponse n’est pas évidente mais je crois utile d’apporter deux remarques.
Primo, les couples homosexuels ont déjà commencé à être « socialement » reconnus. J’en ai déjà parlé dans mes premiers commentaires, je n’y reviendrai pas dessus. Je veux juste souligner que c’est déjà une réalité sociale en ce sens (pardon pour la répétition du terme « social ») que le couple homosexuel constitue de plus en plus une seule entité sociale comme le couple hétérosexuel qui vit en concubinage. Ce fait soulève déjà des questions auxquelles il faudra bien répondre. Je ne dis pas que le mariage n’est pas la bonne réponse, juste que c’est une réponse porposée à de vraies questions.
Secundo, Physdémon dans #75 dit que le lien conjugal changera de nature mais n’est-ce pas déjà le cas ? Par exemple, la légalisation du divorce a modifié en profondeur la notion de mariage. Je disais dans mon premier commentaire que la société est très conservatrice en ce sens que le législateur ne peut légiférer que sur des réalités sociales. La discussion autour du mariage gay aurait été proprement impossible au XIIIe siècle et un Roi qui l’aurait évoqué aurait été pris pour un fou ou un possédé. Le lien conjugal a déjà connu des évolutions considérables en deux siècles…
14 novembre 2012 at 15:05
@ Physdémon,
Alors je vais essayer d’être plus clair.
Dans vos différents coms, on pressent que vous établissez une distinction entre deux niveaux de règles constitutives: celles qui ont trait à la substance d’une chose quelconque (incluant les choses immatérielles comme les institutions sociales, les jeux) et que vous appelez « élément structurant ».
Dans cette catégorie, et à propos du mariage, vous rangez la différence sexuelle des époux, qui est pour vous un fondamental qui ne peut être modifié sans changer la nature du mariage lui-même.
C’est le principe même de la règle constitutive qui est en fait une variété particulière d’immanence.
Philarête, d’ailleurs, l’envisage sous cet angle, en conduisant un raisonnement qui veut prendre ses distances avec les positions anti mariage homo de type transcendantale classique (par exemple: le mariage homo est contre nature, ou contraire à un commandement divin).
A côté de cela, vous suggérez l’existence de règles qui sont constitutives en ce sens qu’elles comportent un effet de structuration, mais ne portent que sur la forme ou les modalités d’une chose (incluant l’immatériel comme supra). Vous appelez cela « une condition requise par le législateur à un certain moment de l’histoire d’un pays », ce qui en soi ne veut pas dire grand chose, mais dans le contexte de votre pensée, on comprend en tout cas que ce n’est justement pas lié à la substance même de la chose et que cela concerne en fait la forme ou les modalités.
Dès lors, ces règles constitutives de formes peuvent être modifiées sans affecter la nature de ce à quoi elles s’appliquent.
Dans cette catégorie, vous rangez par exemple l’interdiction des mariages interraciaux: le fait d’interdire ou, au contraire, de permettre à deux personnes de races différentes de se marier ne change rien à la nature du mariage. C’est juste une modalité.
On pourrait élargir au droit de vote.
Une des règles constitutives de fond de la démocratie est « un homme, une voix ». Comment expliquer alors, d’une part le suffrage censitaire et d’autre part, l’exclusion historique du droit de vote des femmes?
Le suffrage censitaire et l’exclusion des femmes du droit de vote ne sont-ils pas deux principes qui porte atteinte à la règle constitutive fondamentale?
Si on ne distingue pas la règle constitutive de fond de celle de forme, on est assez logiquement conduit à reconnaitre que ces deux limitations du droit de vote sont attentatoires à la règle constitutive, car on ne comprend pas pourquoi les femmes et les pauvres sont exclus du droit de vote.
En revanche, si on distingue les deux, on peut faire le raisonnement suivant: la règle constitutive de fond (un homme, une voix) peut être légitimement aménagée par une règle constitutive de forme pour en fixer le régime pratique, pour différentes raisons, par exemple qu’il serait irresponsable de confier le droit de vote à des gens qui ne payent pas le cens (l’impôt), et qui n’ont donc pas d’intérêt matériel dans la vie de la cité, ou pour ce qui concerne les femmes, qu’il convient de ne pas confier l’exercice du droit de vote à des êtres qui sont considérés comme juridiquement mineurs, car ils pourraient, comme des enfants, en faire n’importe quoi.
En somme, on considèrerait que confier le droit de vote aux pauvres et aux femmes dénaturerait la démocratie elle-même, qui est une chose trop sérieuse pour être confiée à n’importe qui.
Les règles constitutives de forme excluant les pauvres et les femmes seraient donc, dans cette perspective, tout à fait conformes à la règle constitutive de fond car elle permettraient à la démocratie de fonctionner normalement. Or, la règle constitutive de fond « un homme, une voix » est une expression du fonctionnement normal de la démocratie.
Cela dit, si les conditions historiques évoluent, alors le législateur peut en tirer les conséquences et, finalement, admettre les pauvres, puis les femmes, dans l’exercice du droit de vote.
D’où il ressort que ces deux limitations sont bien de pure forme: on peut les modifier sans dénaturer la chose (la démocratie, en l’espèce) à laquelle elles s’appliquent.
Nous constatons donc que ces deux approches différentes, l’une sans distinction fond/forme, l’autre avec, nous font parvenir à deux conclusions contraires.
C’est une discussion que vous avez eue avec Bashô, si j’ai bien suivi.
Le seul problème est que cette distinction contient, comme dit Philarête au point 4, « une part d’arbitraire ».
Verbatim: « Il se trouve que le concept de mariage est intrinsèquement lié à celui de la différence des sexes. C’est un cas de « règle constitutive ». Il entre une part d’arbitraire dans cette règle : exactement comme il entre une part d’arbitraire dans la règle qui définit le but au football ».
C’est sur l’arbitraire que j’aurais aimé avoir votre avis. Voilà le mien.
Dans son point 4, Philarête survole le problème et, en définitive l’évacue.
On a l’impression que, pour lui, l’arbitraire est une sorte de fatalité à laquelle l’homme ne peut échapper. Il s’en tire par une pirouette: en substance, il soutient qu’il y a quelque chose qui n’est pas arbitraire parce que « je le décide ». C’est ainsi qu’il affirme:
« Mais ce qui n’est pas arbitraire, c’est de dire que la différence des sexes appartient à notre concept de mariage : nous ne sommes pas souverains à l’égard du sens des mots, leur histoire nous oblige. Elle ne nous interdit pas d’en inventer de nouveaux pour désigner des réalités nouvelles. »
Il a pris une « décision »: la différence des sexe appartient à notre concept du mariage ».
Notez l’emploi fédérateur du « notre » qui nous inclut tous dans sa décision.
En fait, il ne sort pas de l’arbitraire parce qu’on pourrait lui répondre que ce qu’il affirme relève d’une décision personnelle non unanime, donc que cette affirmation est factuellement fausse: non, Philarête, ce concept du mariage n’est précisément pas « le nôtre » puisque tout le monde n’est pas d’accord là-dessus, vu qu’il y a justement un projet de réforme qui est en cours pile poil sur ce point là.
En fait, il devrait dire « ma conception du mariage » et choisir un autre mot que le mot « arbitraire », parce que ce dont il parle n’est pas l’arbitraire, mais plutôt la volonté: c’est par un acte de volonté qu’il décide que la différence sexuelle est intrinsèque à son concept du mariage, de la même façon que c’est par un acte de volonté que je décide, pour ma part, du contraire.
Au total, son article n’est pas une démonstration, mais ce qu’on appelle un « manifeste »: il énonce ses choix et les raisons de ses choix dans leur rationalité.
A cela on pourrait objecter qu’il y a le sens des mots et leur histoire, qui nous obligent, car nous ne sommes pas souverains à l’égard du sens des mots et qu’il n’existe pas de langage privé.
C’est une discussion que vous avez eue ici-même avec Thaumaz.
Très bien, mais dans ce cas, comment expliquer que l’édition 2011 du Petit Robert définissent désormais le mariage comme « l’union légitime de deux personnes dans les conditions prévues par la loi ».
Cette définition se trouve dans l’édition 2012:
Union légitime de deux personnes dans les conditions prévues par la loi. Contracter mariage, un mariage. ➙ alliance, fam. conjungo, vx 1. hymen, 1. union; couple. Mariage civil, contracté devant l’autorité civile, seul valable juridiquement en France. Mariage religieux. Liens du mariage. ➙ conjugal, matrimonial. Mariage célébré par le maire, le consul. Acte de mariage. Contrat de mariage, qui règle le régime des biens des époux. Région. (Belgique) Livret, carnet de mariage : livret de famille. Obligations issues du mariage. Enfants nés d’un premier, d’un second mariage. ➙ lit. Mariage putatif*. Dissolution du mariage par divorce ou par décès de l’un des conjoints. Étude statistique des mariages (➙ nuptialité). Mariage morganatique. Mariage blanc. Consommation* du mariage. Un mariage heureux, un bon mariage. « Le mariage doit incessamment combattre un monstre qui dévore tout : l’habitude » (Balzac).
▫ Mariage de la main gauche*.
▫ Formes historiques, culturelles du mariage. ➙ polyandrie, polygamie; lévirat. Mariage endogamique, exogamique. Mariage entre homosexuels.
Petit détail amusant: le fait que le Robert ait modifié sa définition du mariage était signalé sur les fiches wikipédia consacré au mariage et au mariage homo.
D’après ce que j’ai vu ce signalement a été supprimé et ne figure plus qu’en note de bas de page: visiblement il dérange.
Toujours-est-il que le Petit Robert n’a manifestement pas les mêmes conceptions de la linguistique que Philarête et vous.
Comme le dit un célèbre linguiste, le juge de paix de la langue, c’est l’usage. Et l’usage, c’est ce que nous faisons tous des mots que nous employons.
Il n’y a pas autant d’immanence dans le sens des mots que nous en mettons souvent, à tort.
Au final, je parviens à la conclusion que la distinction fond/forme comme le simple fait de dire qu’il existe des règles constitutives aux choses n’a d’autre valeur que ce que nous décidons d’y mettre, par acte de volonté.
14 novembre 2012 at 15:39
@ Aristote, com 71,
Ben j’ai plutôt l’impression que vous avez compris l’essentiel au contraire.
PS pour Physdémon: au temps pour moi!
14 novembre 2012 at 16:03
@ Bashô
J’ai la même lecture du rapport John Jay que vous ! Si vous lisez bien mon commentaire, je situe « après la guerre (de 39-45, pour moi c’était clair) » et non dans les années 80 la baisse de la vigilance de l’Église sur la solidité des vocations et cette baisse de vigilance concerne tout autant les vocations d’hétérosexuels que celles d’homosexuels. Je ne pense pas qu’à cette époque les homosexuels aient « envahi » l’Église. Et je suis convaincu que bien des vocations d’homosexuels plus ou moins conscients de l’être étaient par ailleurs sincères et résistèrent à la tempête de 68.
La différence que je fais est la suivante : quand vint la tempête de 68 qui éprouva la solidité des vocations, il était à cette époque beaucoup plus facile aux prêtres hétérosexuels dont la vocation vacillait de quitter l’Église pour se marier qu’aux prêtres homosexuels dont la vocation vacillait aussi de partir en révélant leur homosexualité.
Interprétation cohérente avec l’observation que la grande majorité des abuseurs ont été ordonnés avant 1970 et avait donc une culture des plus classiques pour ne pas dire conservatrice.
Sur Théodose, je vous suis aussi. Je suis très mal à l’aise avec l’instrumentalisation du bras séculier par l’Église. Et cela n’a rien à voir avec droite vs. gauche. La tentation marxiste d’une partie du clergé en France dans les années 50 peut aussi se comprendre comme un recours au politique pour imposer sa vision des valeurs chrétiennes !
14 novembre 2012 at 16:13
@ tschok
« Petit détail amusant: le fait que le Robert ait modifié sa définition du mariage était signalé sur les fiches wikipédia consacré au mariage et au mariage homo. »
Ben oui, c’est notre thèse, « le mariage pour tous » change la définition du mariage.
14 novembre 2012 at 17:11
@ Bashô, com 78,
Je reprends ce que vous répondez à Novice (com 58) sur les deux sujets du suffrage censitaire et du vote des femmes.
Pour vous, le suffrage censitaire n’est pas une altération de la citoyenneté parce qu’il suffit, dites-vous, qu’un pauvre gagne plus d’argent pour avoir le droit de voter.
En somme, un pauvre n’est pas interdit de vote, il lui suffit simplement d’être riche.
Appliquer au mariage homo, cela rappelle un autre argument: les homosexuels peuvent se marier, mais avec une personne de sexe différent. Attention, je n’affirme pas que vous reprenez cet argument à votre compte, mais simplement que dans leur structure ces deux arguments sont identiques.
Sur le vote des femmes, au contraire, vous parvenez à une conclusion différente: l’accès des femmes au droit de vote a changé la nature de la citoyenneté, alors que vous avez pensé le contraire pour les pauvres.
L’accès des pauvres au droit ne vote ne change pas, pour vous, la notion de citoyenneté, alors que pour les femmes, si. On se demande bien pourquoi.
Et les femmes pauvres, on les met où? serais-je tenté de vous demander, avec moins de sérieux qu’il en faudrait.
Il se trouve que la question sociale, qui a hanté le XIXième siècle occidental, a d’abord traité le problème de la pauvreté, et ce n’est qu’après que la question de l’égalité sexuelle a été traitée.
En France, bien après. Petit détail qui explique bien des choses: en France le suffrage censitaire est plutôt associé à la monarchie constitutionnelle, bien que la république révolutionnaire n’ait pas été hostile au principe, au contraire.
Plutôt que de reprendre des métaphores de jeu de tennis qui, dans le fond n’expliquent pas grand chose, ne peut on pas dire qu’il faut surtout considérer la réalité, comme le disait Thaumaz au com 32?
Bien qu’il ait semble-t-il partiellement renoncé à cet argument en com 40 (il y a un problème d’articulation de ce qu’il pose comme un principe de volonté avec une réalité « constituable » dont je n’ai pas bien saisi les contours, mais bref).
Ou plutôt qu’il l’ait affiné en ce sens qu’il parle de la réalité des faits, par opposition à une réalité intellectuellement construite et n’existant à nos yeux que par l’intermédiaire de concepts.
(Enfin, c’est ce que je comprends à peu près)
J’aimerais être utile à votre réflexion que je trouve intéressante en vous disant comment j’ai perçu le texte de Philarête.
Un débat sur une question sociétale comme le mariage homo véhicule immanquablement des stéréotypes auxquels un philosophe comme Philarête ne peut que vouloir échapper.
Un des stéréotypes possible dans ce genre de débat réside dans l’opposition irréductible entre d’une part des réformistes progressistes qui, à un moment ou un autre vont affirmer que la réforme est nécessaire pour s’adapter aux réalités nouvelles du temps présent, et d’autre part des conservateurs.
Les réformateurs sont dans le « il faut ». La nécessité du changement résulte d’une analyse pragmatique de la réalité, qui nous fait prendre conscience de nécessité spinozienne de l’adaptation pour persévérer en nous-mêmes, c’est à dire survivre. C’est l’enfer de la survie. Si on le fait pas, on meurt, comme nous l’a dit le vieux père Darwin.
Les conservateurs, pour leur part, vont à un moment où un autre invoquer des principes déontologistes kantiens de type transcendantal: une règle supérieure nous oblige à refuser la réforme. C’est l’enfer du devoir. Si on cède, on se perd. Une autre forme de fin du monde, de mort.
Ils sont donc dans le « on doit » ou le « on ne doit pas ».
Philarête veut se dégager de la double mâchoire de cet étau et choisit une troisième voie: pour lui, ce n’est ni « il faut » ou « on doit » ou « on ne doit pas », mais « on ne peut pas ».
Réformer, c’est bien, mais encore faut-il que cela soit possible. Or, nous dit-il, ce n’est pas possible. Et il met sur pieds un raisonnement assez sophistiqué à base de « règles constitutives » pour soutenir cette thèse, car il a une approche téléologique.
La règle constitutive est une règle qu’on ne peut modifier sans modifier l’essence, la substance, la nature même de ce à quoi elle s’applique. Elle est intrinsèque et immanente: elle émane de la chose même à laquelle elle s’applique.
Elle est apodictique en ce sens qu’elle est absolument tenue pour nécessaire et vraie, mais encore indépassable. Elle est « englobante », comme le temps, le néant, l’infini, zéro, Dieu, le langage, etc (le temps ne peut être définit autrement que par lui-même). La fameuse surface de l’oeuf d’André Breton.
Au cours de ce raisonnement, il en vient à prêter, par analogie, les mêmes propriétés qu’un dogme à une règle constitutive, parachevant ainsi le caractère autobloquant de son système: il n’y a pas de changement possible du mariage sans changement de son code source. Changer le code source revient à changer le logiciel lui-même. Donc, on ne parle plus du même mariage.
Seul un super utilisateur peut le faire et Hollande n’est pas marié. Il n’est pas le super utilisateur légitime.
La messe est dite.
A la fin, on n’a que des impressions et une certitude: la certitude est qu’il ressent beaucoup plus que de la méfiance pour le mariage homo, car rien dans ce qu’il a dit ne permet de le positiver. Tout ce qu’il en dit est négatif. L’impression est qu’il serait favorable à une sorte de super PACS qui serait spécifiquement un mariage homo permettant de préserver l’immunité du vrai mariage: le mariage hétéro, qu’il soit civil ou religieux.
J’ajouterais qu’il m’a semblé que Philarête a un projet qui dépasse ce seule billet et habite tout ce blog: élaborer les bases théoriques d’un « conservatisme modéré ».
Je ne veux bien évidemment pas trahir sa pensée et son projet, s’il tant est qu’il en ait un, peut être très différent ou évolutif.
Mais si je suis toujours actuel et pas à côté de la plaque, alors vous pouvez considérer son billet comme une pièce importante de l’ensemble.
Or, et là est tout le problème: son modèle de conservatisme modéré ne tolère pas le changement. Il n’est ni souple ni robuste. Il ne peut que casser, tel le chêne de la fable.
14 novembre 2012 at 17:26
@ Aristote,
Votre thèse: surtout son essence.
Pourtant le mot « mariage » subsiste.
Vous saisissez la nuance linguistique?
Plutôt que fond/forme, passons en mode signifiant/signifié.
14 novembre 2012 at 17:33
Hé, Tschoky, je vous surveille, hein!
Je vous lis, j’apprécie, et me délecte. La semaine est trop chargée pour moi pour intervenir, mais « j’en ai gros », comme dirait l’autre. Et donc j’ai hâte de reprendre le fil. Sur certains points j’arrive à vous suivre, y compris lorsque vous restituez mes intentions, ou plutôt la logique sous-jacente qui vous paraît les guider: rien d’aussi conscient pour moi, mais je m’y retrouve un peu (« conservatisme modéré » me va bien; changement impossible, non).
À bientôt donc, continuez à vous ébattre!
14 novembre 2012 at 17:41
@ tschok
La différence entre un super PACS et le mariage est simple : c’est l’enfant. Accorder le mariage de deux personnes homosexuelles oblige à ouvrir l’adoption, la PMA, etc. L’arsenal anti-discrimination autorise encore à refuser le mariage, et donc ce qui va avec. Si on accorde le mariage, le même arsenal obligera à donner l’adoption et la PMA, même si tactiquement la loi proposée ne le prévoit pas.
Je ne reprends pas ici la discussion sur le fond, mais l’enjeu me semble limpide.
Une société qui institue le fait qu’un enfant peut avoir deux pères ou deux mères, plutôt qu’un père et une mère, est une société qui s’engage dans une révolution, pas dans un simple ajustement de la panoplie des droits d’une minorité.
Bonne ou mauvaise, la révolution. Mais s’en est une. Et il est bien impossible de la réaliser sans changer le sens du mariage.
14 novembre 2012 at 17:54
@ tschok
J’ai rédigé 86 avant d’avoir connaissance de votre 84.
Vincent Descombes, a écrit un très beau chapitre sur la relation signifiant/signifié : « À l’enseigne du signifiant émancipé », chapitre V de son livre « Grammaire d’objets en tous genres ». Ma bibliothèque est malheureusement pour le moment stockée dans des cartons et je ne peux retrouver de citations précises. Mais le fait que le mot subsiste n’empêche pas que la carte (le mot, le langage) ne peut prétendre dicter sa réalité au territoire (l’essence, encore que VD n’utiliserait pas ce terme ainsi).
14 novembre 2012 at 17:55
à tschok,
Je relève qu’au fond votre critique de mon analyse tient à votre nominalisme.
Car vous mettez toutes les transformations des institutions sur le même plan en argaubnt qu’il n’y aurait pas de substance des institutions.
C’est strictement votre droit.
Pour vous répondre convenablement, il faudrait du même coup entrer dans une critique du nominalisme et , pour ce faire, recourir à la théorie wittgensteinienne de la signification qu’a employée Philarête dans son argumentation. (Critique de la notion de langage privé etc)
Bref, tout ça nous entraînerait très loin.
Autre chose,votre com. 83 me semble négliger un point. Le billet ne vise pas à justifier un refus du mariage gay. Il se content de démontrer que celui-ci a un coût : il altère en profondeur le mariage hétérosexuel (de même qu’admettre des couples unisexes dans un tournoi de double mixte signifie créer un tournoi d’un autre type qu’un tournoi de double mixte.) Si vous écartez cet argument, c’est parce que vos yeux tous les changements institutionnels sont de même sorte : de sorte qu’entre un changement d’institution et un changement institutionel, il n’y a pour vous qu’une différence de degré et non de nature.
Mais vous pourriez du moins essayer de « mesurer » le degré du changement proposé. Ne peut-on pas dire que le passage d’un mariage excluivement hétérosexuel à un mariage indifférent au sexe des personnes constitue un changement plus profond que le passage d’un mariage sous apartheid à un mariage soumis aux conditions de l’apartheid ?
Cela dit je maintiens que dans ce dernier cas l’apartheid n’est pas une règle constitutive du mariage mais une règle constitutive de l’apartheid… C’est pourquoi je ne raisonne pas sur la base de votre distinguo entre règle de fond ou règle de forme. Ayons toujours à l’esprit qu’une règle constitutive est règle constituant une institution bien déterminée. il n’y a pas de « règle constitutive » en soi, indépendamment de ce qu’elle constitue, sinon cette expression ne voudrait plus rien dire ! Bref, la règle de la ségrégation raciale affectait par accident le mariage mais elle n’en était pas une règle constitutive en tant que mariage.
Donc je ne suis pas du tout convaincu d’avoir commis plus haut une quelconque faute logique. Notre désaccord tient simplement à votre nominalisme.
14 novembre 2012 at 19:28
@ Physdémon,
Cékoi le nominalisme? Franchement, j’en sais rien (viiiite google).
Ce que je peux vous dire, en l’état, c’est que je n’aborde pas ce genre de problème par ce genre de prisme. Je ne suis pas un partisan de la substance des choses.
J’ai plutôt une approche « care »: s’il y a une règle transcendantale, c’est de prendre soin des nôtres (ce qui est déjà suffisamment emmerdant à tous points de vue). A partir de là, la société doit, selon moi, et autant que faire ce peut (soyons aussi réalistes) offrir à chacun de nous les moyens de son épanouissement personnel par une œuvre collective, qui ne dépend pas seulement de la somme de nos mérites, de nos intérêts, de nos talents individuels
S’il y a une doléance sociale qui s’exprime, pas dans le but de faire le mal mais de faire ce que tout le monde pense comme un bien (aimer autrui, éduquer des gosses, gérer un patrimoine), et que cette doléance sociale n’a qu’un seul défaut: émaner de gens qui sont simplement différents sur juste sur un point, leur orientation sexuelle, alors, je décide, par acte de volonté, que cette doléance sociale est recevable, car rien en moi ne fait obstacle à cela.
A ce stade, on est selon les sondages, 60% à le faire parmi tous les citoyens de ce pays, et aux alentours de 45% pour les cathos. On est juste sur la recevabilité: la doléance n’a pas été tranchée au fond.
Elle est simplement recevable, sérieuse, légitime. Elle paraît fondée en son principe, mais la décision finale n’a pas été prise.
Le débat sur le fond, il a lieu et donc les gens de ce pays en causent. Ils font leur boulot. On dit souvent des Français que ce sont des gens qui se perdent en discussions, mais l’air de rien ils sont aussi reconnus et admirés pour cela.
Il faut une loi. Alors, notre gouvernement a engagé la procédure pour qu’un projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée législative. Et nos députés voteront.
Il est possible que cette loi introduise des changements qui soient d’amplitude révolutionnaire par rapport à l’histoire des concepts.
C’est vrai, faut pas se mentir.
Et alors? Si c’est la nôtre, qu’est ce que ça change?
Si du début à la fin on prend soin des nôtres, si on prend soin de ne pas préjudicier à autrui, si on s’écoute les uns les autres et, qu’au passage on rejette ces doctrines de l’élimination de la parole contraire, bref, si on s’en tient à un minimum de discipline, vous croyez pas qu’on peut aboutir à un mieux?
Vous savez, le mariage homo, je sais pas plus que vous ce que c’est. J’ai pas plus de lumière que vous sur ce sujet ni de prévision à émettre par rapport à un jugement dernier sans cesse renvoyé sine die, et dont je me fous complètement.
Il me semble juste, d’après l’opinion que je peux me faire, que c’est un pas dans la bonne direction parce que ça permettra à des gens de vivre mieux sans que cela ruine les fondements de la civilisation à laquelle j’appartiens, qui me rendent libre de vous dire que notre force n’est pas dans notre habitude, mais dans notre capacité à changer nos habitudes.
On est effectivement capable d’adaptation et de changement.
Et je ne suis pas du tout un pessimiste et un adepte de la pente glissante.
Tout ce que je peux vous dire: oui, il est tout à fait possible que ce truc soit très dangereux. Bon, ok, mais on est bonne pomme. On l’a fait avant pour des trucs bien plus dangereux (le libéralisme économique, on a dit oui, yeux fermés) sans aucune promesse réaliste de bonheur.
On l’a dit pour la dissuasion nucléaire. Je sais pas si vous êtes au courant, mais le modèle impliqué par la dissuasion nucléaire, c’est « la victoire ou la mort ».
Bref on a dit oui à plein de trucs qui sont pas que des bonheurs.
Là on a affaire à des gens qui ont pensé leur bonheur et qui sont d’accord pour le subordonner à notre décision. C’est pas tout à fait la même chose. On pourrait faire gaffe, non?
D’autant plus que comme le rappelle Bashô, on n’a pas été particulièrement tendre avec les homos. On les a plutôt massacrés.
Ils sont bonne pomme eux aussi: loin de vouloir leur vengeance, ils réclament juste le droit de faire partie des nôtres.
Et vous leur dites merde. Poliment, mais merde quand même.
Ca ne me va pas.
14 novembre 2012 at 23:20
à Bâsho,
Tout le monde n’impute pas à l’influence du christianisme la répression qui s’est abattu sur les homosexuels à la fin de l’empire romain.
http://therealscandy.free.fr/humeur/history2.htm
Extrait :
« Ainsi, la Lex scatina de 226 punit d’une amende l’amour entre deux hommes libres. C’est près d’un siècle avant que la religion catholique ne devienne religion d’Etat. On ne peut donc pas lier homophobie et religion chrétienne. Comme le souligne Boswell, la morale judéo-chrétienne a fait sienne, pour l’essentiel, l’attitude envers la sexualité des autres codes moraux qui l’ont précédée. Le christianisme n’a donc rien inventé et a juste repris des règles qui existaient bien avant sa création. »
15 novembre 2012 at 00:25
@Physdémon #90
Ben non. :-) Il ne faut pas oublier, lorsqu’on discute de l’Antiquité qu’il s’agit d’une culture très différente de la nôtre. On peut dire que côté sexualité, les Anciens ont une approche inverse par rapport à nous en ce sens que dans le sexe (que ce soit hétérosexuel ou homosexuel), l’important n’est pas l’acte sexuel mais le statut juridique de ceux qui effectuent ces actes. Dans l' »invention de la littérature », Florence Dupont dit que le rapport au corps (le sien ou celui d’autrui) était avant tout juridique. Dans l’acte sexuel, il s’agit de POUVOIR. Qui peut pénétrer, prendre et donc en fait dominer qui ?
Ainsi dans l’acte de sodomie, un homme libre ne peut pénétrer qu’un esclave. Et il était proprement impensable qu’un esclave pénétre un homme libre. Un acte homosexuel entre deux hommes libres était vivement condamné et c’était bien ce que disait la Lex Scatina. Par contre, elle ne réprimait pas les actes que commettaient un maître sur ces esclaves. On peut faire l’analogie (avec ses limites) avec le pouvoir d’un maître de maison au XIXème siècle sur ses bonnes.
Donc le Christianisme n’a pas simplement repris les règles. Il les a modifié en profondeur en considérant les actes sexuels en soi et en refusant de prendre en compte les relations sociales dans le jugement de la sexualité. Et je vais vous étonner mais je considère que ça a été un progrès considérable par rapport à avant car ça a permis de (du moins en théorie ! les maîtres ont hélas continué d’abuser les domestiques ) limiter le pouvoir sur le corps d’autrui.
Ceci pourrait expliquer en partie, en dehors de l’héritage juif, la profonde méfiance du christianisme vis-à-vis des actes homosexuels. Car l’acte homosexuel toléré dans la culture romaine et grecque était celui commis par le supérieur sur l’inférieur. C’était une histoire de pouvoir, l’amour n’avait rien à voir là-dedans. L’homosexualité à notre époque a très peu à voir avec celui de l’Antiquité.
15 novembre 2012 at 11:44
à Bâsho,
Je n’ai jamais douté que la christianisation de l’empire romain ait quelque peu modifié les règles de la morale sexuelle antique, sujet que j’ai quelque peu étudié à partir de travaux de Maurice Sartre et de Luc Brisson.
Mais je voulais juste attirer votre attention sur le fait que le problème de la « répression » de certaines pratiques homosexuelles (sodomie ?) dans la Basse Antiquité ne doit pas se penser seulement à la lumière de la christianisation des institutions… puisque des dispositifs répressifs auraient été mis en place dès la deuxième moitié du IIIème siècle.
Bref, il ya deux questions:
1°celle de la détermination des normes de la sexualité. Là il y a un changement massif avec la christianisation de l’Empire au cours du IV °siècle.
2° celle de la répression des déviations sexuelles par l’Empire. D’après la source que je vous ai citée (qui n’est pas une excellente source, j’en conviens, c’est simplement celle que j’avais sous la main hier soir), ce dispositif serait antérieur à la christianisation.
Bref, là où j’en suis pour l’instant est qu’avant la christianisation, on aurait déjà commencé à réprimer sévèrement les homosexuels passif et que l’innovation introduite par Théodose serait une extension de ce dispositf à ceux que nous qualifierions aujourd’hui d’homosexuel. Je dis tout cela à titre d’hypothèse, car je n’en sais rien.
Mon but était simplement de mettre en garde contre l’idée trop simple que la christianisation de l’Empire Romain aurait signifié la fin d’une Gay Pride remplacée subitement par « les pédés au bûcher », du fait du caractère singulièrement obtus des chrétiens du IV°siècle qui auraient tous été des homophobes pervers et sanguinaires…
Cela ne cadrerait pas très bien avec ce que j’ai appris par ailleurs sur l’histoire de la sexualité à travers Michel Foucault ou l’excellent vulgarisateur qu’est Jean-Claude Guillebaud.
15 novembre 2012 at 12:04
à tschok
J’appelle « nominalisme » , dans le sujet qui nous occupe, le fait de considérer qu’il n’y a pas « d’essence » des choses commune à toutes les choses recevant une même dénomination. Ainsi par le terme « mariage » on pourrait désigner des institutions fort différentes sachant que le regroupement de ces diverses institutions sous une même dénomination serait quelque peu arbitraire.
Mais laissons de côté la question du nominalisme.
Je crois que votre argumentation est excellente. Enparticulier quand vous mentionnez le caractère souvent inhumain de ce que fut la répresssion de l’homosexualité. Elle ne me convainc pas, nénamoins, pour une foule de raisons que je développerai une autre fois.
Mais le point qu’il m’importait de discuter ici était de savoir si oui ou non l’institution d’un prétendu « mariage pour tous » constitue simplement un élargissement de la possibilité de se marier à une catégorie plus large de la population, comme le prétend le législateur, ou bien s’il s’agit de détruire l’institution conjugale que nous connaission pour la remplacer par une autre. Il me semble que Philarête a bien démontré ce dernier point.
Comme l’a dit Bâsho fort justement cela prouve que cette réforme est plus « coûteuse » que ne le prétendent ses artisans.
Vous êtes prêt à payer le prix arguant qu’après toutes les erreurs que nous avons commises dans le passé (dissuasion nucléaire, libéralisme économique échevelé), nous pouvons prendre le risque d’en commettre d’autres.
Pas moi. Chat échaudé craint l’eau froide.
15 novembre 2012 at 16:13
@ Physdémon,
Savoir si la réforme du mariage homo est simplement un élargissement de ce qui existe déjà, ou bien une dénaturation, ou encore une destruction suivie de la recréation de quelque chose de nouveau est, je crois, beaucoup plus une question de point de vue que de logique pure.
D’autre part, je me demande vraiment si c’est une question aussi importante que cela. Sur un plan théorique, la question à n’en pas douter est intéressante, mais sur un plan pratique, cela ne change pas grand chose.
Et puis surtout, on verra à l’usage. On sera assez rapidement fixés sur les problèmes qui se poseront et sur les solutions à trouver.
Juste une précision: je n’ai pas posé le libéralisme ou la dissuasion nucléaire comme des erreurs – bien qu’il soit possible de les considérer ainsi – j’ai simplement affirmé que nous avons fait des choix collectifs qui comportaient des conséquences que nous avons assumées, parfois sans trop nous poser de questions, ou bien trop tard. Je ne vois donc pas pourquoi, soudainement, nous ne serions plus capables de faire un choix collectif en faveur du mariage homo, alors que ses conséquences ne sont quand même pas plus graves que toutes celles que nous devons assumer pour nos décisions passées.
Les Français ne sont pas des petites natures: nous sommes capables d’assumer les conséquences de nos choix, même malheureux.
Par exemple, en ce moment, on paye le prix d’un choix, l’abandon d’une politique industrielle. Ça, c’était un choix malheureux qui nous coûtera beaucoup plus cher que le mariage homo. Pour le déficit budgétaire, idem. Le choix du déficit supposait de la croissance, ce qui supposait une politique industrielle, vu que le tertiaire ne suffit pas. Ben on assume.
On a fait le choix de l’euro aussi. Mais il impliquait de renforcer notre partenariat avec l’Allemagne, d’avoir une politique économique pro exportations et de remettre une dose de fédéralisme dans la construction européenne. On s’en est rendu compte trop tard. On assume.
Le nucléaire civil, on sait pas trop. Certains disent qu’on va y laisser notre chemise, d’autres disent que c’est ce qui va nous sauver. On assumera.
Les partenariats public privé: on a fait le choix d’en signer un petit paquet pour un gros paquet de milliards d’euros. Les contrats sont mal rédigés, ils nous engagent pour 20 ou 30 ans voire plus, et les infrastructures financées sont pas toujours adaptées. Là aussi va falloir assumer.
Le monde devient de plus en plus dangereux, nous réduisons notre instrument de défense: j’espère que c’est une bonne idée, parce que si elle est mauvaise, on risque de le regretter très fort. On assumera.
On a fait le choix d’un urbaniste qui n’a ni queue ni tête: on se retrouve avec des problèmes d’insécurité, de coût de transport, de pollution, d’exclusion sociale, de crise du logement, etc. Ça fait mal, mais on assume.
Et la liste de nos choix peut encore être très longue.
Au milieu de tout cela, les homos veulent se marier et vous leur répondez que ça coûtera trop cher?! Allons, Physdémon, vous êtes sérieux là?
On n’a absolument pas besoin d’eux pour nous foutre comme des grands dans une merde noire et ils sont le cadet de nos soucis, ou plutôt un luxe qu’on peut se permettre.
15 novembre 2012 at 17:32
@ tschok et Physdémon
On pense ce que l’on veut du libéralisme économique. Mais il me semble impossible de caractériser la France comme un pays ayant succombé aux démons du libéralisme économique échevelé ! La dépense publique la plus élevée du monde (57 % du PIB quand même :-) ) avec la fiscalité correspondante, la proportion la plus élevée de personnel sous statut pour mille habitants, le code du travail le plus épais du monde, la liste est longue.
Vous êtes pour, vous êtes contre, ce n’est pas la question. Mais non, la France n’est pas un pays libéral.
15 novembre 2012 at 18:56
@ Aristote, com 87 et 88,
Com 87
L’enjeu d’un « super PACS », je ne l’avais pas compris comme vous.
Le « super PACS » a été un temps envisagé comme le frère jumeau du mariage, mais avec un autre nom, pour justement pouvoir dire aux opposants au mariage homo qu’il y a d’un côté le mariage hétéro, truc sacré auquel on touche pas, et de l’autre une nouvelle forme d’union civile qui serait en gros la même chose, mais pas dans le même emballage.
Un médicament générique.
Donc c’était un argument un peu marketing, en fait. Histoire de désamorcer les psychodrames.
En définitive cette option n’a pas été retenue.
Elle avait deux gros défauts. D’une part, paradoxalement, elle n’échappait pas à la critique de la discrimination: si on fait un super PACS, cela signifie que la loi instaure un traitement différencié des homos, tout en leur reconnaissant en pratique les mêmes droits que les hétéros…
Une sorte de protocole chinois, quoi. Pourquoi, en effet, traiter différemment deux catégories de personnes, surtout si au final on leur accorde les mêmes droits?
(dit autrement: pourquoi refaire l’Apartheid entre des Blancs et des Blancs? c’est con, non? L’Apartheid, ça se fait entre des Blancs et autre chose, mais si vous leur donnez à tous les mêmes droits, c’est vraiment pas la peine de vous faire chier à les discriminer!)
D’autre part, cette option portait atteinte au monopole juridique du mariage qui est la seule institution, et le seul contrat, à pouvoir produire en principe les effets qu’il comporte.
Les partisans du mariage homo ont finalement préféré retenir un principe d’unicité du mariage, ce qui était un enjeu essentiellement symbolique.
Par rapport à l’enfant, du moins sur le terrain de la filiation, il n’y a pas vraiment d’enjeu depuis la réforme de la filiation (2005 et 2009), qui achève une mouvement d’égalisation du statut de l’enfant, quelle que soit l’union dont il est issu.
C’est l’adoption qui est problématique. Mais c’est compliqué.
Donc, il fallait viser le symbole et passer d’une définition moniste exclusive du mariage à une définition dualiste et inclusive, sans chercher à faire du PACS autre chose que ce qu’il est: un contrat de solidarité.
Et c’est pas idiot. Après tout, le PACS mérite aussi de ne pas être mélangé au mariage. Il a sa propre autonomie et sa propre légitimité.
Com 88,
J’aime beaucoup la phrase: « Mais le fait que le mot subsiste n’empêche pas que la carte (le mot, le langage) ne peut prétendre dicter sa réalité au territoire (l’essence, encore que VD n’utiliserait pas ce terme ainsi). »
J’aime beaucoup.
Bon, vous savez qu’elle est fausse, du moins inexacte. Ce n’est pas la carte qui dicte sa volonté au territoire, c’est l’homme qui, parce qu’il se figure un territoire, parvient à l’organiser.
Une carte n’a d’autre réalité que ce qu’elle est: une carte. On raconte souvent une anecdote fameuse: Louis XIV a gentiment tancé l’un de ses géographes qui, à la suite de nouvelles mesures, lui avait fait perdre un quart – je crois – de son royaume.
Sans aucune guerre!
Pourtant la France n’avait pas changé, du moins dans ses dimensions.
Pour revenir à la linguistique, il ne faut pas perdre de vue l’interaction qui existe entre l’usage d’un mot et sa confrontation à un dictionnaire.
A la base, un dico enregistre et définit tel usage de tel mot. Par exemple, le mot « éponyme » (qui donne son nom à). Mais ce mot peut être employé hors de la définition dument enregistrée dans le dico. Comme par exemple dans la phrase: « Les Misérables, roman éponyme de Victor Hugo ».
Il y a donc de mauvais usages d’un mot, qui ne sont pas enregistrés, bien qu’ils soient fréquents. A vrai dire, on pourrait faire un dico sur le mauvais usage des mots: un dictionnaire négatif, en quelque sorte. Mais cela voudrait dire que le mauvais usage d’un mot, à l’égal du bon usage, peut être recensé, ce qui reviendrait à lui conférer une légitimité embarrassante.
D’autant que le mot, même mal employé, peut finalement remplir sa fonction première: exprimer quelque chose qui va être compris par quelqu’un d’autre.
Sur ce blog, il y a rarement de mauvais usages, pourtant, regardez le nombre de malentendus! On pourrait vraiment se demander si, après tout, on ne pourrait pas admettre dans le sens normal d’un mot une part de mauvais usage.
16 novembre 2012 at 14:31
@ tschok
Bien sûr, c’est le cartographe, pas la carte en tant que telle. Mais la comparaison du langage à une carte a elle-même son histoire. Elle a été notamment utilisée dans la querelle du structuralisme, dont les adversaires mettaient en doute la capacité des mystérieuses « structures » postulées par la théorie, les « cartes », à agir l’humanité, le réel,…
Les langues évoluent, le sens des mots change, certains usages fautifs (je suis sur Paris au lieu de je suis à Paris, par exemple) deviennent l’usage courant, parfois très rapidement pour peu qu’ils circulent sur les plateaux de télévision.
Faut-il alors admettre que le mauvais usage fait partie du sens normal ? Pas évident. Ainsi, on sait bien que les gros mots s’affadissent. Merde, con, m’auraient valu une gifle de la part de ma mère. Aujourd’hui ces mots, le premier surtout, ont moins de poids. Si j’eusse prétendu à ma mère qu’elle ne pouvait me gifler parce que dans quelques dizaines d’années le sens du mot que je venais d’employer se serait affaibli, elle m’aurait sans aucun doute infligé double peine.
Et pour que le sens d’un mot puisse s’affaiblir, il faut bien en attendant qu’il soit fort.
16 novembre 2012 at 18:57
@ tschok, #70 : oh, merci. Je n’avais pas réalisé que nous étions en « minorité » ! Mais ici, au moins, il me semble qu’il y a un véritable espace de discussion ! Je n’ai pas toujours le talent pour répondre aux commentaires (ni le courage de tous les lire quand je ne suis pas arrivée au début des débats), mais je suis les échanges avec plaisir :)
16 novembre 2012 at 19:31
à tschok, com 97
« Pourquoi, en effet, traiter différemment deux catégories de personnes, surtout si au final on leur accorde les mêmes droits? »
Ce ne sont pas deux catégories de personnes qu’on traiterait différemment, mais deux catégories d’institution : le mariage proprement dit et le super-PACS homo. Chaque personne aurait le même droit de se marier avec une personne de l’autre sexe ou de se super-pacser avec une personne de même sexe…
Intérêt de la chose ?
1° Ne pas toucher au mariage, ne pas supprimer les mentions « père et mère » dans le code civil etc.
2° Marquer une différence symbolique entre deux institutions inégalement profitables à la société et aux personnes (ça va vous faire bondir mais c’est ce que je crois).
Moi j’appelle ça un bon compromis. C’est la contre-proposition du grand rabbin au projet de loi, d’ailleurs.
16 novembre 2012 at 19:33
Chouette, j’ai eu le com 100.
Mais cela ne suffira pas à me consoler de manquer demain la conférence de Philarête !!!!
17 novembre 2012 at 17:24
@ Isa, com 99,
Pas le talent pour répondre aux commentaires?
Allons!
Et puis ce blog manque vraiment d’un regard féminin.
J’aimerais vous inviter à un jeu intellectuel, puisque je crois que nous avons en commun de trouver dans ces échanges d’idées une forme de plaisir.
C’est bien le mot que vous avez employé, non?
Alors voilà: je sais quoi répondre à Aristote, com 98, et Physdémon, com 99. Mais vous, que leur répondriez-vous?
Y-t-il un autre com, ou d’autres coms dans ce fil de dial auxquels vous sauriez répondre et pour lesquels vous pourriez me poser la même question?
Le jeu est libre. Je veux dire par là qu’il n’y a ni tort ni raison, ni vrai ou faux, ni quelque chose qu’il faut penser ou qu’il ne faut pas penser.
Voulez-vous jouer à ce jeu?
Cela me ferais plaisir.
23 novembre 2012 at 11:14
Question sur un extrait : « en refusant de considérer la stérilité comme un motif de divorce » => la stérilité n’est-elle pas au contraire un motif, non de divorce (indissolubilité) mais d’annulation du mariage ? Le fondement naturel (engendrement et éducation d’enfants), même si le christianisme a beaucoup insisté sur la dimension affective (concile de Latran, etc.) est primorial, non ?
Pardon si mon commentaire faire doublon avec un autre, je n’ai pas lu tous les 110 commentaires précédents.
23 novembre 2012 at 11:34
[…] et l’éducation d’enfants, ce qui implique que les époux soient de sexe différents. Philarête l’exprime parfaitement : « Dans la perspective actuelle, on a l’impression d’un […]
23 novembre 2012 at 11:39
@Tschok
« Ils sont bonne pomme eux aussi: loin de vouloir leur vengeance, ils réclament juste le droit de faire partie des nôtres.
Et vous leur dites merde. Poliment, mais merde quand même.
Ca ne me va pas »
Permettez-moi de douter franchement du côté « bonne pomme » de ceux dont vous parlez. La violence des mouvements homosexuels « pro-mariage » ne cesse au contraire de se manifester.
Cliquer pour accéder à affiche-3.pdf
http://www.itinerarium.fr/act-up-sen-prend-violemment-a-christine-boutin-et-a-des-ecclesiastiques/
http://penseesdoutrepolitique.wordpress.com/2012/11/21/kiss-haine/
etc.
23 novembre 2012 at 11:51
Merci pour cet article. Encore une fois, c’était clair et bien dit.
@ Via : Il convient de ne pas confondre deux choses. Il est arrivé que lorsqu’on considère une épouse comme stérile, l’époux demande l’annulation du mariage, mais il ne s’agit pas d’une cause d’annulation juridique. Il fallait alors trouver une autre cause. En général, on cherchait alors à faire croire à la non-consommation, ou on cherchait une irrégularité dans les dispenses papales (les mariages entre cousins étant interdits, ils exigeaient une dispense de Rome).
La stérilité n’a jamais été cause ni d’annulation, ni de divorce en droit français.
23 novembre 2012 at 11:53
Je précise que dans le second paragraphe de mon commentaire précédent, c’est de droit canonique que je parle, et dont je suis loin d’être spécialiste, toutefois, je ne me souviens pas avoir vu des mariages annulés pour stérilité, ce qui me porte à croire que ce n’était pas possible.
23 novembre 2012 at 13:51
En effet, le droit canonique est très clair:
Can. 1084 – § 1. L’impuissance antécédente et perpétuelle à copuler de la part de l’homme ou de la part de la femme, qu’elle soit absolue ou relative, dirime le mariage de par sa nature même.
§ 2. Si l’empêchement d’impuissance est douteux, que le doute soit de droit ou de fait, le mariage ne doit pas être empêché ni déclaré nul tant que subsiste le doute.
§ 3. La stérilité n’empêche ni ne dirime le mariage, restant sauves les dispositions du ⇒ can. 1098.
Can. 1098 – La personne qui contracte mariage, trompée par un dol commis en vue d’obtenir le consentement, et portant sur une qualité de l’autre partie, qui de sa nature même peut perturber gravement la communauté de vie conjugale, contracte invalidement.
23 novembre 2012 at 18:56
@ Via, com 105,
Vous voulez dire que la violence n’est que du côté des partisans de la réforme, et pas du côté des opposants?
Si c’est cela, c’est partial et partiel comme point de vue, non?
J’aurais une autre vision de la chose: il y a indiscutablement un climat délétère qui favorise les crispations idéologiques, bien clivantes comme il faut. Sans surprise, ces crispations se manifestent d’abord aux extrêmes, dans les deux camps, et de façon quasi simultanée, la violence des uns répondant à celle des autres dans un mouvement de spirale de violence qu’on peut observer partout dans le monde, quand des gens décidés ont envie de se taper dessus.
C’est regrettable, mais c’est ainsi. On a inventé les CRS pour gérer ce genre de problèmes.
Le but du jeu, maintenant, n’est pas de savoir qui est responsable de ce climat délétère, car les torts sont assez bien partagés, je crois: un Barbarin nous a certes infligé ses barbarinades malheureuses. Mais un Hollande, président de la république tout de même, a lui aussi fait preuve de maladresse, avec sa désormais fameuse « liberté de conscience » des maires hostiles à la réforme qui, s’ils le souhaitent, pourront à l’en croire, déléguer la mission de célébrer un mariage homo à un adjoint acceptant de la faire.
Devant la colère que cette déclaration malhabile a suscité parmi certains partisans de la réforme, et au minimum l’incompréhension chez tous, l’Elysée à mis en route le rétropédalage (dans la semoule).
Trop tard, le mal est fait: la tension est montée d’un cran.
Alors, maintenant, le but du jeu, c’est de garder la tête froide et de ne pas se laisser déborder par les flancs, soit à l’extrême gauche, soit à l’extrême droite, en n’oubliant pas que cette réforme est portée par une majorité de gens qui sont prêts à discuter calmement de ce qu’elle implique.
Avant, finalement, de se décider. Car un débat parlementaire (prévu pour janvier 2013) ça sert à ça, aux dernières nouvelles.
Sinon, sur le fond, le projet de loi tel qu’il existe (disponible sur le site du ministère de la justice) n’est pas un projet vengeur. Il a été conçu a minima. C’est d’ailleurs ce que les plus extrémistes des pro-homos reprochent au gouvernement, qui a arbitré entre les options et n’a pas l’intention en l’état de revenir sur ses arbitrages.
23 novembre 2012 at 22:06
@ Ferrante, et aussi à Via ( je reviens de votre blog)
Pour votre info:
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2008/05/30/01016-20080530ARTFIG00004-de-plus-en-plus-de-mariages-sont-annules-par-les-juges.php
Et:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Annulation_de_mariage
D’une façon générale, le droit du mariage actuellement en vigueur en France, en principe laïque, est largement « cathocompatible ».
Pour le droit de la bio-éthique, idem (on peut même se demander si le droit de la bio-éthique n’a pas directement été rédigé par des curés).
Pour la fin de vie, c’est à dire la loi Leonetti, idem: elle est purement et simplement un copié-collé du catéchisme, son promoteur, Jean Leonetti, n’était d’ailleurs pas réputé pour être un dangereux gauchiste athée. Ici, il faut signaler un fait particulièrement remarquable: le catéchisme de l’Eglise, tel que nous le connaissons est un produit de Vatican II, ce qui nous renvoie à 1962 (l’année de la crise des missiles de Cuba).
L’idée de refondre le caté après Vatican II s’est définitivement imposée en 1985. Le texte définitif a été promulgué en 1992.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9chisme_de_l%27%C3%89glise_catholique
La loi Leonetti date de… 2005: en d’autres termes, la république a mis près d’un demi siècle à intégrer dans son droit des principes religieux issus de Vatican II… et elle l’a fait 13 ans après que l’Eglise a intégré ces mêmes principes à sa doctrine.
Surprenant, n’est-ce-pas?
En fait, les cathos ne sont pas les seuls à souvent commettre l’erreur de croire que le droit français est en rupture avec la religion, république laïque oblige. Cette erreur est souvent commise par l’ensemble des Français qui pensent habiter dans un pays qui aurait rompu toutes ses attaches avec le sacré et le spirituel.
Or, rien n’est plus faux que de croire que notre droit ait coupé tout lien avec la religion catholique et ses interprétations les plus traditionnelles.
Par exemple, l’un des principes cardinaux de notre droit pénal est l’amendement du condamné par la peine, frère jumeau du concept théologique de rédemption.
Au passage, cela relativise beaucoup les critiques que nous adressons aux pays musulmans: on se scandalise assez facilement à l’idée que leur droit soit d’essence religieuse, mais on ne voit pas la poutre dans notre œil.
C’est d’ailleurs assez consternant: l’essence religieuse de notre droit républicain est si profondément ancrée dans le soubassement des textes de loi qu’on peut franchement se demander si on est réellement sérieux lorsqu’on prétend jeter à la face du monde l’universalité de notre principe de laïcité à la française.
Si on était plus lucide, on se rendrait compte qu’il faudrait plutôt dire qu’on a inventé un concept de « catho-laïcité »: si on a bien séparé l’Eglise de l’Etat, la religion catholique est restée dans nos lois et imprègne encore nos institutions.
Cela ne change rien à un autre problème: la société n’est plus religieuse. C’est la sécularisation.
Un projet de réforme comme celui du mariage homo nous renvoie à la religiosité de nos lois, indépendamment de son objet, autoriser l’union de personnes de même sexe, qu’on pourrait presque considérer comme un accident.
Nos lois sont d’essence religieuse. Dès qu’on veut changer quelque chose à notre société, on est de facto confronté à des problèmes de religiosité, en particulier avec les cathos aujourd’hui, et demain on le sera avec les musulmans.
Songez par exemple au statut juridique de la femme en France, restée quasiment un incapable majeur jusqu’aux années 70 et au fait, plus extraordinaire encore, quand on le contemple rétrospectivement, que la France est un pays qui a pratiqué l’oppression d’une minorité religieuse, les Juifs, jusqu’en 1944. Hier, donc.
Et au moment où je vous parle, on a les musulmans en ligne de mire et on se demande si on va pas remettre ça (Cf Richard Millet, son éloge littéraire à Breivik ou Renaud Camus et sa théorie du Grand Remplacement, la droitisation de l’UMP et des cathos français, etc).
Pour revenir au mariage homo, on voit bien qu’il révèle la dichotomie entre d’une part une société qui est à 65% favorable, en gros, et d’autre part des institutions du droit dit de la « famille », comme le mariage du code civil, qui ont conservé une essence religieuse dont on avait oublié l’existence, ou qu’on faisait semblant de ne pas voir.
Et là, on redécouvre le truc.
C’est pour ça que ça nous fait un choc.
24 novembre 2012 at 11:35
@ tschok
Comme nous le savons tous, la contraception, l’avortement, la PMA, le divorce, le concubinage, les naissances hors mariage, etc., sont vivement recommandés par l’Église.
J’ai de la peine à suivre votre argument. Certes, au moment de la séparation de l’Église et de l’État, il y avait une morale commune largement partagée par les cathos et les laïques, du simple fait de l’histoire. Et les républicains d’alors insistaient sur le fait que leur morale valait bien celle des curés, que la République n’était pas amorale !
Et il n’est nul besoin d’être chrétien pour tenir que le meurtre, le vol, le mensonge, l’égoïsme, c’est mal.
Si vous voulez simplement dire que l’on n’efface pas des siècles de christianisme par décret, c’est une évidence. Mais le travail de déconstruction me semble bien entamé et il est trop facile et faux de faire d’une sorte de christianisme larvé le seul obstacle au progrès vers un avenir radieux.
Vous devriez quand même faire l’effort de lire un livre sérieux sur ce que croient les chrétiens, par exemple « Croire » du père jésuite Sesboué. La Rédemption chrétienne n’a pas grand chose à voir en tant que telle avec l’amendement par la peine, c’est même plutôt l’inverse, le caractère gratuit du salut apporté par la Rédemption est un des piliers du christianisme, partagé par les catholiques et les protestants. On peut cependant dire pour aller dans votre sens qu’un chrétien se doit de ne jamais désespérer de quiconque.
Même de tschok :-)
24 novembre 2012 at 18:20
@Tschok : « Alors, maintenant, le but du jeu, c’est de garder la tête froide et de ne pas se laisser déborder par les flancs, soit à l’extrême gauche, soit à l’extrême droite, en n’oubliant pas que cette réforme est portée par une majorité de gens qui sont prêts à discuter calmement de ce qu’elle implique. »
Résumé comme ça, je ne vois guère comment ne pas être d’accord avec vous…
24 novembre 2012 at 19:13
@ Aristote,
J’espère quand même que je vous apporte autre chose que du désespoir.
A part ça: justement, si, on peut effacer des siècles de christianisme par décret. Un décret sert justement à ce genre de chose, quand il vire à l’oukaze. Mais, là est la question, on ne la justement pas fait. On n’a pas fait table rase, par un acte unique, destructeur d’un ordre ancien et fondateur d’un ordre nouveau.
On s’y est pris autrement. Par aggiornamentos successif auxquels, d’ailleurs, l’Eglise a pris une part active (elle n’a pas toujours été aussi bêtement rétrograde qu’on le dit, bien qu’elle en tienne une couche).
Vous présentez cette évolution comme une « déconstruction » en évoquant les lois qui ont autorisé la pilule (1967 et 1972), l’avortement (1975 et 1979), le divorce (plusieurs dates) etc, en oubliant que ces évolutions ont souvent nécessité un dispositif « step by step » (adoption d’une réforme par étapes successives, éventuellement sur plusieurs générations).
Dans cette déconstruction, vous posez qu’un « catholicisme larvé » est perçu comme le seul obstacle à un progrès vers un avenir radieux, pour mieux dénoncer la fausseté de cette proposition.
Ce n’est pas ce que je dis.
Parlons plutôt d’un ré-agencement.
Et posons que l’Eglise, lorsqu’elle est conservatrice, est un frein parmi d’autres, mais pas le seul, à une évolution qui peut devenir un progrès, sans pour autant que cela nous garantisse un avenir radieux.
Et si, vous les cathos, vous réinventiez une Eglise un peu plus progressiste? Rien de bouleversant, mais juste ouvrir un peu la fenêtre pour faire entrer une bouffée d’air frais.
Je peux pas m’en charger, vu que je n’ai pas de lecture sérieuse.
PS: pour le concept de rédemption, développer nous mettrait trop hors sujet, mais sa parenté avec la justice pénale est profonde.
24 novembre 2012 at 19:35
@ Via,
Et pourtant, sur votre blog, votre vision de la chose est très éloignée de ce que je dis.
Vous présentez la « communauté homo » comme une sorte de bloc identitaire homogène caractérisé, voire caricaturé, par ses identités les plus expressives, les plus extrêmes, les plus remarquables.
Vous abordez le phénomène homo comme un soviétologue des années 80 abordait l’Union Soviétique, et qui pouvait effectivement dire que tel journal (la Prvada, par exemple) était le porteur de LA voix officielle du parti.
(et encore, les soviétologues ont rapidement compris que l’URSS était un mode univers complexe)
Vous, vous vous focalisez sur « Tétu » et quelques associations LGBT en oubliant la « biodiversité » du milieu que vous vous proposez d’analyser.
L’homosexualité, c’est pas le Bloc de l’Est, ni le Pacte de Varsovie vu par Yves Montand au moment de la crise des euromissiles.
Pourquoi dites-vous maintenant que vous ne voyez guère comment ne pas être d’accord avec moi, alors que tout dans votre article sur le sujet renvoie à une opposition de bloc à bloc?
Que tout dans votre argumentation est de type non poreux?
Là, je suis curieux.
24 novembre 2012 at 21:12
@Physdémon #100
A propos du « super-pacs » dont vous parlez, il y a un petit problème. J’en ai discuté avec des potes juridiques et il n’est pas sûr que ça puisse être conforme à la constitution. En effet, le problème est que le pacs, même renforcé, reste un contrat or la constitution interdit de discriminer en matière contractuelle (pour faire court)….
Enfin, je ne peux pas m’empêcher de sourire lorsque vous chantez les louanges d’un super-pacs. Je me souviens encore très bien du débat autour du pacs.
24 novembre 2012 at 23:36
à Bâsho,
Un des principaux arguments qui me convainquait d’être contre le PACS en 1998 est qu’une fois le pacs obtenu, les militants LGBT demanderaient le mariage et l’adoption pour les homosexuels…
Vous me permettrez donc de sourire moi aussi…
Ensuite je serais curieux d’en savoir un peu plus sur votre argument sur le caractère prétendument anticonstitutionnel d’un super-PACS : il est difficile de discuter une thèse dont on n’a pas la teneur…
26 novembre 2012 at 07:18
@tshok
Il me semble que vous confondez l’institution « Eglise » avec le christianisme. Le christianisme, en tant que synthèse de l’hellénisme et de l’héritage évangélique, inspire naturellement toute l’évolution historique de notre pays, de notre continent. Evidemment que nos lois sont d’inspiration chrétienne, on voit mal ce qu’elles seraient d’autre. Même, d’une certaine manière, l’autorisation de l’avortement, du divorce, de la pilule, etc, relève en quelque sorte d’une logique chrétienne: il faut en effet que le mal soit autorisé pour que la liberté soit possible.
Ce qui est moins conforme à la pensée chrétienne, c’est le fait de transformer la dépénalisation de l’avortement en droit à l’avortement, la systématisation d’un divorce « de confort », la compassion pour les mourants en droit au suicide, ou encore de chercher à racheter des siècles de délire homophobe en accédant à la revendication à la fois incohérente et conservatrice du mariage homo.
Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par « progressiste »?
26 novembre 2012 at 07:20
Oh, et zut, c’est plein de fautes.
26 novembre 2012 at 15:31
@ Logopathe, com 117,
Je ne vois pas très bien où j’aurais confondu les deux. Je me suis borné à un constat qui, contrairement à ce que vous dites avec Aristote, n’est en réalité pas aussi évident à faire que cela, en com 110, en disant que rien n’est plus faux que de croire que notre droit ait coupé tout lien avec la religion catholique et ses interprétations les plus traditionnelles.
J’ai ajouté que nos lois sont d’essence religieuse.
(j’ai bien parlé de religion et non d’Eglise, ou j’ai loupé un truc?)
Aristote me répond, com 111:
« Si vous voulez simplement dire que l’on n’efface pas des siècles de christianisme par décret, c’est une évidence. »
Et vous me répondez, com 117:
« Evidemment que nos lois sont d’inspiration chrétienne, on voit mal ce qu’elles seraient d’autre. »
Nos lois ont beaucoup d’autres sources d’inspiration que la religion chrétienne, mais là n’est pas le problème. De même, l’histoire du continent européen ne dépend pas totalement de sa filiation avec le christianisme, relativement tardive, d’ailleurs. Pour la France, si on se fonde sur la conversion de Clovis, cela nous amène quand même à la fin du Vième siècle après JC, voire le début du VIième. Mais, là encore ce n’est pas le problème.
(même si les Français seraient bien avisés de comprendre que la religion chrétienne est d’origine proche orientale, que c’est donc un produit d’importation, comme Internet et le Coca Cola)
Non, ce qui est drôle et qui fait paradoxe est la symétrie de nos points de vue: pour Aristote et vous, l’inspiration chrétienne de notre législation est une évidence, mais on sent bien à vous lire tous les deux, que vous avez l’impression que cette inspiration, ou cette influence s’amenuise. C’est la peur du déclin, quoi.
Ainsi Aristote parle de « déconstruction » et vous de « transformation ».
De mon point de vue, l’inspiration chrétienne n’était pas aussi évidente que cela, car j’étais ébloui par la croyance en la suprématie de la laïcité républicaine, et je croyais en conséquence qu’on avait dépoussiéré notre droit de ses archaïsmes religieux, depuis le début du XXième siècle.
J’avais une vision assez positiviste de la chose, si vous préférez.
Arrivé là, j’ai changé d’avis en vieillissant, et j’en suis maintenant à un point où je note plutôt une certaine permanence de l’influence chrétienne sur nos lois, raison pour laquelle je ne partage pas l’inquiétude des cathos sur ce point.
En fait il faut sérier les problèmes: il y a la sécularisation de la société civile d’un côté (l’ensemble des gens, quoi) et de l’autre il y a l’imprégnation religieuse de nos institutions.
La teinture imprègne encore les fibres du tissus, même si la couleur passe avec le temps.
26 novembre 2012 at 15:32
PS: progressiste.
Au sens courant. Pas au sens interne à l’Eglise.
26 novembre 2012 at 19:02
@Tschok : m’avez vous lu ? Je précise moi-même que « je ne sais pas ce que représentent les militants LGBT » et je développe quelques arguments consistant à critiquer le concept même de « communauté homosexuelle », autrement dit, à insister sur sa diversité, sur la potentielle non-représentativité de ses membres les plus radicaux. Je vois donc mal comment vous pourriez soutenir après m’avoir lu que je présente ladite « communauté » comme un « bloc homogène identitaire caractérisée… » peut être ai-je manqué de clarté ?
Par ailleurs, je vois mal comment faire autrement. Précisément, si on ne s’intéresse pas à la minorité militante, ni à la minorité « anti-mariage » parmi les LGBT, alors dites-moi, à qui allez-vous vous intéresser ? Par définition la partie « cachée » des personnes homosexuelles ne s’exprimant pas est… cachée. Je ne prétends pas faire une sociologie des homosexuels. Je m’intéresse aux arguments de ceux qui, par définition, s’expriment et militent. Et ils ne sont pas beaux à voir (cf. http://www.koztoujours.fr/?p=14870).
En définitive, je conteste présenter la « communauté homosexuelle » comme vous le prétendez (encore une fois je ne prétends pas m’être essayé à une sociologie du monde homosexuel), mais encore l’argument « la communauté homosexuelle n’est pas le Bloc de l’Est » me semble ne mener à rien : s’il y a des « partisans » et des « adversaires », ce sont ceux qui s’expriment.
26 novembre 2012 at 19:05
@Tschok et sans vouloir par ailleurs en rajouter, « les gens qui sont prêts à calmement discuter de ce qu’elle implique », en le relisant je ne sais plus bien si je suis d’accord avec vous, en fait… je vous invite à lire ainsi : http://www.lavie.fr/actualite/auditions-sur-le-mariage-pour-tous-une-methode-contestee-23-11-2012-33501_3.php
Hum.
26 novembre 2012 at 23:22
@ Via, com 122,
A vrai dire, cela ne m’étonne pas :)
@ Via, com 121,
Oui, je vous ai lu: à peu près 22 pages sous format word, 11 pixels en time NR.
Votre propos me semble globalement clair.
En revanche, je dois vous dire que j’ai ressenti un petit problème de cohérence: si vous prenez indiscutablement de bonnes résolutions dans vos propos introductifs, non seulement au début de votre post, mais encore à chaque fois que vous abordez un thème, ces pétitions de principes sont assez rapidement contredites par la façon dont vous dites les choses, si bien qu’au final j’en ai retiré une impression d’autocontradiction assez étrange.
Je vous donne trois exemples.
1) Dans votre point 1 vous développez l’idée classique selon laquelle le mariage des homos n’est pas interdit en France (mais avec une personne de l’autre sexe) et qu’on conséquence il n’y a pas discrimination.
Et vous développez sur ce thème.
Puis à un moment vous dites:
« Si donc l’on veut invoquer une discrimination à l’égard des homosexuels, c’est à ce choix de société qui interdit à deux personnes de même sexe de se marier qu’il faut s’attaquer, à une conception de la famille qui exclut la famille homosexuelle plutôt qu’à l’invocation incantatoire d’une « discrimination ».
Or, non seulement cette phrase entre en contradiction avec le reste de votre développement (vous réfutez l’existence d’une discrimination), mais elle est elle-même contradictoire: on ne comprend pas très bien quelle différence vous faites entre la discrimination qui résulte d’un choix de société interdisant le mariage de deux personnes de même sexe, et la discrimination qui est invoquée de façon incantatoire.
2) Le deuxième exemple a trait à ce dont nous parlons présentement, c’est à dire, en fait, une certaine tendance à la généralisation.
Dans le passage consacré aux gay pride, qui prend place dans votre point 7 justement intitulé « La communauté homosexuelle pose problème », vous dites d’abord qu’il ne s’agit pas de se dire choqué par ce genre de choses, pour des raisons tenant à une morale pudibonde (c’est la pétition de principe).
Puis, immédiatement, vous passez en mode autocontradiction, car tout ce que vous allez en dire montre qu’en réalité vous êtes choqué, précisément au nom d’une morale pudibonde.
Verbatim: « comment se fait-il qu’une manifestation « festive » sensée promouvoir les « droits » des LGBT se transforme systématiquement en grande parade bruyante et vulgaire, à grands coups de bites en plastiques, de godemichets, de strip-tease publics et de déguisements plus obscènes les uns que les autres ? N’importe quelle photo prise au hasard montre qu’on est bien au-delà de simples travestissements pastiches. Comment se fait-il qu’on ne constate dans ce genre de manifestations ni pudeur, ni mesure ? Comment se fait-il que la gay pride ait une connotation sexuelle si marquée ? En quoi le fait d’être homosexuel et de revendiquer des droits dans la rue oblige à se mettre en string sur char diffusant de la techno ? ».
Le lecteur moyen ne peut que comprendre que vous assimilez l’homosexualité en général au comportement festif d’une poignée de drag queens ou de queers. La lecture de la suite ne permet pas de démentir cette impression.
Verbatim: »La gay pride, une exception ? Je visite au hasard, le 27 avril, la page d’accueil de Têtu, principal magazine « gay et lesbien » en France. On y trouve : un article s’intitulant « Photos: Anton Hysén pose nu pour un magazine gay suédois » ; un appel à témoignage « ma vie sexuelle passe par mon ordi ! » ; un lien direct vers « Têtu X, votre cinéma porno à la carte » ; les élections de « Mister Gay ». Le même jour, si l’on clique sur « fille », on tombe sur la page « Têtu lesbienne », sur laquelle on trouve en une un article « SEXO LESBO: Découvrez les Tumblrs lesbiens les plus érotiques du web ». Rien de très original : la décadence postmoderne connue dans les magazines people a largement atteint les milieux gays. »
Etc.
3) Toujours dans ce point 7, intitulé rappelons-le « La communauté homosexuelle pose problème », vous abordez le thème de la pédophilie en présentant les homos en général comme les complice objectifs des pédophiles.
Verbatim: « Pour finir sur une interrogation à l’égard de la communauté homosexuelle, rappelons que pour ce qui concerne la sexualité, les milieux homosexuels sont passés par quelques chemins sinueux, puisqu’ils ont été liés à la pédophilie, ou, dans sa version moins moralement dérangeante, à la pédérastie (c’est-à-dire l’attirance érotique pour les adolescents, en particulier les jeunes garçons). Scandale ! damnation ! homophobie ! Non, il s’agit là d’une affirmation historiquement incontestable, je ne vais donc pas me gêner. »
Puis vous développez longuement, dans un sens qui ne laisse planer aucun doute sur votre conviction: l’homosexualité et la pédophilie ont quelque chose à voir ensemble.
Mais à la fin, comme pour vous prémunir d’une critique, vous ajoutez la petite phrase qui donne l’impression à ceux qui veulent s’en convaincre que vous avez du recul et de l’objectivité:
« Peut-on sérieusement contester que la pédophilie a eu des lien étroits avec les mouvements homosexuels ? Elle n’est pas, en tant que telle, un argument contre le mariage homosexuel car elle s’inscrit dans une époque qui n’est plus: il n’est pas plus intelligent de reprocher en 2012 à un homosexuel d’être naturellement pédophile qu’à un communiste d’être stalinien »
Mais, si ce n’est pas un argument, pourquoi en parler?
En conclusion, oui je vous trouve clair: on comprend clairement que vous êtes contre le mariage homo, aucun doute là-dessus. Cohérent, non.
Vous êtes dans une rhétorique qui mêle un désir apparent d’objectivité à une subjectivité qui ne prend même pas la peine de masquer son hostilité, ce qui donne au final une impression assez étrange.
Votre post débutait ainsi par une pétition de principe qui augurait bien de la suite: « Un tel sujet, polémique à souhait, implique de prendre les précautions oratoires qui s’imposent ».
Ou encore: « je revendique le droit d’aborder sereinement cette question sans passer pour un vilain casseur de pédé. »
(qu’est ce que ça aurait été si vous en aviez été un…)
Mais sa lecture se termine avec la nette impression que votre post est parfaitement conforme à son titre: « Pourquoi je suis contre le mariage homosexuel », le mot le plus important dans la phrase étant le « je ».
PS: au fait, vous validez la loi selon laquelle celui qui invoque l’argument « les homos ont le droit de se marier, mais avec une personne de l’autre sexe » parle à un moment ou un autre de polygamie (citation de Jean Hauser, en conclusion).
Ca ne loupe jamais. Rigolo, hein? C’est une sorte de point godwin des anti-mariage homo. Un passage obligé du processus mental. On sait pas pourquoi.
Il y aurait une thèse à faire sur le sujet
27 novembre 2012 at 00:26
Non, je ne pense pas forcément que l’influence du christianisme, que j’envisage comme une culture et pas simplement comme une religion, diminue tant que ça. Et les dérives dont j’ai parlé comme s’en éloignant peuvent s’interpréter comme la récurrence d’hérésies anciennes, dans le mécanisme. Mais je n’ai pas vraiment le temps de développer, alors je vais abandonner le terrain, ne m’en veuillez pas…
27 novembre 2012 at 11:27
Petit hors-sujet :cela m’amuse toujours quand un Logopathe ou un Koz (desquels je me sens proche par certains aspects) évoque la prétendue dérive du « divorce de confort ». On voit qu’ils sont pas en train de divorcer après des années de vie commune et des enfants…. tu parles d’un confort !
L’évolution du divorce n’a fait qu’accompagner celle de la société et
notamment celle, ô combien souhaitable, de l’autonomie des femmes, qui sont d’ailleurs le plus souvent à l’origine de la séparation.
27 novembre 2012 at 17:59
@ tocquevil
Comme disait je ne sais plus qui, se marier aujourd’hui c’est pour un homme prendre le risque de se faire virer de chez lui sans autre motif que la décision de l’autre, et d’avoir bien du mal à voir ses enfants.
25 ans que je courre ce risque…. :-)
27 novembre 2012 at 19:07
Et ce faire virer de chez soi quand on est vieux, c’est moche.
28 novembre 2012 at 09:14
« On voit qu’ils sont pas en train de divorcer après des années de vie commune et des enfants… »
Je ne suis pas « en train », non… J’y suis déjà passé. « Divorce de confort » est un raccourci, oui… Je veux dire que bien souvent les gens s’engagent dans ces procédures un peu à la légère; ils ne mesurent pas la souffrance que ça représente. Mais ensuite il est trop tard.
(Même si ce n’est pas mon cas, ceci dit).
D’accord avec vous par ailleurs.
28 novembre 2012 at 14:46
@Logopathe : sans doute, mais cette souffrance est à mettre en balance avec celle de ces couples qui se voyaient contraints de continuer à vivre ensemble alors que la coexistence était devenue un enfer, soit parce que dans leur milieu « cela ne se faisait pas », soit parce que la procédure était trop longue et contraignante, soit parce que l’un des deux – i.e. l’épouse – n’avait jamais travaillé, soit pour l’ensemble de ces raisons… Je préfère de loin l’évolution actuelle.
Alors bien sûr, on entend parler de tel époux meurtri, qui se retrouve hors de chez lui, sans ses enfants, avec une pension alimentaire et une prestation compensatoire à la clé… Mais on peut se poser des questions sur la qualité de la relation qui unissait ce couple s’il en est arrivé là…
28 novembre 2012 at 16:14
@ tocquevil
Certes, mais pourquoi imputer implicitement la faute du manque de qualité de la relation à l’époux ? Elle peut être partagée ou même essentiellement du fait de l’épouse. Cela ne changera rien en pratique au sort du mari.
Je n’ai pas de grief personnel en la matière, je suis père de quatre enfants, marié et souhaitant le rester.
Et en ces matières, il me semble qu’il faut distinguer les solutions juridiques qui sont nécessaires pour traiter les cas difficiles, et le divorce en fait partie, du « discours » de la société sur le phénomène lui-même.
Le divorce n’est plus considéré comme un pis aller, mais comme une décision normale, que l’on prend en fonction de ses seuls intérêts personnels. Je trouve cela un peu court.
28 novembre 2012 at 16:32
@ Tocquevil,
Parfaitement. Mais l’invention du divorce par consentement mutuel nous a aussi beaucoup fait perdre sur un plan littéraire.
Dans le mariage ancien, qui excluait un tel type de divorce, l’assassinat du conjoint honni, le recours à la prostitution ou la pratique de l’adultère institutionnel faisaient partie du folklore, du drame ou de la tragédie.
Le roman policier de la première moitié du XXième siècle (et même après) ne se comprend pas si l’on n’intègre pas l’interdiction du divorce dit aujourd’hui de « confort ». L’empoisonnement du mari, l’homicide de la femme, c’était un chapitre de l’humanité qui faisait la gloire des feuilletons, la sève des thèses les plus savantes, l’intérêt même du romanesque!
Bien plus: sans la possibilité du crime conjugal, comment imaginer l’ossature d’un code pénal? Croyez vous que la répression des petits larcins nous aurait obligés à rédiger un code pénal? Non, il suffit d’un arrêté préfectoral. C’est bien parce que le crime conjugal a été si important pour nous que nous avons dû codifié la matière.
Et puis il y avait la tradition du bordel, incompréhensible aujourd’hui, et celle de l’adultère: le théâtre boulevardier d’un Feydeau – avec ses portes qui claquent, l’une s’ouvrant sur le mari qui entre en scène, alors que l’autre se ferme sur l’amant qui en sort, une telle mise en scène n’étant possible que dans le modèle architectural de l’appartement haussmannien, fondé sur le principe de la double circulation – perd de sa saveur dès lors qu’on peut divorcer par consentement mutuel.
C’était aussi, la fameuse petite bonne bretonne, que le bourgeois culbutait sur la table de l’office, avant d’aller à la messe, et que Madame faisait venir de Bretagne à un âge assez jeune, afin d’avoir la garantie qu’elle avait été préservée des atteintes de la syphilis. Mettons, vers les 14 ou 16 piges, pour qu’elle ait des formes, tout en étant suffisamment costaud pour remonter le charbon de la cave et assez de précision dans le geste pour faire briller l’argenterie.
L’interdiction du divorce par consentement mutuel se combinait si bien avec celle de l’avortement qui, elle même faisait partie du dispositif de domination masculine de la sexualité des femmes. Ah! Que de tragédies ou de drames n’auraient pas été écrits si nous n’avions pas eu tout cela!
Et puis nous avons oublié de vieilles institutions de notre droit, comme la tutelle officieuse, qui permettaient de donner un habillage légal à des choses qui aujourd’hui nous surprendraient beaucoup.
Bref, l’ordre bourgeois, que notre très sainte mère l’Eglise et notre chère république ont toutes les deux aimé et voulu préserver, a laissé derrière lui l’écho d’une nostalgie qui nous est douce.
Enfin… euh… ça dépend pour qui.
Bizarrement, les femmes sont peu nostalgiques de cet ordre ancien.
Finalement, chuis dac avec vous. Y avait quand même des trucs à faire évoluer.
28 novembre 2012 at 16:55
@ Aristote,
Oulà! Vous êtes sévèrement marié, dites donc.
Cela vous donne peut être l’impression que ceux qui divorcent prennent cette décision en fonction de critères qui vous sont étrangers, car trop égoïstes à vos yeux?
Réservez-vous la possibilité de la surprise: il est tout à fait possible qu’un couple qui divorce applique les mêmes critères que vous. A savoir, réussir sa vie de couple. Et à défaut, prendre la décision qui s’impose.
N’auriez-vous pas vous même pris cette décision, si vous aviez échoué dans votre vie de couple? Prendre une telle décision n’implique-t-il pas à un moment où un autre d’avoir une vision claire de ce que l’on veut, c’est-à-dire de son propre intérêt?
Mais, avoir une vision de son propre intérêt, n’est ce pas ce que vous trouvez justement « un peu court?
Zut, encore un serpent qui se mord la queue.
Rha! la vie!
28 novembre 2012 at 17:06
@ Logopathe : « cela ne changera rien en pratique au sort du mari ».
Mon sentiment sur la question, c’est que les JAF et les avocats ont évolué depuis cette époque récente – que vous avez l’air d’avoir en tête – où le mari avait bien souvent tous les torts et se retrouvait à perdre enfants et à payer pensions et prestations, peut-être pour venger des siècles de patriarcat.
Dans les exemples que j’ai autour de moi, je vois des avocats et des notaires qui poussent les couples vers le consentement mutuel plutôt que vers l’affrontement, et des JAF qui considèrent désormais avec bienveillance la garde partagée et rappellent que la prestation compensatoire n’est pas un dû, mais doit correspondre à des cas très spécifiques.
@ tschok : je crois que nous sommes d’accord :)
28 novembre 2012 at 17:14
Il y avait certainement des trucs à faire évoluer.
Mais je ne suis pas sûr que les pièces de Feydeau ni les nouvelles de Maupassant soient un reflet très fidèle de la réalité sociale qu’ont vécu, par exemple, mes grands-parents et arrière-grands-parents… Le monde de ces dernniers était plutôt celui de François Mauriac, tentatives de meurtre en moins.
Or, dans le monde de François Mauriac, il y avait des familles façon Desqueyroux et des familles façon Frontenac. Ne négligeons pas toutes les facettes de la réalité.
Par exemple, j’ai un arrière-grand-père qui a quitté sa femme quelques années après s’être entiché de la gouvernante de ses enfants. Puis il est revenu repentant auprès de son épouse : une petite dernière est née de leur réconciliation… Vivre une réconciliation heureuse après avoir connue une crise gravissime, cela aussi faisait partie de la réalité des mariages bourgeois d’antan, et à mon avis c’était une réalité éminemment respectable, que la banalisation du divorce et des recompositions conjugales a rendu pratiquement impossible…
Quant à la disparition des bordels, elle n’a pas grand chose à voir avec le divorce par consentement mutuel. Il suffirait d’autoriser l’ouverture d’Eros centers en France comme il y en a en Allemagne, au Danemark ou aux Pays-Bas pour voir que, quelle que soit la législation sur le mariage, il y a beaucoup de mâles cherchant un exutoire vénal à leur lubricité…
28 novembre 2012 at 17:41
@ Physdémon, je ne vois pas en quoi la réalité des mariages bourgeois d’antan était plus favorable à une réconciliation heureuse. Anecdote pour anecdote, je connais des couples qui se sont reformés – voire remariés – après un divorce.
Cette éventuelle réconciliation est d’autant plus envisageable aujourd’hui que le divorce et le « papillonnage » ont été dédramatisés, et que les moyens de contraception se sont répandus. Que ce serait-il passé si votre arrière-grand-père avait eu un enfant avec la gouvernante ? Et que vaut une réconciliation basée sur la « repentance » , qui pèse son poids de culpabilité et de pression sociale ?
28 novembre 2012 at 17:59
@ tschok
« Réservez-vous la possibilité de la surprise: il est tout à fait possible qu’un couple qui divorce applique les mêmes critères que vous. »
Réservez-vous une surprise : il est tout à fait possible que je sois moins con que vous ne le suggérez.
Bien sûr qu’il y a des situations où la séparation est la bonne décision. Mais un tiers des mariages qui terminent dans un divorce en France, la moitié dans la région parisienne, j’ai l’intuition qu’on n’investit pas beaucoup dans le mariage durable.
Et pourtant, on s’est mutuellement testé dans toutes les dimensions avant de se marier, souvent on a fait des essais avec d’autres, bref on a fait sa due diligence. La contraception est là qui libère l’épouse de la peur des grossesses à répétition et devrait ainsi éviter à l’époux d’être obligé d’aller voir ailleurs.
Dans une société qui ne valorise plus l’engagement, la facilité technique plus grande du divorce fait renoncer trop vite certains ménages qui auraient pu aller plus loin. Ni eux, ni leurs enfants n’y gagnent.
Le divorce, ce devrait être comme le tabac : pas interdit, mais clairement découragé. Et si cela ne convient pas à certains, qu’ils se pacsent !
Sur « l’intérêt ». Oui, le serpent se mord la queue, et il est toujours possible de remonter d’une décision, quelle qu’elle soit, et d’y voir la conséquence d’un « intérêt ». Madoff trouvait un « intérêt » à ses décisions. François d’Assise aussi.
28 novembre 2012 at 18:08
@ tocquevil
Il n’y a pas d’âge d’or. Hier n’était pas mieux qu’aujourd’hui et demain ne sera pas radieux.
Mais chaque époque a ses problèmes. Le mariage bourgeois avait ses côtés sombres, qui n’empêchaient pas l’existence de familles aimantes. L’instabilité affective qui caractérise notre époque a aussi ses côtés discutables. Je me garderai bien de dire que l’une ou l’autre époque est globalement supérieure.
Et pour ce qui est de « l’hypocrisie » je doute très fortement que l’on ait fait des progrès, même si les formes sont différentes.
28 novembre 2012 at 18:38
à Tocquevil
Vous savez, je ne parlais du mariage bourgeois que parce que Tschok l’avait mis sur le tapis.
En fait, ce qui m’intéresse, ce n’est pas le mariage bourgeois, mais le mariage catholique et sacramentel (c’est au passage ce qui différencie les mariages de type Feydeau-Flaubert-Maupassant des mariages de type Mauriac).
Quant à la notion chrétienne de « repentance », elle n’a rien à voir avec la notion de « culpabilité » et ses connotation nietzschéo-freudiennes. Mais, bon : je ne vais pas essayer de vous catéchiser : vous croiriez que je veux vous faire la morale, ce qui n’est absolument pas mon intention… Tout ce que j’ai à dire sur le sujet a été il y a 80 ans dit par Sigrid Undset dans « Printemps », ‘La femme fidèle » et « Christine Lavransdatter » à une époque où les Norvégiennes avaient cinquante ans d’avance sur les Françaises en termes d’évolution des moeurs…
Quant à la dédramatisation du « papillonnage », j’ai quand même le sentiment qu’elle a brisé beaucoup plus de couples qu’elle n’a permis d’en réconcilier… Quoi qu’il en soit, ne polémiquons pas : je ne crois pas que ni vous ni moi n’ayons une vision globale de la situation.
29 novembre 2012 at 12:50
Vous avez raison : nous n’avons pas une vision globale. Votre référence à Sigrid Undset m’interpelle cependant : n’a-t-elle pas proclamé, au rebours de féministes, que la place d’une femme est au foyer ?
29 novembre 2012 at 13:01
@ Aristote,
Meuh non, vous êtes vieux jeu, mais vous n’êtes pas con.
Vous partez de l’idée, autocentrée et nostalgique, qu’un mariage durable (25 ans) et reproductif (4 enfants) est LA référence du « bien faire » et vous montrez votre hostilité au divorce, perçu comme un mal à la limite nécessaire, mais un mal quand même.
Mais les temps ont changé et les références ne sont plus les mêmes. Aujourd’hui, on divorce plus facilement qu’hier. C’est ainsi.
Si vous n’intégrez pas le fait que les générations qui nous succèdent sont différentes de nous et qu’elles ne feront pas de leur héritage ce que nous avons fait du nôtre, vous resterez dans une pensée vieux jeu qui vous mettra automatiquement en butte avec le monde dans lequel vous vivez.
Et le pire, c’est que vous les avez faits, ces gosses. Quatre, en plus! Si vous ne voulez pas que le monde évolue, faut pas faire de gosses. Ou bien alors, c’est que vous pensez que votre descendance sera votre identique. Des clones.
Alors là, oui: si on se reproduit par clonage, en faisant de nos gosses les doubles parfaits de nous-mêmes, là, oui, on peut espérer rester dans un temps immuable.
C’est ça que vous espérez? La reproduction à l’identique d’une génération à l’autre? Fiston avec les mêmes croyances, les mêmes valeurs, les mêmes idées que papa? Et Fifille comme sa môman?
Nan mais, sincèrement, vous y croyez combien de secondes de suite à cette folie?
29 novembre 2012 at 16:09
à tocquevil,
Il faut n’avoir pas lu Sigrid Undset ou être de très mauvaise foi pour se contenter de résumer sa pensée de cette façon !
Surtout, il ne faut pas oublier que Sigrid Undset a toujours travaillé, et cela dès l’âge de 14 ans parce qu’elle était orpheline et devait contribuer à l’entretien de sa famille, Elle fut secrétaire toute sa jeunesse, passant ses nuits à acquérir seule la culture universitaire qu’elle ne pouvait recevoir comme étudiante. Elle y arriva brillamment d’ailleurs. Mais cette expérience de jeunesse fut d’autant plus douloureuse pour elle que feu son père avait été un brillant universitaire et qu’elle était consciente de son propre déclassement.
De même, après son divorce, elle dut se battre pour vivre de sa plumeet faire vivre les six enfants qu’elle avait à charge, parmi lesquels les trois enfants du premier mariage de son ex-mari et deux handicapés mentaux.
Le travail a donc toujours été pour elle soit une pénible nécessité soit l’exercice de son talent d’écrivain, mais toujours quelque chose qui passait après le devoir de faire vivre son foyer: elle écrivait d’ailleurs la nuit de préférence, consacrant ses journées aux soins de sa maison..
En tous cas, les intellectuelles bourgeoises qui ont donné le ton au féminisme à la française était assez mal placées pour faire la leçon qui dut toujours faire les plus grands efforts pour concilier ses études et son travail d’écrivain avec l’entretien d’une famille !!!
D’ailleurs, si on lit l’oeuvre de Sigrid Undset, on voit qu’elle connaît de fort près la question du travail des femmes, pour l’avoir vécu. Toutes ses héroïnes de roman travaillent (Cf. La Femme fidèle, Ida-Elisabeth, Printemps…). Certaines y voient déjà la condition de leur indépendance, lorsque les hommes sont défaillants (nous sommes en Norvège entre 1900 et 1940). Seulement, on voit bien dans ces diverses oeuvres qu’à ses yeux l’exercice des fonctions de mère ou de maîtresse de maison était d’une bien plus grande noblesse et bien plus épanouissant que celui de secrétaire de direction, chef d’entreprise ou ouvrière.
D’où ses polémiques des années trente avec les féministes de son temps où elle expliquait qu’à ses yeux, aucune femme ne devait sacrifier l’exercice de ses fonctions de mère à la fonction de ministre, par exemple. Pourquoi ? Parce qu’une mère est irremplaçable pour ses enfants. En revanche, un ministre est tout ce qu’il y a de plus facilement remplaçable…
Mais Sigrid Undset, qui votait social-démocrate, trouvait tout à fait souhaitable que les femmes qui travillent puissent concilier leur activité professionnelle avec la maternité. C’est ce qu’elle fit d’ailleurs avec un certain talent… Simplement elle considérait que dans la vie d’une femme les soins dus aux enfants devaient prévaloir sur les perspectives carriéristes.
Je soupçonne d’ailleurs nos féministes de caricaturer Sigrid Undset parce qu’elles sont plus carriéristes que féministes.
Je précise au passage qu’à ses yeux un père de famille devait lui aussi faire prévaloir les intérêts de sa famille sur ceux de sa carrière. Le fond du problème n’est donc pas de savoir si on est féministe ou pas mais si on est est individualiste ou « familialiste », si vous me permettez l’expression. La vérité est que la plupart des soi-disants féministes sont individualistes. Elles se fichent comme d’une guigne de la famille comme institution. Sigrid Undset quant à elle était une féministe familialiste. Elle voulait l’égalité de la femme et de l’homme, mais au sein d’un foyer uni où les époux font prévaloir les soins dus aux enfants sur tout autre intérêt social…
29 novembre 2012 at 19:41
@ Tocquevil,
Si Physdémon vous contrarie, demandez lui le sens du verbe « incriminer ».
Ou bien, comme Bashô, demandez lui d’où lui vient son envie de sur-érotiser les homos.
29 novembre 2012 at 22:17
C’est qu’il est taquin le père Tschok…
30 novembre 2012 at 01:44
@tshok: « Vous partez de l’idée, autocentrée et nostalgique, qu’un mariage durable (25 ans) et reproductif (4 enfants) est LA référence du « bien faire » »
Je pense que cet aspect des choses n’a pas vraiment changé. L’idéal qui structure la vie amoureuse de la plupart des gens reste celui-ci, consciemment ou inconsciemment. Qu’on trouve ça bien ou mal, d’ailleurs.
30 novembre 2012 at 14:57
@ tschok
Deux choses.
Un, je n’impose pas mon idée aux autres. J’accepte que certains n’en aient rien à battre de l’engagement amoureux. Mais alors, qu’ils soient cohérents, qu’ils ne se marient pas. Le mariage est fait pour ceux qui assument l’engagement. Si vous ne voulez pas vous engager, ne vous mariez pas, pacsez-vous au lieu de demander de changer le sens du mariage.
Certes, même ceux qui ont vraiment voulu s’engager peuvent échouer. Mais le divorce est bien alors la reconnaissance d’un échec.
Deux, oui, je pense que s’agissant du mariage, la durée et la reproduction sont la référence du bien faire, et même constitutifs de la définition du mariage.
J’ai sûrement bourré le mou de mes enfants. Mais voyez-vous, il leur arrive de sortir de l’ombre tutélaire de la puissance paternelle. Ils vont au cinéma, regardent l’une ou l’autre série télévisée, où la modernité se montre sans fausse pudeur.
Ils ont, parmi leurs amis, des enfants qui ont vécu le divorce de leurs parents, les familles recomposées, amis qui parfois trouvaient chez mes enfants l’oreille qu’ils ne trouvaient plus chez eux.
Ce n’était pas toujours l’enfer. Et ce n’est pas toujours rose dans les familles qui restent ensemble. Même dans la mienne, il a fallu parfois vouloir que cela dure. Heureusement, oui vraiment heureusement, parfois l’un, parfois l’autre, a fait ce qu’il fallait. Les enfants ne sont pas idiots, ils sentent les tensions, ils voient aussi l’engagement à l’oeuvre.
Eh bien au bout de tout cela, ce que mes enfants souhaitent pour leurs enfants et pour eux-mêmes, c’est le mariage durable.
Le monde évolue, mais le choix ou non de l’engagement traverse les âges. Personne, en tous cas pas moi, ne vous oblige à faire le choix de l’engagement. Mais laissez à mes enfants la possibilité de le faire et ne détruisez pas l’institution qui correspond à ce choix.
1 décembre 2012 at 17:31
Non, non, Physdémon ne me contrarie pas. C’est justement parce que j’apprécie ses connaissances et son point de vue (même si je ne le partage pas toujours), que je me suis permis de le titiller sur Sigrid Undset, ce qui m’a permis d’en savoir plus sur elle, puisque je confesse sans aucune honte ne l’avoir jamais lue.
1 décembre 2012 at 17:36
@ Aristote,
mais en quoi rendre le divorce plus facile – et le sens de mon intervention initiale était de souligner qu’il reste tout de même très difficile pour des raisons qui ne sont pas toutes liées à la procédure, mais à la difficulté de solder une vie partagée – enlève à vos enfants la possibilité de faire le choix de l’engagement ?
Outre que je suppose qu’il vont aussi s’engager devant dieu, et pas seulement devant M. Le Maire, que vaudrait cet engagement s’il ne tenait qu’aux difficultés que la loi opposerait à leur séparation ?
1 décembre 2012 at 18:54
@ tocquevil
Aurais-je jamais opiné qu’un engagement qui ne tiendrait qu’aux difficultés, etc., aurait une grande valeur ?
Non, et j’accepte qu’en cas d’échec consommé, une séparation peut valoir mieux.
Mais : si je me marie parce que je veux m’engager, mon engagement n’est sérieux que s’il me conduit à vouloir tout ce qui peut m’aider à tenir mon engagement. L’institution du mariage, quand la société y associait une valorisation de l’engagement, faisait partie de ce qui m’aidait à tenir un engagement dont nous savons tous qu’il n’est pas tous les jours évident.
Trop faciliter juridiquement le divorce (et je vous accorde bien volontiers qu’il est rarement facile humainement) me parait contradictoire avec le mariage institution. Si on veut garder une porte de sortie facile, d’autres arrangements existent. Avoir à choisir entre un mariage à sortie plus difficile et mettons un PACS à sortie nettement plus aisée oblige les deux partis à réfléchir un peu plus avant sur ce qu’elles font et la vérité de leur engagement.
Et quelque part, mon problème n’est pas juridique. Il est plus de trouver un meilleur équilibre entre le refus de stigmatiser ceux qui sont conduits à divorcer, qu’aurions-nous fait à leur place, et le refus de considérer le divorce comme « normal ».
1 décembre 2012 at 19:02
@ Logopathe,
Pas changé par rapport à quoi?
Le modèle du mariage durable et reproductif est assez récent dans notre histoire.
A la fin du XIXième siècle, par exemple, une famille sur 5 ne compte aucun enfant. Une famille sur 4 ne compte qu’un seul enfant. Le modèle familiale avec enfants concentre l’essentiel de ses effectifs sur la tranche 1 à 3 enfants (60% des familles)
Dès qu’on passe la barre des 4 enfants par famille, ça s’effondre et ça se disperse.
Source: http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0301-8644_1891_num_2_1_7512
Aller à: pages 43 et 44.
Pire, la contraception se développe en France dès… le XVIII ième siècle.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1972_num_27_4_422587
Lisez ce lien (s’il fonctionne) et allez aux pages 1129 et 1130: on y apprend que « l’évêque du Mans constate en 1842 que les pratiques contraceptives sont monnaie courante dans son diocèse et sont le fait le plus souvent de bons catholiques ».
Ca c’est pour le mythe du mariage reproductif, pourtant placé sous l’empire d’un code civil qui hissait le mariage d’un homme et d’une femme ayant une descendance légitime au sommet de sa hiérarchie. La loi n’a pu infléchir les comportements malthusiens, inspirés notamment par le souci de ne pas disperser le patrimoine entre de trop nombreux héritiers.
Quant à la da durabilité: les niveaux élevés de mortalités tant des hommes que des femmes faisaient que les mariages pouvaient être courts, car il ne faut pas l’oublier, le mariage se dissout par la mort des époux (y a pas que le divorce).
En conséquence de quoi le veuvage était fréquent et, à certaines périodes, entre un tiers et un quart des mariages étaient des remariages de veufs ou de veuves.
Le mariage était également tardif: au delà de 25 ans. Compte tenu de l’espérance de vie, il était court. On se mariait pour la vie, mais ça durait pas trop longtemps, non plus.
Encore un mythe qui s’effondre…
En fait, le mariage durable et reproductif s’est imposé comme une modèle à la fois démographique et social au moment des Trente Glorieuses. Hier, quoi. Et encore ne s’agissait-il que du couple avec deux enfants, pour qu’on puisse les faire tenir dans une 504 Peugeot ou un appartement F4 dans un ensemble immobilier en banlieue.
La croissance économique et l’augmentation de la productivité ont fait plus et mieux pour imposer ce modèle – dans ces limites – que les lois de la république ou la volonté de Dieu. Surprenante société de consommation…
Par ailleurs, la nécessité des sentiments amoureux entre époux ne s’imposent comme une norme sociale qu’avec… le cinéma. L’abondante production d’œuvres cinématographique à l’eau de rose a été le meilleur allié de l’amuuuuuur, conditionnant les individus dès l’enfance. Mieux que l’école.
(vive Walt Disney!)
Bref, n’oublions pas que le père Noël, tel que nous le connaissons est une invention de Coca Cola et demandons nous s’il n’en est pas de même pour notre sacro-saint mariage durable, reproductif et amoureux.
Ca nous fait un choc?
Ben, demandons nous si le téléphone portable que nous avons tous en poche a plus changé notre vie que, mettons, les 15 dernières grandes réformes législatives.
1 décembre 2012 at 19:40
@ Aristote,
Deux choses, moi aussi:
Un: oui, le divorce est le constat d’un échec. la nécessité de passer devant le juge pour le constater montre bien que la société accorde de l’importance à la valeur de l’engagement. Ce que le maire a pu faire en se bornant à constater l’accord des conjoints, le juge doit le défaire, souvent en constatant leur désaccord.
Le maire est un officier de police judiciaire, le juge un magistrat. Il a été question de réformer le droit du divorce et d’instituer une procédure devant notaire. Cette réforme a été rejetée.
Deux: vous dites que « s’agissant du mariage, la durée et la reproduction sont la référence du bien faire, et même constitutifs de la définition du mariage. »
Grand bien vous fasse, mais cette définition est contingente: elle vous fait considérer comme absolu quelque chose de très relatif.
C’est ce qu’on appelle un « point de vue ». Vous pouvez l’avoir, hein? Je dis pas le contraire.
C’est comme si vous disiez « de mon point de vue, un appareil destiné à enregistrer le son comporte obligatoirement une bande magnétique ».
C’est pas faux, non plus. Mais c’est juste une fraction de l’état des technologies du son à un moment donné. L’Ipod n’est pas dans le scope qui est balayé, pas plus que le cylindre de cire.
Ou encore: une porte, c’est un truc qui ne s’ouvre qu’avec une clé. Si ça s’ouvre avec autre chose, ben c’est plus une porte. Et il est bien sûr entendu que toutes les portes dans le monde se sont toujours ouvertes à l’aide d’une clé.
Vous voyez ce que je veux dire?
On a vraiment l’impression que vous universalisez ce que la vie vous a appris dans la portion d’existence qui est la vôtre actuellement.
Sinon, je ne suis pas Gengis Khan et je n’ai pas l’intention de détruire le mariage ni priver vos enfants de leurs espoirs et de leurs rêves.
@ Tocquevil,
Si vous vous confessez sans honte, y a un truc qui va pas.
1 décembre 2012 at 21:32
à tschok
on voit que vous n’avez pas une grande expérience de la confession…
2 décembre 2012 at 11:21
@ tschok
Vous pourriez me faire crédit d’un minimum de culture historique. Je sais bien que la pratique du coïtus interruptus est ancienne et que les dispositions successorales introduites par le code civil de Napoléon pas encore Bonaparte, couplées avec la baisse de la mortalité infantile, ont conduit beaucoup de familles à restreindre leur descendance.
Cela dit, le mariage restait bien reproductif, l’idée était de s’assurer d’une descendance, de renouveler les générations. Selon les temps et les lieux, les motivations ont pu varier : assurer la continuation du culte des ancêtres, transmettre un nom, un titre, un patrimoine, participer au don divin de la vie, que sais-je. Mais il me paraît difficile de contester que la dimension reproductrice du mariage lui est constitutive. Le mariage est l’institution par laquelle, entre autres, la société organise la succession des générations. Beaucoup ou peu d’enfants, c’est un autre problème.
La durée, c’est plus compliqué. Il y a deux questions distinctes.
La durée statistique, d’abord. Il faut se méfier des moyennes. Dans les temps anciens, une espérance de vie faible en moyenne était d’abord la combinaison d’une forte mortalité infantile et d’une espérance de vie raisonnable pour ceux qui avaient survécu à l’enfance. Les mères mourraient en couches, c’est vrai. Mais de là à insinuer que la plupart des gens se mariaient en espérant être promptement délivrés par un prochain veuvage…
On connaît des exemples de jeunes femmes accortes épousant des vieillards riches sans descendance en espérant mener bientôt une vie de veuve joyeuse. Elles furent parfois déçues. Le preux chevalier se devait de défendre la veuve et l’orphelin, ce qui semblerait a contrario suggérer que le veuvage n’était pas vraiment souhaité.
L’autre, c’est la répudiation. C’était de fait une pratique universelle, et son refus est une vraie nouveauté du mariage chrétien. C’était aussi une pratique asymétrique, rarement accordée aux femmes, avec une exception pour Rome si ma mémoire est correcte. Répudiation d’ailleurs souvent liée à la dimension reproductive du mariage, c’est souvent la femme stérile qui était répudiée. L’alternative était la polygamie.
Faut-il militer pour le rétablissement de la répudiation, en garantissant cette fois l’égalité des sexes ? On ressent une gêne, non ?
Tschok, je ne vous demande nullement de souscrire à l’idéal du mariage durable et reproductif (c’est vous qui avez rajouté l’amouuuuuur à la Walt Disney, pas moi). Faites comme il vous chante. Mais j’ai du mal à comprendre cette difficulté que vous avez à accepter que le mariage a à faire avec la durée et la reproduction.
Vous m’accusez d’universaliser à partir de mon nombril. Je pourrais en retour vous accuser de n’être sensible qu’à l’écume des jours. Quel intérêt pour le débat ?
3 décembre 2012 at 11:28
@tshok: Aristote vous a répondu pour l’essentiel.
J’ajoute que la faible natalité en France au XIXe est une exception en Europe, liée au fait que la France a entamé sa transition démographique plus tôt que les autres pays, pour des raisons complexes.
Mais je ne vois pas trop le rapport avec le fait que, depuis à peu près toujours, le mariage a vocation à être durable et à encadrer la reproduction, quel que soit le nombre d’enfants. C’est la raison pour laquelle il est indissoluble pour l’Eglise, et difficile à rompre pour la République. Le fait que je reprenais votre phrase, qui comportait la précision « 4 enfants », pouvait effectivement laisser entendre que j’ajoutais la notion de « beaucoup d’enfants » à la définition; ce n’est pas le cas.
Sur le poncif comme quoi les mariages ne duraient pas longtemps de toute façon, Aristote vous a déjà répondu.
Sur l’amour, je ne l’incluais pas dans la définition; mais j’attire votre attention sur le fait que les contes de fées ne datent pas de Walt Disney.
Maintenant, que cette définition puisse évoluer, pourquoi pas.
Mais encore faut-il avoir des bonnes raisons de le faire. Est-il pertinent de créer une nouvelle institution, intitulée « mariage », par laquelle l’Etat prend acte de l’amour que se portent deux individus, et leur accorde en récompense des avantages fiscaux?
J’ai comme un doute.
3 décembre 2012 at 11:34
@ Logopathe
Les « 4 enfants » étaient une pique à mon égard, c’est le nombre de ceux que j’ai avoués sur ce blog. :-)
3 décembre 2012 at 13:32
@ Aristote,
Reprenons.
Dire que la reproduction est un élément constitutif du mariage suppose d’accomplir trois opérations intellectuelles.
1) Les gens se marient-ils pour se reproduire, ou bien est-ce parce qu’ils se reproduisent qu’on les marie?
Comme le dit très bien Logopathe lui-même, le mariage a vocation à encadrer la reproduction, qui est une fonction biologique à fortes conséquences politiques, économiques et sociales. Le mariage encadre. Ce qui encadre, c’est ce qui contient. C’est le contenant. Le contenu, c’est à dire la fonction reproductrice elle-même, est l’élément constitutif d’autre chose: le couple biologique, qui peut durer le temps d’un rapport sexuel, d’une saison, d’un coup de foudre ou d’une vie. C’est selon.
Dire que la reproduction est un élément constitutif du mariage, c’est faire du contenant un contenu et c’est ça l’opération intellectuelle intéressante.
Cette opération intellectuelle est un acte de volonté qui veut combattre la réalité factuelle: mettre l’eau à la place de la bouteille qui la contient.
C’est une opération magique.
2) Cette opération magique veut combattre la réalité factuelle du mariage.
Car la réalité factuelle du mariage est plurielle, or la magie a besoin d’une solution unique, d’un modèle unique et fédérateur qui ne parte pas dans tous les sens, mais dans une seule direction, la seule, la vraie, la bonne.
C’est à dire un idéal dont la société a besoin a un temps « t » de son histoire (cf point 3).
Pourtant le mariage est pluriel par nature.
Sur un terrain juridique, par exemple, le mariage est dual: il est à la fois contrat et institution. Il est juridiquement polymorphe, figurez-vous.
Sur le terrain du réel, les pratiques font fi de la volonté magique: à certaines époques de notre histoire, pour ne reprendre que la nôtre, le mariage a été conçu par un nombre significatif d’époux, non pas comme le cadre de leur reproduction, ce dont ils n’avaient strictement rien à foutre, mais comme le cadre d’une organisation essentiellement économique conférant un rang social, qu’ils voulaient maintenir.
Les gosses, rien à foutre.
Cette réalité factuelle a existé, existe encore et existera toujours. Pourtant les gens qui sont mariés sans enfants sont bel et bien mariés et personne ne songe à dire le contraire.
La deuxième opération intellectuelle est un déni du réel, un déni nécessaire pour que l’idéal du mariage puisse exister. Pour croire, il faut nier le réel. Regardez d’ailleurs comme vous le discutailler sans fin.
3) On se donne la peine de faire un tour de magie (mettre l’eau à la place de la bouteille) pour sacraliser le mariage parce qu’on le perçoit comme un idéal.
Rappelons-le: le mariage se définit par « les liens sacrés » qu’il instaure entre deux individus. C’est le seul contrat à pouvoir le faire. Il n’y en a pas d’autres.
Maintenant, il est clair que cet idéal peut devenir moins idéal avec l’évolution des mentalités et des mœurs. Vous vous en plaignez d’ailleurs en regrettant que l’idéal actuel du mariage, facile à dissoudre par le divorce, ne soit plus conforme à votre idéal du mariage, fondé sur l’engagement.
Par une opération intellectuelle qui rappelle beaucoup la transsubstantiation du Christ, le contenant (le mariage en tant qu’acte juridique, à la base un banal contrat, mais reconnu par l’autorité, que ce soit l’Etat ou l’Eglise) est assimilé à ce qu’il contient, notamment la fonction reproductive, mais pas qu’elle, pour devenir ce contenu lui-même.
C’est cette opération de sacralisation qui permet d’affirmer que la reproduction est un élément constitutif du mariage. Mais attention, pas du mariage tout court, mais du mariage idéal.
Maintenant, sur un terrain rationnel, il faut quand même bien comprendre que tout cela n’est qu’une construction intellectuelle et qu’il vaudrait mieux distinguer les cas.
Quand Philarête affirme que l’altérité sexuelle est un élément constitutif du mariage, il parle de son idéal du mariage. Et dans ce cas, il a logiquement raison, car son idéal sacralise l’altérité sexuelle par définition.
Quand vous affirmez que la reproduction est un élément constitutif du mariage, vous parlez là encore d’un mariage idéal et sur ce plan, vous avez logiquement raison, par définition.
Maintenant, si vous vous donnez un peu la peine de sortir de votre citadelle de convictions, vous verrez, sans pour autant qu’il vous soit imposé de changer d’avis, qu’il y a d’autres modèles intellectuels du mariage.
Et dans ce cas, l’objet de notre discussion est de savoir si notre idéal actuel du mariage peut inclure, ou non, l’option homosexuelle, dans la société d’aujourd’hui.
3 décembre 2012 at 15:07
@ Logopathe,
Votre réponse est intéressante.
Pour vous, Aristote m’a répondu « pour l’essentiel ».
Pour moi, il m’a répondu à côté de la plaque.
Il tente de sauver son idée: la reproduction est un élément constitutif du mariage, en tant qu’universalisme. Quand je lui mets les statistiques sous le nez, avec le constat d’un évêque, qui a noté des comportements pratiques dans son diocèse, il ouvre le robinet à langue de bois.
La reproduction en tant qu’élément constitutif de son idéal de mariage est un particularisme de ce modèle. Et encore, ça se discute, puisque d’autres conceptions du mariage, moins marquées par la religion que celle qu’il défend, intègrent elles aussi cette fonction, qui ne serait par conséquent pas un particularisme, mais serait un topique.
C’est plutôt vous qui avez mis le doigt sur ce qui, à mes yeux, est dans le sujet.
Quand vous dites que le mariage encadre la fonction reproductrice de l’être humain, pour moi et jusqu’à preuve du contraire, vous êtes dans le vrai. C’est quelque chose que je peux vérifier et, moyennant quelques nuances, on voit bien que l’une des fonctions du mariage dans son acception la plus large est d’encadrer la reproduction dans ses différentes dimensions (l’acte sexuel, la naissance d’un nouvel être, les liens de filiation, les conséquences sur le nom, la dévolution du patrimoine, etc).
Le mariage n’est bien évidemment plus et pas la seule forme qui permet cela, puisque, aujourd’hui, un enfant sur deux nait hors mariage.
Maintenant, la question qu’on pourrait vous poser, à vous, hommes de convictions, est la suivante:
– Comment expliquer les mariages non reproductifs (1 mariage sur 5 dans le passé)
– Comment expliquer les naissances hors mariage (1 sur 2 dans le présent)?
Face à ces deux réalités, à la fois historique pour l’un et actuelle pour l’autre, comment comptez-vous expliquer objectivement, et j’insiste vraiment sur ce mot, objectivement, la validité de votre affirmation selon laquelle, je le rappelle, la reproduction est un élément constitutif du mariage?
Ou bien alors, faut-il poser une autre question: pour croire, faut-il dénier le réel? Et si oui, est-ce une bonne croyance?
Attention, voilà les conséquences d’une réponse positive:
Si vos croyances s’appuient sur un déni du réel, à part vous, à part ceux qui partagent les mêmes convictions que vous, qui comptez vous convaincre?
3 décembre 2012 at 15:27
Pour bien me faire comprendre: je ne vous demande pas de m’expliquer la démographie française.
Je vous demande de m’expliquer comment vous rendez vos croyances compatibles avec les pratiques que la démographie révèle.
Ne me refaites pas les com 152 et 153.
Ne discutaillez pas les causes des comportements démographiques pour mieux les faire oublier, mais au contraire acceptez-les en tant que tels et prenez-les en compte dans votre raisonnement en ayant à l’esprit ce que vous voulez démontrer: la reproduction est un élément constitutif du mariage.
C’est ça votre affirmation, votre « dogme ». Alors, allons-y.
Vos tours de passe-passe, je les connais et ils n’impressionnent que vous: on n’est pas dans la magie de l’hostie et du vin de messe, là.
Le but du jeu est de prouver la validité d’une affirmation.
3 décembre 2012 at 15:48
@tshok: j’ai un peu de mal à vous répondre, parce que je ne comprends pas bien ce que vous écrivez. C’est un peu trop subtil pour moi.
Que le mariage ait lieu avant ou après la naissance des enfants, on s’en fout. Ni Aristote ni personne n’a cherché à dire que se marier était une condition nécessaire pour faire des enfants, ni qu’on ne pouvait pas se marier sans faire des enfants.
Le mariage est, entre autres, un moyen de sécuriser la famille. Il n’oblige pas à se reproduire, et on peut s’en passer si on veut faire des enfants. Vous prêtez à Aristote et à moi-même des arguments absolutistes et essentialisants que nous n’avons pas.
A l’usage, que constate-t-on encore? La grande majorité des gens qui se marient ont des enfants ensemble (4 sur 5 autrefois, d’après votre statistique; aujourd’hui je ne sais pas). Qu’ils les aient avant ou après la cérémonie, on s’en fout. Raisonner sur ceux qui n’ont pas d’enfants, c’est raisonner sur une exception.
En revanche, de moins en moins de gens qui ont ou veulent des enfants se marient. L’institution est-elle encore utile? Si non, faut-il la redéfinir pour qu’elle le soit à nouveau? Ou la supprimer? La question peut être posée.
Pour le reste, tout est dans les deux premiers articles du code civil consacrés à cette institution:
« Art 212
Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance.
Art 213
Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille, ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir. »
Le mariage, dans l’état actuel des choses, est donc 1) un engagement fort et 2) un cadre pour la famille. Le fait que sa dissolution soit difficile atteste par ailleurs du fait que le mariage est conçu pour être durable.
Je ne comprends pas bien ce que vous contestez là-dedans. Les gens qui se marient sans avoir ces aspects du mariage en tête aboutissent généralement à l’échec: ils utilisent l’institution de travers. Certains, face à ça, disent: « il faut mieux communiquer la définition du mariage, pour éviter qu’on s’y engage à la légère; il y a le pacs pour les nouveaux types de couples ». Vous, vous dites « il faut changer le mariage, pour le faire coller aux nouveaux types de couples ». Ca ne me semble pas très juste, puisque du coup c’est la nouvelle conception qui s’impose à tous; mais bon, pourquoi pas. Mais ne dites pas que le mariage est autre chose que ce qu’il est, dans l’état actuel des choses.
C’est ce qui me gêne le plus, dans un débat où je pourrais facilement être converti par les « pour »; c’est cette façon d’escamoter le changement programmé en faisant croire qu’il a déjà eu lieu.
3 décembre 2012 at 16:01
Pour être encore plus clair, vous avez parfaitement le droit d’acheter un 4×4 alors que vous ne roulez qu’en ville. Nombreux sont ceux qui, paraît-il, le font. C’est leur droit le plus strict. Ils ont des raisons pour le faire: confort de conduite, marqueur social, solidité, impression de dominer la route et les autres conducteurs… Que sais-je. Ces raisons ne sont pas absurdes; elles relèvent bien des caractéristiques de ces véhicules.
Pourtant, on ne peut pas s’empêcher de leur faire remarquer (à part soi, bien sûr) que les 4×4 sont faits, prioritairement, pour affronter des terrains cahoteux.
Eh ben le mariage, c’est un peu pareil. C’est clairement fait pour encadrer la famille et les enfants: l’article 213 du code civil est sans ambiguïté, et quand vous vous mariez, on vous remet un livret de famille avec un certain nombre de pages réservées aux enfants futurs (ou déjà nés).
Il n’y a donc pas le plus petit doute quand à la vocation reproductive du mariage. Mais vraiment pas le plus petit. Pour autant, certains peuvent vouloir contracter un mariage pour d’autres raisons. C’est leur droit le plus strict. Souvent, ces raisons tiennent aux avantages fiscaux et sociaux qui ont été accordés aux personnes mariées. Ou alors, à une vision romantique du mariage. Pas de problème. Ces cas ne contredisent absolument pas le fait, établi, que le mariage a d’abord vocation à encadrer la famille. Et même si les mariés ont 80 ans, a priori, on leur donnera un livret de famille avec des pages en blanc pour les enfants. Et on leur lira, vraisemblablement, les mêmes articles du code civil, même s’ils ne s’appliquent pas à eux.
Faut-il changer ça? Pourquoi pas. Mais on le dit, on le justifie, et on l’argumente.
3 décembre 2012 at 16:21
Au passage, l’analyse de l’Unaf, qui fédère les associations familiales de toute obédience: http://www.unaf.fr/spip.php?article15238
3 décembre 2012 at 17:03
@ tschok
L’exaspération croissante de votre ton est quand même frappante.
Je ne sais pas ce que vous faites dans la vie, mais vous argumentez comme un avocat. C’est à dire que vous bâtissez des oppositions rhétoriques en noir et blanc, pour pouvoir assimiler la position de la partie adverse au noir le plus noir, sans vous soucier vraiment de ce qu’elle dit.
Et les oppositions que vous fabriquez n’ont rien d’évident. Ainsi vous mettez en avant la distinction entre contenant et contenu. Comme métaphore pourquoi pas. Mais les contenants doivent être adaptés au contenu. Si vous transportez de l’acide sulfurique ou du combustible nucléaire, vous avez intérêt à avoir un contenant assez adapté.
Entre dire que le mariage est une institution adaptée à contenir la reproduction (au sens large, pas limité à la fonction purement biologique) de la société ou que la reproduction (toujours au sens large) est un élément constitutif de l’institution du mariage, sans doute y a-t-il une nuance de sens, mais son importance m’échappe.
Ensuite, c’est vrai, on peut remplir avec de l’eau un récipient destiné à contenir de l’acide sulfurique. Ainsi, les institutions sont bonnes filles, elles se laissent abuser. Et de même que la naissance d’aveugles-nés n’empêche pas qu’une personne humaine est normalement capable de voir et qu’il est souhaitable qu’elle puisse voir, l’existence de mariages stériles n’empêche pas que la reproduction est normalement constitutive du mariage.
Je tiens à insister sur le fait que dire que la reproduction est une dimension constitutive du mariage ne dit rien du nombre d’enfants par ailleurs souhaité par les conjoints. C’est pourquoi je ne comprends toujours pas la pertinence de votre citation d’évêque.
Sur les enfants hors mariage, je me garderais de conclure trop vite sur l’interprétation qu’il faut en faire. Après tout j’ai un frère qui a fait deux enfants hors mariage, puis a épousé la mère de ses deux enfants et lui a refait deux autres enfants. Nous sommes abonnés au chiffre 4 dans la famille :-). Cela vous fait bien 50 % de hors mariage.
Peut-être vivons-nous la fin du mariage comme institution sociale. Pas impossible du tout. Son éternité n’est pas garantie. Mais à tout prendre, je préfère envisager de signer un certificat de décès à me résoudre à honorer un fantôme.
3 décembre 2012 at 20:46
tschok semble s’emporter sur cette phrase: « Mais il me paraît difficile de contester que la dimension reproductrice du mariage lui est constitutive. »
Ce qui est amusant c’est que, pour moi, ce qui semble difficile est d’affirmer « que la dimension reproductrice du mariage lui soit constitutive. »
Constitutif ne signifie pas accessoire. Si c’est constitutif… on ne peut pas l’enlever… si c’est constitutif alors l’absence de cet élément révèle l’absence de la chose tout entière… non ?
Si on considère que l’eau est constitutive de la vie… alors l’absence d’eau implique l’absence de vie. Hors si j’observe un couple, l’absence d’enfants comme l’absence de volonté d’avoir des enfants ou l’infertilité, n’impliquent pas pas l’absence de mariage. Par conséquent la dimension reproductive du couple n’est pas constitutive du mariage…
4 décembre 2012 at 09:02
@ khazan
L’existence de fait du couple ne présume pas de l’existence ou non d’un mariage. La question reste entière.
Par ailleurs, la comparaison n’est pas bonne. On ne peut pas « analyser » une institution comme on peut analyser de l’eau.
Nous savons qu’il existe des mariages blancs. Les formes de l’institution sont respectées, la réalité n’y est pas. Le cas des époux involontairement stériles n’est pas un problème, ils se sont mariés dans une perspective de reproduction. Si la stérilité est connue d’avance (par exemple un remariage tardif) ou voulue, on est suivant les cas d’espèces dans le mariage blanc ou dans la métaphore du 4X4 de Logopathe.
Le domaine des institutions n’est pas celui des lois rigoureuses des sciences naturelles. Il y a toujours des exceptions, des détournements. Si l’on veut absolument tenir le principe qu’un contre-exemple suffit à invalider une proposition, alors aucune institution ne tient. On ne peut pas alors dire que la reproduction n’est pas une dimension constitutive du mariage, tout ce qu’on peut dire, c’est que l’institution du mariage n’existe pas, que les institutions ne sont que des fictions. Thèse que je ne partage pas, mais qui a le mérite de la cohérence.
4 décembre 2012 at 11:06
@ khazan
L’existence d’exceptions, de détournements peut ne pas être vue comme une imperfection des institutions sociales mais comme la marque du jeu de la liberté humaine.
La molécule d’eau n’a pas le choix d’être ou non composée de deux atomes d’H et d’un atome d’O. Deux personnes qui entrent dans les formes de l’institution du mariage ont aussi à consentir, ou non, à l’institution. Consentement plus ou moins éclairé, plus ou moins libre, tous les cas de figure se présenteront. Certains non seulement ne consentiront pas, mais subvertiront volontairement l’institution. Cela n’empêche pas l’institution d’exister.
4 décembre 2012 at 14:10
@ Logopathe,
Arf!
S’il y a quelque chose qui m’énerve, c’est de ne pas trouver les mots pour me faire comprendre. Pourtant je fais des tirets, des paragraphes, et en plus, je me fais chier avec une bouteille d’eau, pffff!
Par quel bout puis-je prendre le problème?
(je réfléchis là)
Je pars d’une idée simple: à moins d’être dans la proclamation d’une conviction personnelle ou dans la manifestation de volonté, une thèse quelconque doit pouvoir se vérifier dans la réalité.
Ainsi, si je dis que la reproduction est un élément constitutif du mariage, je peux me situer sur deux plans différents. Soit l’énoncé de mes convictions personnelles ou la proclamation d’une volonté (je crois ou je veux qu’il en soit ainsi), et à cela je ne vois aucun inconvénient: tout le monde a le droit de croire et/ou de vouloir. On pourrait appeler ça le plan de l’idée ou du vouloir. C’est le domaine de la liberté.
Soit, c’est la deuxième option, on se situe sur le terrain de l’énoncé d’une thèse qui doit donc pouvoir se vérifier dans le réel. On pourrait appeler ça le plan du réel. Sur ce terrain, la croyance et la volonté sont moins importantes que la connaissance et le savoir. C’est le domaine de la méthode.
Or, quand on énonce ses convictions perso, on souhaite souvent leur donner plus de force en les faisant coïncider avec un réel qu’on invente pour les besoins de la cause, et c’est là que ça coince, car on mélange les deux plans.
Deuxième idée simple: je me mets à la place de mon contradicteur. Si j’étais à un dîner en ville et que je devais soutenir la thèse (plan du réel, donc) de l’universalité de l’essence du mariage à travers le temps et l’espace, j’éviterais deux choses.
D’une part, je ne chercherais pas à définir quelque chose d’universel dans le mariage à travers les obligations des époux; C’est sujet à trop de variations significatives à travers le temps et l’espace. Par exemple, l’obligation de fidélité dans le mariage polygame, je sais pas ce que c’est, mais je sais que ce n’est pas la même que dans le mariage monogame. Or les deux types de mariages existent.
De même pour les prérogatives respectives des époux dans la conduite des affaires familiales. Trop de variations. On ne peut pas universaliser.
D’autre part, je ne chercherais pas non plus à définir quelque chose d’universel dans le mariage à travers cette fois les conditions du mariage tenant aux époux, comme l’âge, l’origine ethnique ou même l’altérité sexuelle.
Là encore, il y a trop de variations en fonction des époques et des sociétés: je ne peux universaliser car je ne suis pas en mesure de dire « voilà, le mariage à travers le temps et l’espace c’est tel truc bien définit et ça bouge pas ».
Alors, que me reste-t-il?
Une porte de sortie: les conditions de forme.
Bizarrement, elles sont très stables.
Par exemple, un mariage est toujours célébré par une autorité: un chef de tribu, un chef de conseil des anciens, un sorcier, un prêtre, un maire, etc.
Le mariage peut même être célébré par un ennemi. Par exemple, dans The African Queen, le mariage des deux héros incarnés par Humphrey Bogart et Katherine Hepburn est célébré, en prélude à leur exécution, par le capitaine de la canonnière allemande.
Du moment que celui qui célèbre le mariage a autorité, c’est bon. Il peut même s’agir d’un criminel. Un pirate par exemple.
Dans Pirates des Caraïbes, les deux héros sont encore mariés par un capitaine, l’affreux Barbossa. Ce mariage est techniquement valable, car il a autorité pour le faire en vertu de sa qualité de capitaine.
Le mariage est encore public. C’est une condition de forme très stable, car ce qu’on recherche dans le mariage, c’est l’opposabilité au tiers de la situation juridique qu’il crée. La meilleure façon de le rendre public, c’est d’en faire une fête. Le mariage est donc un événement festif.
Etc.
Et là je me rends compte que si je peux valablement parler d’éléments constitutifs du mariage au sens que Philarête donne à l’expression, c’est bien davantage à propos de ces conditions de forme que du reste.
C’est ce paradoxe que j’essaye lamentablement d’expliquer à Aristote et à vous.
Sur le plan du réel, les éléments constitutifs du mariage ne sont pas là où on les met par acte de volonté ou croyance.
Cela étant dit, nous pouvons parfaitement par acte de volonté ou croyance, élaborer un modèle de mariage qui inclut par exemple la reproduction parmi ses éléments essentiels.
C’est d’ailleurs ce qu’a fait le code civil, bien qu’il n’en ait jamais fait un élément constitutif au sens que Philarête donne à cette expression (un élément consubstantiel = qui ne peut être retiré ou modifié sans changer la nature de ce à quoi il s’applique).
En effet, pour ce qui est de la reproduction, le code civil n’a jamais subordonné la validité du mariage à la procréation en tant que telle. Jamais. Je n’y suis pour rien, c’est çakom. C’est un fait.
Il a fait autre chose: si, dans l’esprit des époux, la procréation était un élément essentiel de leur consentement au mariage, alors l’absence d’enfant peut devenir un moyen de nullité du mariage sous certaines conditions. C’est complètement différent.
Il faut voir dans cette nuance une manifestation du dualisme du mariage: l’institution n’oblige pas à faire des gosses. Mais le contrat, s’il est fondé sur la volonté commune d’en avoir, peut éventuellement être annulé s’il n’y en a pas.
A partir de là, je suis bien forcé de dire à Aristote qu’il se plante lorsqu’il affirme que « il me paraît difficile de contester que la dimension reproductrice du mariage lui est constitutive. » (Cf com Khazan 162).
Le système ne marche pas comme ça. Mais s’il veut en faire une conviction, il est libre.
(chuis long, hein?)
4 décembre 2012 at 15:21
@ Aristote, com 161,
Ne nous mélangeons pas les pinceaux.
Ce sur quoi je vous réponds, en contestant en bloc votre position, c’est l’universalisation d’une conception autocentrée du mariage en tant que:
– Union durable
– Incluant une fonction reproductive conçue comme un élément constitutif (selon la définition qu’en donne Philarête dans son post).
J’y ai rajouté l’amour, car en fait le modèle de mariage en tant qu’union durable à des fins reproductives correspond au modèle romantique du mariage véhiculé par le cinéma et la littérature, comme instrument du bonheur (« ils se marièrent, vécurent heureux jusqu’à la fin des temps et eurent beaucoup d’enfant »).
Sur la durabilité, je fais le constat que cela ne se vérifie pas aussi bien qu’on le pense dans les faits et qu’en réalité le modèle de l’union durable est très récent, en tant que fait social dominant, parce qu’il fallait sans doute atteindre un certain niveau de développement économique et qu’il n’est peut être qu’une parenthèse.
Jadis, on mourrait trop jeune pour durer dans le mariage et aujourd’hui, on intègre le divorce par consentement mutuel, qui a une forte incidence sur la durée moyenne des mariages.
Ce que je vous dis, c’est simplement que ce modèle de mariage durable a sans doute plus été un credo, une espérance, une norme à atteindre, qu’une réalité historiquement pérenne.
Sur la fonction reproductive, je m’en suis longuement expliqué. Je peux rajouter, pour faire la synthèse de ma pensée, que je classerais bien plus facilement cette fonction reproductive dans la catégorie des topiques que dans la catégorie des particularismes ou des spécificités. Et certainement pas dans la catégorie des éléments constitutifs (au sens philarêtien).
Dit autrement, la reproduction n’est pas un particularisme ou une spécificité du mariage, car on constate deux choses: les mariages sans enfants et les enfants nés hors mariage existent.
On ne peut pas dire non plus que c’est un élément constitutif au sens philarêtien (Cf mon com précédent) parce que ce n’est pas ainsi que notre code civil conçoit le mariage. Il ne fait clairement pas de la reproduction une condition de validité du mariage.
Il nous reste quoi? Ben, dire que la reproduction est un topique, entendu dans le sens de caractère d’une chose qui permet de la classer dans une catégorie sans pour autant constituer un particularisme ou une spécificité propre.
Ex: les véhicules terrestres à moteur ont le plus souvent des roues, mais il leur arrive aussi d’avoir des chenilles. Le fait d’avoir des roues est un topique.
Et enfin, comme vous, il est possible de se placer sur le plan de la conviction ou de la volonté. Et dans ce cas nous pouvons librement proclamer que nous voulons croire que la reproduction est un éléments constitutif du mariage.
Comme vous, je pourrais dire que j’y crois, car c’est ainsi qu’on me l’a enseigné, que cet enseignement je le tiens des pères de mes pères depuis 589 générations, que j’ai pas envie de changer ni de vivre dans un monde où la reproduction ne serait pas un élément constitutif du mariage. Ou pour toute autre raison.
Je pourrais vous le dire. Le seul problème est que je ne partage pas cette croyance. Mais c’est pas grave.
4 décembre 2012 at 17:08
@ tschok
Si l’on se place dans votre perspective, même les conditions de forme ne font pas le mariage. Les mariages secrets, sans témoin, ont existé et leur validité était reconnue par l’Église, dès lors que le consentement des époux n’était pas contestable. Bien sûr, cela posait des problèmes et on a imposé des conditions de forme, moins pour « valider » le mariage que pour éviter les tromperies conduisant à des situations de bigamie.
Les actes de propriété foncière se sont formalisés au cours du temps, pour des raisons diverses et variées. Faut-il en déduire que la propriété foncière n’a d’autre définition que celle de la forme d’un acte de propriété ou du registre des hypothèques ?
Et que faites-vous du « common law » marriage du droit coutumier anglo-saxon, où c’est la durée, le plus souvent associée à l’existence d’une descendance, et non la forme qui fait le mariage ?
Sur les « faits », notamment la durée et la dimension reproductrice du mariage, nous n’avons clairement pas la même lecture du réel. Je ne suis pas d’accord avec vos « constats ». Je sais bien que toute lecture a sa part d’interprétation, mais la remarque vaut aussi bien pour vous que pour moi.
Vous n’aimez pas l’idée de l’essence du mariage, terme que d’ailleurs ni Philarête ni moi-même n’avons jamais employé. Au-delà de la question particulière du mariage, vous n’aimez pas l’idée d’une réalité que l’on puisse nommer. Quelqu’un, Physdémon je crois, a fait la remarque que votre position est celle, défendue d’ailleurs au cours des âges par de brillants esprits, du nominalisme. Mais la critique des essences platoniciennes ne suffit pas à valider les thèse nominalistes.
4 décembre 2012 at 18:51
@ Logopathe,
Merci pour le lien. J’ai lu.
L’UNAF a tendance à voir des problèmes là où il n’y en a pas. Notamment, on n’échappe pas à la désormais traditionnelle question: que va devenir la présomption de paternité de l’article 312 du code civil qui dispose que « l’enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari »?
L’angoisse, quoi.
Et puis finalement, à la réflexion, après avoir fait bucher les 3 ou 4 prix Nobel qui se bousculent dans ses bureaux, l’UNAF parvient à une conclusion, sidérante: la présomption de paternité instaurée par cet article ne s’applique pas aux couples homos. Siiiii!
Mais pas pour d’obscures raisons de droit, comme elle le prétend.
Nan, nan. Pour d’autres raisons que je vais devoir vous dire à sa place:
– La probabilité pour qu’un homme qui couche avec un autre homme le mette enceinte est à ce jour de 0. Mariés ou pas, le résultat en laboratoire comme in vivo est stable et reste égal à 0.
– Une femme n’étant en aucun cas un père, la probabilité d’appliquer la présomption de paternité à un couple lesbien avec pertinence est, hors cas de connerie grave ou d’insuffisance intellectuelle notoire, égale à 0.
En l’état actuel des technologies médicales.
L’UNAF nous en tartine néanmoins des tonnes sur l’épineuse question, ce qui reste pour mois une grande énigme intellectuelle.
Perso, je préfère l’étude d’impact dispo sur le site du ministère de la justice, ici:
http://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPreparation.do?idDocument=JORFDOLE000026587592&type=general
C’est plus long (58 pages au lieu de 36) mais c’est plus satisfaisant en ce qui concerne la qualité de l’information, même si cette étude d’impact souffre du défaut inverse par rapport au doc de l’UNAF: elle est peut diserte sur les problèmes que pose la réforme au regard du grand nombre de combinaisons de situations possibles.
Compte tenu de la complexité du sujet, on reste étonné par la simplicité formelle de la réforme (en gros, un seul article clé).
Sinon, il reste la question assez symbolique somme toute, du remplacement des mots « père » et « mère » par « parents » ou « conjoints ». On peut y voir une bonne occasion de provoquer une tempête dans un verre d’eau.
(je devrais éviter ces métaphores à base de flotte, ça va finir par me nuire, je le sens)
4 décembre 2012 at 22:39
à Tschok et Aristote,
Il me semble que pour faire avancer la discussion il serait utile de consulter quelques anthropologues sur les origines du lien conjugal.
A mon sens, la référence incontournable sur le sujet est Emmanuel Todd dans « L’origine des systèmes familiaux », 2011.
Pour Todd, la structure familiale originaire est la famille nucléaire monogame etc. En fait la polygamie comme les familles patriarcales ou les familles souches seraient des inventions relativement récentes dans l’histoire humaine, dont l’apparition serait liée à l’invention de systèmes sociaux impérialistes… (Je schématise!)
Ce qui me frappe est que cette idée selon laquelle la famille nucléaire serait la forme d’organisation familiale originaire recoupe les hypothèses déjà anciennes d’un zoologue britannique, Desmond Morris qui, dans « le Singe nu », a soutenu il y a une quarantaine d’année que l’homme était naturellement monogame.
Ces deux théories fondées sur des argumentaires totalement indépendants tendent toutes deux à justifier la théorie de la Genèse selon laquelle, par nature, l’homme et la femme tendent à s’unir en couple stable pour constituer des familles nucléaires.
Je précise que ni Emmanuel Todd ni Desmond Morris ne sont des grenouilles de bénitier…
Bref, il y a ici des « lignes de faits convergentes » (pour parler comme Bergson) qui semblent confirmer que le type d’union décrit dans la Genèse serait bien originaire et « conforme à la nature » au sens que le droit naturel classique (Aristote, Cicéron etc) prête à cette expression.
Voilà pourquoi il me semble qu’on peut se référer à l’idée d’une forme originaire et naturelle du mariage dont les diverses variations historiques seraient autant d’adaptations, de déformations voire de dénaturations.
D’où l’idée que s’éloigner de la typologie du mariage esquissée dans la Genèse constituerait toujours une perversion de cette institution enracinée dans les inclinations de la « nature humaine ».
4 décembre 2012 at 23:43
Excellent article. Tous ces commentaires prouvent qu’un vrai débat est nécessaire mais notre société est-elle encore capable de philosopher alors qu’elle se donne bonne conscience en « imposant » de la philosophie en classe de terminale ? Pour répondre à certains commentaires, je ne crois pas que l’on peut seulement prendre acte qu’il faut « vivre avec son temps » sans rechercher un bien commun supérieur. Et ici, il s’agit aussi de pragmatisme et de réalisme. Il faut aussi se replonger dans l’histoire du mariage dans notre société : de naturel et polygame, il est devenu « traditionnel » sous l’influence de l’Eglise puis toujours « traditionnel » mais « civil » par volonté d’autonomie, légitime, par rapport à l’Eglise. Néanmoins, ce mariage traditionnel à toujours visé à protéger la famille avec enfant(s), base vitale de la société. Ceci se traduit concrètement par des avantages fiscaux accordés aux familles qui n’ont rien à voir avec l’amour qu’elles peuvent développer. On ne peut donc pas parler de mariage sans se référer à cela. Sinon, on ne sait plus de quoi l’on parle et les mots sont utilisés à des fins opératoires et violentes. Parler de mariage en France n’est pas la même chose que de parler mariage aux États-Unis. Bref, on peut inventer quelque chose pour les couples homo mais qu’est ce qui justifierait qu’ils aient accès aux mêmes avantages fiscaux que les couples avec enfants ? De là à encourager les couples homo à élever des enfants, c’est un autre débat … Les exceptions qui existent ne sauraient justifier cette promotion que Dame nature n’a guère prévue. Il est vrai qu’aujourd’hui la technique peut tout. Mais là encore le pragmatisme me fait dire déjà que la sécurité sociale à sans doute d’autres déficits à combler…de plus, tout ce qui est possible est-il souhaitable ? Qu’on ne prétende pas que l’on ne fera pas l’adoption et la la PMA, même madame Tourraine dit le contraire. Pendant que nous nous divisons sur ces questions qui ne rassemblent même pas une large majorité chez les homos, d’autre questions plus urgentes se posent sur l’avenir de nos sociétés et leur déclin : souvenons-nous de la richesse de notre héritage mais aussi de sa précarité !
5 décembre 2012 at 01:20
@Aristote
Je ne comprends pas bien votre « contre » argumentation.
Pour moi, le simple fait que ni le code civile, ni le droit canon (mais peut être me trompé-je) ne font de la stérilité connue un empêchement au mariage ou une cause suffisante de son annulation est une preuve suffisante de ce que la procréation n’est pas constitutive du mariage.
Affirmer (comme vous semblez le faire) qu’un mariage contracté entre des personnes stériles est un mariage blanc me semble une accusation assez grave.
@Philarête
Concernant votre conclusion ci-dessus… je crains que Tschok ne s’en donne à coeur joie :-)
Il me semble qu’on peut se référer à l’idée d’une forme originaire et naturelle du couple dans laquelle la femme s’occupe des tâches ménagères et de l’éducation des enfants et l’homme de nourrir le foyer et de le protéger grâce à ses gros biscotos etc… du coup le féminisme et la revendication égalitaire serait une perversion de cet équilibre originaire… et je ne parle même pas de la contraception ou de l’avortement.
Ca me rappelle toujours ce titre: « les animaux dénaturés » ces discussions sur la loi naturelle. Bref, si toute évolution n’est pas un progrès, une chose me semble certaine, le conservatisme absolu n’est absolument pas un progrès.
5 décembre 2012 at 07:13
Bon, moi, l’essence du mariage, je sais pas trop ce que c’est, mais en France, au XXIe siècle, il y a un code civil qui le décrit clairement comme un moyen de sécuriser la famille. Constitutif, pas constitutif, c’est un peu nébuleux pour moi, tout dépend du sens qu’on donne à ce mot. Au sens philarétien de finalité réalisée ou non, ça marche, au sens tshokien de condition nécessaire, ça marche pas. Mais nier la dimension reproductrice du mariage, quand on vous donne un livret de famille avec des pages en blanc pour les lardons, et qu’on vous fait un sermon sur les gnards passés ou à venir, je sais pas trop à quoi ça rime, franchement.
Donc non, on n’est pas obligé de faire des enfants quand on se marie. Je vois mal quelle institution pourrait se permettre d’inclure une telle obligation dans sa définition. (Et non, les allocations familiales ne sont pas une institution, pour anticiper une possible réponse). Mais pour dire les choses autrement, imaginez que l’être humain se reproduise par scissiparité et non par accouplement, je doute fort qu’on eût inventé le mariage. Le mariage est, clairement, une conséquence de notre mode de reproduction, et une tentative juridique pour l’encadrer. Y a pas que ça, mais y a ça. Après, ça peut changer, encore une fois. Mais pour le moment on en est là.
Pour moi, tout ça rejoint un peu le discours contemporain sur la sexualité, qu’on prétend désormais totalement disjointe de la reproduction. On dépense des fortunes en capotes et en pilule, on se bat pour avoir le droit d’avorter, on consacre le quart de ses conversations mondaines à débattre du meilleur moyen de contraception, mais à part ça la sexualité n’a rien à voir avec la reproduction.
Il y a une sorte de cécité volontaire sur ce sujet. Comme si certains n’avaient pas bien digéré la réponse à la question « comment on fait des enfants »? Comme si la contraception, au lieu d’être un moyen de réfléchir à nos responsabilités, était utilisée pour régresser en-deçà de l’époque où l’être humain a conscientisé le lien de cause à effet accouplement/reproduction.
Je n’en fais pas du tout un problème moral; c’est un problème logique.
5 décembre 2012 at 11:22
A Tschok, Khazan, Aristote, Logopathe…
A propos des rapports entre mariage et fécondité dans le droit canonique…
Je n’ai guère le temps d’intervenir ces temps-ci mais j’aimerais mettre fin à un triste malentendu concernant les rapports entre mariage et fécondité dans le catholicisme.
Certes, la stérilité ne constitute pas en soi une clause de nullité ni même un empêchement au mariage dans le droit canonique…
Mais, à ma connaissance (je vous laisse le soin de vérifier):
1) le refus délibéré de procréer quand on a la capacité et les moyens de le faire est bien une clause de nullité du mariage sacramentel dans l’Eglise catholique. Ainsi, si vous arrivez à prouver que votre conjoint s’est marié avec vous avec l’intention de ne jamais avoir d’enfants alors que la chose aurait été possible, le mariage peut être déclaré nul et non avenu par un tribunal ecclésiastique.
2) mentir à son futur conjoint sur sa propre stérilité pour obtenir son consentement serait également un cas de nullité.
Il y a donc bien un lien étroit entre mariage et fécondité dans le cadre du mariage sacramentel catholique, la procréation étant l’une des fins du mariage, et ayant longtemps été considérée comme sa fin principale (avec l’union des époux et la légitime satisfaction de la chair).
Quant à l’union d’époux stériles qui se seraient épousés en connaissance de cause, elle se justifie par le fait que le mariage a aussi une fécondité spirituelle qui présuppose que la fécondité physique soit jugée désirable par les époux quand même des circonstances accidentelles, un âge trop avancé ou quelque autre raison échappant à leur volonté l’aurait rendue impossible…
Enfin ce serait bien si l’on pouvait parler de « procréation » plutôt que de « reproduction ». Nous ne sommes pas des bêtes… ni des photocopieurs.
5 décembre 2012 at 11:28
à T-Greene
Il me paraît bien imprudent d’affirmer que l’homme serait naturellement polygame.
Emmanuel Todd et Desmond Morris ont avancé des arguments indépendants et convergents en faveur du caractère originaire de la monogamie qui me paraissent décisifs. Cf. com. 169
A l’opposé, les arguments d’un Bertrand Russell, par exemple, en faveur de la polygamie naturel de l’homme ressemblaient fort à un plaidoyer pro domo…
5 décembre 2012 at 12:03
@ khazan
Relisez-moi, je n’affirme nulle part qu’un mariage stérile est nécessairement un mariage blanc.
Le droit canon n’accepte pas comme valide un mariage contracté par des personnes capables de procréer mais qui refuseraient de procréer. Un époux peut demander l’annulation s’il s’avère que le conjoint n’avait jamais eu l’intention d’avoir des enfants.
La stérilité constatée après coup n’est pas une cause d’annulation, c’est un autre problème.
La stérilité connue d’avance, c’est une problématique très récente pour les personnes en âge de procréer ! Et la Bible a beaucoup d’histoires de femmes stériles qui finissent par enfanter : Sarah, femme d’Abraham, la mère Jean-Baptiste, etc. Oui, le veuf et la veuve qui se marient… Là, la métaphore du 4X4 de Logopathe me paraît la bonne perspective.
A contrario, dans certaines provinces françaises, la coutume voulait qu’une fois la fille accordée en mariage au garçon, les deux fiancés devaient coucher ensemble et le mariage n’était effectivement célébré qu’après constatation d’une grossesse.
La doctrine catholique ne fait pas de la procréation le seul « bien » ou la seule « fin » du mariage.
Sur la Genèse, j’ai tendance à vous suivre. D’abord parce que son autorité ne vaut que pour des croyants qui acceptent son caractère inspiré. Ensuite parce que si les récits de la Genèse nous disent des choses importantes sur Dieu, l’homme, la femme et leurs relations, ils n’ont pas pour objet de commenter l’institution du mariage. On sait par ailleurs que la polygamie était courante du temps des patriarches.
5 décembre 2012 at 12:06
J’ai rédigé mon commentaire pendant que Physdémon postait le sien…
5 décembre 2012 at 12:59
@ Aristote, com 167 et aussi Physdémon, com 169,
Aristote, là encore, vous argumentez pour me contredire, en oubliant que je soutenais la thèse de l’universalité du mariage en me mettant à la place de mon contradicteur.
Mon idée était simple: s’il fallait soutenir cette thèse, j’irais plutôt rechercher les éléments d’universalité dans les conditions de forme du mariage, pas dans les conditions de fond qui me semblent trop volatiles.
Sinon, il serait possible de vous faire remarquer que le « marriage in common law » est en fait une forme de concubinage, ou que les mariages secrets ou clandestins, s’ils existent évidemment, sont l’exception qui confirment la règle en ce qu’ils participent d’une volonté de se soustraire à une publicité qui est perçue comme obligatoire.
Mais tout cela n’a pas énormément d’importance, en fait.
La question qui, du moins à mes yeux, présente un intérêt est celle de la pertinence de la recherche d’un universalisme dans le mariage. Je dois vous dire que j’ai énormément de mal à lui trouver du sens.
Qu’est ce que ça peut bien nous faire qu’il y ait une universalité, une intemporalité du mariage si ce n’est pour dire que « ç’a toujours été comme ça » et donc, pour reprendre les termes mêmes de Physdémon en com 169:
« […]s’éloigner de la typologie du mariage esquissée dans la Genèse constituerait toujours une perversion de cette institution enracinée dans les inclinations de la « nature humaine ». »?
Si l’enjeu de la question de l’université du mariage est de pouvoir dire que le changement est une perversion, alors on est sur le terrain des convictions et il devient inutile, comme nous y invite Physdémon, de convoquer la science ou la raison.
Sauf à les considérer comme une caution, mais ce serait un détournement. Alors, laissons tranquilles Emmanuel Todd et Desmond Morris et convoquons plutôt les prêtres, les idéologues ou les politiques, car ils sont dans leur élément.
J’ignore si je suis un nominaliste ou non, et je n’ai pas à me plaindre d’être classé dans cette catégorie, car effectivement, je suis en bonne compagnie, mais ce que je peux vous dire, c’est que je fais une différence entre un contenant et un contenu.
Sur ce plan justement, je vous invite à faire l’analyse suivante: on remarque que l’être humain a recherché tout au long de son histoire des modes de conjugalité. Dans cette longue recherche, il a notamment trouvé un mode particulier: le mariage.
Si quelque chose peut rassembler les hommes et nous permettre d’affirmer qu’ils sont réunis par un lien universel, c’est à la fois cette recherche, le fait qu’elle porte sur le même objet – les modes de conjugalité – et le fait qu’elle ait conduit à des « découvertes » qui, souvent, sont communes.
Dit autrement, tous les hommes sont des chercheurs de trésors, mais il existe une multitude de trésors et pas forcément une seule forme particulière de trésor (un coffre avec des pièces d’or et des bijoux).
Si on pose les choses ainsi, en se disant qu’il existe dans l’histoire de l’humanité une recherche et une expérimentation de la conjugalité selon des modes divers comprenant notamment le mariage, alors on parvient à deux idées qui me semblent très intéressantes.
D’abord on « reconscientise » l’histoire en la dégageant de la gangue idéologique: on lui restitue une dynamique au sein de laquelle chacun de ses éléments a une valeur et un contenu qui lui est propre. Oui, le mariage existe, oui il a, selon les époques et les lieux, un contenu et une valeur qui lui sont propres. Non, ce n’est pas ce contenu ou cette valeur qui sont universalisables en tant tels, c’est la recherche dont ils sont le produit.
Ensuite, on admet sereinement la possibilité du changement, parce que, de base, on est dans une dynamique. Cette idée de dynamique sereine permet de déconstruire les modèles intellectuels qui prétendent que toute modification de ce qui est universel est une perversion, en nous imposant un stress (la fin du monde, la pente glissante).
C’est une idée qui est importante: les universalismes ont en principe été conçus comme des instruments de libération de l’homme, mais leur puissance évocatrice est telle que sur le plan de la conviction, ils sont de formidables outils du conservatisme, donc de l’enfermement de l’homme dans un modèle de pensée unique où tout devient angoissant.
De fait, même si vous ne reprenez pas l’intégralité de la thèse conservatrice à votre compte, finalement, vous deux, Aristote et Physdémon, que dites-vous d’autre que « le mariage, c’est ceci et pas cela, donc on ne peut pas en changer sinon on casse tout »?
Puisque, avec Physdémon, vous prétendez que je suis un nominaliste, rejouons la querelle des Universaux. Cela pourrait être drôle.
5 décembre 2012 at 14:16
@Physdémon
Vous écrivez:
« Certes, la stérilité ne constitue pas en soi une clause de nullité ni même un empêchement au mariage dans le droit canonique… »
« la procréation étant l’une des fins du mariage, et ayant longtemps été considérée comme sa fin principale »
C’est moi ou il y a un problème de logique entre ces deux propositions ?
Comment la procréation pourrait être la fin principale du mariage de deux personnes stériles ?
Bon avec :
« Quant à l’union d’époux stériles qui se seraient épousés en connaissance de cause, elle se justifie par le fait que le mariage a aussi une fécondité spirituelle qui présuppose que la fécondité physique soit jugée désirable » …
1/ Vous poussez le bouchon un poil loin en ce qui me concerne
2/ Vous justifiez le fait que le le mariage soit une fiction (ce qui me va tout à fait) et …
3/ … On pourrait sans problèmes de logique particulier appliquer cette phrase à un couple homo…
Ce qui en revanche devrait ne pas vous aller :-)
5 décembre 2012 at 14:49
@khazan: non, il n’y a pas de contradiction logique. Vous confondez le Mariage, comme institution, et le mariage en particulier de deux personnes stériles. Le fait que deux personnes se marient pour une raison autre que la fin principale du mariage, pour une ou plusieurs fins secondes, donc, n’est pas contradictoire avec le fait que la reproduction soit la fin principale du mariage.
En revanche, oui, la notion de « fécondité spirituelle » pourrait s’appliquer à un couple homo, à mon sens. Non pas « sans problèmes de logique particulier », parce qu’il peut être légitime de fonder cette notion de fécondité spirituelle sur l’altérité sexuelle; mais ça pourrait le faire. C’est d’ailleurs probablement déjà dans ces termes que pensent nombre de catholiques, homos ou non.
Il n’en découle pas nécessairement une extension mécanique du sacrement du mariage aux couples homos; l’Eglise n’ira jamais aussi loin dans l’illogisme que ne le font les pouvoirs séculiers, et ne consacrera jamais deux réalités objectivement différentes par un même rite. Mais qu’elle puisse, un jour, bénir d’une façon ou d’une autre des unions homos ne me choquerait pas, au contraire.
C’est qu’il y a, au sein de l’Eglise, une réflexion sur le sens de la différence des sexes qui n’est peut-être pas entièrement satisfaisante encore, mais qui tient quand même davantage la route que les délires nominalistes et dualistes des études de genre.
5 décembre 2012 at 14:50
Pardon, à la fin de mon premier paragraphe, il faut lire « …du Mariage », évidemment, avec une majuscule, pour être cohérent avec le début.
5 décembre 2012 at 15:23
@ tschok
Peut-être avançons-nous.
Une institution n’est ni universelle, ni éternelle. Si une institution n’est pas réductible à un contrat, si ses éléments constitutifs ne sont pas le fruit d’une délibération, elle a bien une histoire, qui n’est pas indépendante de la société dont elle est une institution.
Donc non, je ne prétends pas avoir identifié une ou plusieurs caractéristiques du mariage qui puissent être élevées à la dignité des essences platoniciennes.
Mais si une institution peut naître, et donc mourir, ce qui entre dans sa définition d’institution n’est pas modifiable par fiat.
Faisons un parallèle avec l’esclavage, le traitement d’un être humain comme une chose dont on serait propriétaire. C’est une institution très ancienne, mais qui n’existe pas depuis la nuit des temps, très répandue, mais pas universelle. Elle a été encadrée par la coutume et le droit (pour régler les problèmes des propriétaires, pas pour protéger les esclaves), selon des modalités variables.
Il est arrivé que des propriétaires d’esclaves les traitent en personnes humaines, l’institution de l’esclavage n’en continuait pas moins à consister à traiter des êtres humains comme des choses.
L’esclavage a en pratique disparu, même s’il y a encore quelques zones où il est pratiqué. On peut vouloir qualifier la condition de salarié d’esclavage, c’est une figure de rhétorique quelques fois justifiée. L’esclavage n’a pas changé, il a disparu.
La situation de certaines prostituées exploitées par des réseaux mafieux est proche de l’esclavage, mais on est dans la rubrique « quelques zones où il est encore pratiqué » et non dans l’appréciation sociologique de l’évolution sur le long terme de l’institution de l’esclavage.
La disparition de l’esclavage est la combinaison d’une désuétude de la pratique en Europe, nonobstant l’esclavagisme « sucrier », et d’une volonté politique, le mouvement abolitionniste, qui s’est traduite par des réformes législatives, des conventions internationales, etc.
Je tiens que le mariage est dans notre société une institution. Que durée et procréation sont constitutifs de l’institution telle qu’elle s’est développée dans notre société, même s’ils sont accidentellement l’un ou l’autre absents de tel ou tel mariage concret. Vous noterez en passant que je n’ai jamais mentionné la fidélité ni même la monogamie, et encore moins l’amour « romantique ».
J’ai bien noté que peut-être le mariage comme institution sociale tombe-t-il en désuétude. Il n’est pas impossible qu’il soit aboli par voie législative. Mais comme pour l’esclavage, il ne s’agira pas d’une évolution mais d’une disparition.
Je ne regrette pas la disparition de l’esclavage. Je serais plus inquiet des effets de la disparition du mariage. Ah, les conservateurs ronchons…
5 décembre 2012 at 16:11
@Logopathe
« Le fait que deux personnes se marient pour une raison autre que la fin principale du mariage, pour une ou plusieurs fins secondes, donc, n’est pas contradictoire avec le fait que la reproduction soit la fin principale du mariage. »
Je suis bien d’accord avec vous :-)
Mais ça n’est pas le problème que j’évoque.
Le problème est (pour simplifier) le suivant:
Le mariage ayant pour but la procréation, il ne peut être ouvert aux couples homos puisque ces couples sont stériles. Il est en revanche autorisé au couple stériles. => contradiction
Maintenant pour lever la contradiction il suffit de faire du mariage la fiction suivante:
Le mariage a pour but premier de faire croire aux voisins qu’on va faire des enfants. Il ne peut donc être ouvert aux couples homos puisque ceux ci sont stériles. En revanche il est autorisé au couples stériles a conditions qu’ils fassent croire aux voisins qu’il font tout leur possible pour avoir des enfants. => pas de contradiction
Ou:
le mariage ne peut être ouvert qu’au couples non homo parce que le mariage est un truc qui ne peut être conclu qu’entre deux personnes de sexe opposé par définition. Cette définition ne peut pas être modifié, ni maintenant, ni jamais parce que c’est comme ça et puis c’est tout!
=> pas de contradiction (on pose une tautologie)
5 décembre 2012 at 16:14
à Logopathe,
D’accord avec vous sur beaucoup de points.
Mais quand vous dites ceci, je pense que l’Eglise ne pourrait pas vous suivre :
« Mais qu’elle puisse, un jour, bénir d’une façon ou d’une autre des unions homos ne me choquerait pas, au contraire. »
L’homosexualité active implique un usage de la sexualité incompatible avec la morale catholique.
En revanche, un attachement profond entre deux hommes vécu chastement, qu’on l’appelle amitié ou amour, caractérisé par une élection mutuelle serait vivement encouragé parl’Eglise. Il l’est déjà dans le cadre des voeux religieux.
Or, l’Eglise n’a jamais béni les partouzes dans les monastères…
Et il m’étonnerait fort qu’elle les bénisse un jour…
Cela dit, dans une relation entre deux homosexuels, il entre bien d’autres choses que le fait de se sodomiser ou de se masturber mutuellement. Aussi l’Eglise ne demandera-t-elle jamais à deux homosexuels chrétiens de renier l’affection profonde, le sentiment d’attachement exclusif qui les rattache.
C’est en ce sens que l’Eglise est ouverte aux homosexuels qui frappent à sa porte. La difficulté pour elle est d’accueillir tout ce qu’il y a de bon dans leur union sans cautionner la part de luxure qu’elle comporte. Accueillir avec bienveillance les personnes quelle que soit l’irrégularité de leur situation relativement à la morale catholique est d’ailleurs un aspect de la pastorale :
tout cela relève de « la loi de gradualité » et a rapport avec le « travail de la grâce ».
Il y a plein de gens qui vivent ça quotidiennement, et qui font un cheminement spiituel profond, loin des caméras TV et des tribunes des gransds quotidiens du soir. (Cf. la pastorale du Père Jean-Miguel Guarrigues avec le groupe Saint Aelred, du nom du saint patron des invertis; cf. les écrits de Julien Green, de Béatrix Beck, cf. les exemples de Michel-Ange ou François Mauriac etc).
Mais ce n’est pas parce que l’Eglise a pour mission d’accueillir de manière privilégiée les personnes qui ne vivent pas conformément aux normes de la « morale naturelle » que l’Eglise va changer ces normes.
D’autant qu’elle n’en a pas le pouvoir… En matière morale, l’Eglise enseigne, elle ne décrète pas…
5 décembre 2012 at 17:01
Le problème, khazan, c’est que vous voulez saucissonner les gens. Etre homme ou femme est une qualité intrinsèque et permanente (à de très très rares exceptions près, dont on peut discuter d’ailleurs). On peut être fécond à une période de sa vie et stérile à d’autres. C’est le cas général des femmes, d’ailleurs. Vous ne pouvez pas faire de la fécondité des personnes, prises individuellement, une condition de l’accès au mariage. Vous pouvez le faire du sexe. Le mariage unit l’homme et la femme en raison d’une présomption de fécondité. Si certains couples manifestement stériles, en raison de leur âge par exemple, veulent se marier, on ne peut pas les en empêcher: c’est un phénomène classique de passager clandestin, c’est tout.
En revanche, deux hommes ou deux femmes ne sont pas féconds, quoi qu’il arrive. Ils présentent une situation différente au regard de la filiation. Situation différente, solution juridique différente.
5 décembre 2012 at 17:04
@Physdémon: j’ai lu tout ça déjà, mais je ne comprends pas la logique de la morale catholique que vous invoquez. Pour moi, la sexualité homosexuelle, d’un point de vue catholique, est insignifiante, puisque non reproductive. Elle ne devrait être approchée que dans l’optique de l’ascèse personnelle, qui préconiserait la modération, pour éviter l’aliénation, mais pas nécessairement l’abstinence.
5 décembre 2012 at 17:44
Le problème Logopathe c’est que vous voulez avoir raison :-)
Alors même que la raison, la vérité ou la logique n’ont au fond pas grand chose à voir dans ce débat… qui ne tourne qu’autours de la conception que chacun se fait du mariage, du couple et de ce qui est acceptable ou non à un moment donné à la collectivité.
Je crains qu’il n’existe pas de « jauge » ultime de ce que doit être le mariage… vu que c’est nous, les hommes, qui avons à notre charge d’en décider et que, pour le coup, nous somme libres de décider ensemble ce que bon nous semble.
5 décembre 2012 at 18:13
@ Logopathe
L’Église, à tort ou à raison, ne considère comme licites les relations sexuelles que dans le cadre du mariage. Elle demande aussi l’abstinence aux hétérosexuels non mariés. Et pour des raisons aussi diverse que variées, il y a bien autant d’hétérosexuels qui ne parviennent pas à se marier que d’homosexuels qui souhaiteraient se marier.
On peut juger la position de l’Église irréaliste, elle n’est pas discriminatoire. Pastoralement, l’Église sait bien que son exigence d’abstinence est très rude pour les homos comme pour les hétéros, au moins aussi rude que l’exhortation à aimer nos ennemis, à leur souhaiter du bien. Elle se garde de condamner ceux qui cheminent sur des sentiers difficiles, mais elle se refusera à nommer ordonné ce qu’elle considère comme désordonné.
@ khazan
Non, nous ne somme pas libres de décider ensemble ce que bon nous semble.
C’est même, au-delà du problème spécifique du mariage, le point de contentieux majeur entre l’Église et la modernité. La délibération démocratique n’a pas le pouvoir de définir le bien et le mal, le bien ne peut se rabattre sur le légal.
Je comprends bien que vous n’êtes pas d’accord. :-)
5 décembre 2012 at 18:31
@khazan: je ne cherche pas tant à avoir raison qu’à être logique. Je n’ai pas tellement d’idée de ce que doit être le mariage; je n’en ai pas de conception personnelle. Je constate juste que le projet de loi s’impose avec des arguments en partie illogiques et purement émotionnels, et ça m’agace.
5 décembre 2012 at 19:28
@Aristote
Si, si, je vous assure. Nous sommes libre de décider :-)
Je comprends aussi que vous ne soyez pas d’accord.
Et oui je pense que le bien et le mal sont un genre de compromis démocratique. Je sais que les catholiques sont mal à l’aise avec les 10 commandements (et je n’ai jamais trop bien compris pourquoi) mais bon… il suffit de les lire pour avoir une idée assez claire de ce que le bien et le mal peuvent se rabattre sue le légal… a mon avis…
D’autre part j’admet tout à fait que la définition du mariage religieux soit une chose possiblement différente de la définition du mariage laïc.
Ce dont nous sommes libre de décider, c’est de la définition du mariage civile (évidemment). Le religieux s’impose à nous à travers un dogme que nous ne somme que libre d’accepter ou de refuser tel qu’il est et dans sa totalité.
@Logopathe
Pareil… :-)
Sauf que je trouve que les arguments illogiques etc.. sont des deux côtés.
Sinon je n’ai pas d’avis tranché sur la question :-) Mais puisque l’ensemble de la société semble prête à ce changement et qu’il fera le bonheur de certain sans faire mon malheur… je suis plutôt en faveur de celui ci.
5 décembre 2012 at 20:03
@ Logopathe
L’honnêteté intellectuelle m’oblige à reconnaître que vous soulevez au com. 185 un problème de fond dont le traitement nous entraînerait sans doute très, très loin…
En somme, il s’agit de comprendre pourquoi l’usage de son propre corps et du corps d’autrui dans le but d’une pure et simple jouissance physique sans le moindre lien même symbolique avec une perspective de procréation mais avec, éventuellement, une intention de renforcer l’union des personnes consisterait en soi un désordre moral.
Vous avez mis le doigt sur un point de la morale sexuelle catholique d’une importance cruciale…
Pas le temps de m’occuper de cette question maintenant. Je vais y réfléchir. On en reparlera un jour, j’espère.
5 décembre 2012 at 20:25
@ khazan: oui, beaucoup d’illogisme des deux côtés, on est d’accord. Peut-être davantage de connerie côté « contre », et davantage de malhonnêteté intellectuelle côté « pour ».
Pour ma part j’ai une aversion instinctive pour le chantage affectif qui me fait pencher côté « contre »… Chacun ses arbitraires…
@Physdemon: je suis preneur!
5 décembre 2012 at 20:29
PS: quand je parle de « connerie » et de « malhonnêteté intellectuelle », je ne pense pas à ce blog ni à ses commentateurs, bien entendu. Plutôt aux arguments extrêmes qui se retrouvent systématiquement mis en avant de part et d’autre.
5 décembre 2012 at 22:51
@ khazan
Le mariage catholique a des dimensions spécifiquement catholiques qui pour moi ne font pas partie du mariage comme institution telle que je la comprends au sein de notre société. Et même si le mariage civil venait à disparaître, les catholiques pourraient toujours se marier religieusement.
Certains catholiques, qui désespèrent des évolutions du mariage civil, réclament d’ailleurs la suppression de l’obligation en France de célébrer un mariage civil avant tout mariage religieux. D’autres, plus nombreux, défendent l’institution du mariage « naturel », considéré comme un bien objectif pour la société. L’Église tient que sont validement mariés des non chrétiens qui ont voulu se marier, indépendamment, et pour cause, de tout sacrement.
Nous sommes libres d’abolir l’institution du mariage comme réalité sociale, considérant qu’en fait il tombe déjà en désuétude, comme nous avons aboli l’esclavage (ah, le temps où les féministes dénonçaient le mariage comme un esclavage…). Le Ciel ne nous enverra pas la foudre vengeresse.
Mais ouvrir le mariage à deux personnes du même sexe, ce n’est pas le faire évoluer à la marge pour mieux refléter une certaine idée de l’égalité, c’est accélérer sa disparition même si le mot reste.
On peut être favorable à la disparition du mariage. Mais si c’est cela qu’on veut, c’est cela qu’il faut argumenter.
PS. Non, les catholiques n’ont pas de mal avec les dix commandements. Au catéchisme, on me les a fait apprendre par coeur !
5 décembre 2012 at 23:38
@ Aristote, com 181,
Permettez-moi, en réponse à votre com, de vous proposer une autre lecture de vos propres idées.
J’ai l’impression que vous tentez de louvoyer entre des écueils, pour éviter d’avoir à vous prononcer sur la thèse de l’universalité du mariage, et pour finalement revenir à cette idée qui vous attire irrésistiblement: le changement est impossible sans détruire ce qui change.
Idée effectivement profondément conservatrice quand elle est associée à une peur (et inversement profondément révolutionnaire quand elle est associée à une joie).
1) La partie où vous louvoyez
Votre affirmation de départ:
« […] je ne prétends pas avoir identifié une ou plusieurs caractéristiques du mariage qui puissent être élevées à la dignité des essences platoniciennes. »
Si on vous suit bien, on comprend que vous n’identifiez aucun élément ontologique au mariage susceptible de constituer une essence prédéfinie, c’est à dire un élément qui le définit de façon intangible en tant que ce qu’il est, ou autrement dit qui le détermine dans son être et le distingue de ce dont il pourrait être proche (le concubinage par exemple).
Mais, quelque lignes plus bas, vous ajoutez:
« Je tiens que le mariage est dans notre société une institution. Que durée et procréation sont constitutifs de l’institution telle qu’elle s’est développée dans notre société, même s’ils sont accidentellement l’un ou l’autre absents de tel ou tel mariage concret. »
Finalement, vous identifiez deux éléments (durée et procréation) qui sont constitutif du mariage, en tant qu’institution. Ah zut, retour au concept d’essence!
Y en a ou y en a pas? Ben on sait pas. On perçoit juste que les deux éléments que vous identifiez sont le produit d’un « développement » de l’institution du mariage dans notre société actuelle, qu’ils ne sont par conséquent pas intangibles, donc différents de l’essence qui suppose que l’élément ontologique qui la constitue ne soit pas affecté par les changements qui rythment « l’existence » du mariage.
En bref, vous avez mis au point un truc de jésuite: l’élastique rigide. Verbatim:
« Mais si une institution peut naître, et donc mourir, ce qui entre dans sa définition d’institution n’est pas modifiable par fiat. »
(J’ai pas compris « par fiat »?? comme dans « fiat lux »?)
Et là je comprends plus ce qui change ou change pas.
2) La partie conservatrice: l’attraction irrésistible
Par analogie avec l’esclavage, dont vous faites une brève analyse, on comprend que dans votre système le mariage ne peut pas changer sans disparaitre. Verbatim:
« Mais comme pour l’esclavage, il ne s’agira pas d’une évolution mais d’une disparition. »
Notez l’emploi du futur, temps de la sentence prophétique.
Ce qui signifie incidemment que vous en revenez à un système de pensée équivalent à celui des éléments constitutifs du mariage au sens philarêtien. Tout ça pour ça…
A vous lire, on a vraiment l’impression que dans la représentation mentale que vous avez du changement, il n’y a pas de changement doux: on est obligé de détruire ce qu’on veut changer. Pour vous, le progrès ou l’évolution est une suite de destructions.
Ce n’est pas que vous soyez contre le changement ou que toute idée d’évolution vous soit étrangère par nature. C’est plutôt que le changement est clairement associé à une « fin du monde » ou une « fin d’un monde » totale ou partielle: la fin de ce qui va être soumis au changement, le mariage dans notre cas.
Vous êtes donc dans le registre apocalyptique et le registre du changement subi, non désiré (qui veut la fin du monde?).
Évidemment, ça fout la trouille. D’où, en conclusion, mention de votre propre anxiété:
« Je ne regrette pas la disparition de l’esclavage. Je serais plus inquiet des effets de la disparition du mariage. »
Ici, on voit bien que certains changement ne vous inquiètent pas (la disparition de l’esclavage) mais d’autres si (la disparition du mariage).
La clé de répartition de votre inquiétude est morale: la disparition de ce qui est perçu comme un mal (l’esclavage) ne provoque pas d’inquiétude ni de regret, alors que la disparition de ce que vous percevez comme un bien (le mariage) si.
C’est ce qu’on pourrait appeler « l’inquiétude morale du conservateur »: le conservateur répartit le stress généré par le changement entre la disparition d’un bien ou d’un mal.
Si un mal disparait, il s’en fout. Si un bien disparait, il s’inquiète.
Ce qui fait l’originalité de cette clé de répartition du stress est qu’elle est déconnectée de toute analyse rationnelle du risque ou du danger, raison pour laquelle le discours apocalyptique tenu par les opposants au mariage homo semble ridicule: quand on n’est pas dans ce trip, on ne comprend pas leur inquiétude, en l’absence de danger ou de risque identifié.
Voilà comment j’interprète votre com.
Mais, pourquoi vous voulez pas faire simple??
Genre:
1) Je considère que le mariage tel qu’il existe aujourd’hui comporte des éléments essentiels dont certains ne peuvent être modifiés d’une quelconque façon sans détruire l’institution du mariage, en particulier la condition de différence sexuelle des époux, inhérente à l’idée même du mariage;
2) Oui, c’est une vision apocalyptique et conservatrice, et j’en suis fier!
3) Non, c’est pas du tout rationnel et je m’en cogne complètement.
Voilà, tout est dit, non?
6 décembre 2012 at 07:44
@tshok: « le changement est impossible sans détruire ce qui change. »
C’est une évidence, ça n’a rien de particulièrement conservateur. C’est le mouvement des choses. Le changement suppose destruction de ce qui a été.
Sinon, constater la définition du mariage dans une société donnée – en l’occurrence la nôtre – ne suppose pas d’en postuler une essence universelle. Vous avez un peu de mal à penser hors des clous platoniciens, il me semble.
Regretter la disparition d’un bien et se réjouir de celle d’un mal n’est pas une attitude conservatrice, c’est juste du discernement. Les raisons pour lesquelles tel ou tel phénomène est perçu comme un bien ou un mal sont du domaine du débat; mais Aristote donne les siennes, et elles sont rationnelles.
Donc non, pour moi, Aristote ne se préoccupe pas d’essence du mariage au sens universel, ce n’est pas une vision apocalyptique (où lisez-vous ça???) ni généralement conservatrice – même si elle est conservatrice sur ce point précis – et si, c’est rationnel.
C’est discutable, mais c’est rationnel.
6 décembre 2012 at 10:32
@ Logopathe
Merci.
@ tschok
Tout changement implique la disparition de quelque chose. Oui, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Mais au-delà de ce truisme, il y a quand même des « quelques choses » qui se placent sur des plans différents.
Une personne humaine naît et meurt. Entre temps, elle change. La symphonie classique apparaît dans l’univers musical, puis elle disparaît, pendant les deux ou trois siècles de son existence comme genre, elle a évolué.
Il est possible de développer une argumentation philosophique qui nie la réalité sous-jacente à des concepts comme « la personne humaine », ou « la symphonie classique ». Elle n’y voit qu’une construction sociale arbitraire qui facilite un temps le discours, ou, sur le mode du soupçon, un instrument de domination par les forces obscures de la réaction. Je caricature.
Vous avez le droit d’argumenter que l’institution sociale du mariage n’existe pas, mais vous devez alors généraliser votre argumentation à l’ensemble des « faits » sociaux et vivre avec les conséquences.
Et si le mariage n’est qu’une construction sociale arbitraire, alors autant en prendre acte et le supprimer, le réduire à un simple contrat privé entre adultes enfin conscients et libres de leurs choix, plutôt que s’évertuer à le changer. Nous voilà enfin d’accord : moi je dis que certaines évolutions signeraient la mort du mariage, vous vous dites que le fantôme est déjà mort.
6 décembre 2012 at 13:14
@ Logopathe, com 195,
Euh, attendez là, moi, la pensée platonicienne, c’est pas du tout la mienne.
Et justement, je ne conçois pas le mariage comme un universalisme. J’ai fait un loooooong com là dessus, laho en 177. Vous prêchez donc un converti.
Sur l’inquiétude morale du conservateur, comprenez-moi bien: se réjouir de la disparition d’un mal et s’inquiéter de la disparition d’un bien est cohérent dans l’absolu et je ne dis pas le contraire.
Non, ce qui est drôle, c’est que cette inquiétude n’est pas liée à une quelconque évaluation d’un risque ou d’un danger: c’est une inquiétude abstraite, morale, inhérente au processus de pensée conservateur, qui voit la disparition du bien partout, en toute chose.
Dans la pensée conservatrice, le bien passe son temps à disparaître, à fuir, comme le sang jaillit d’une artère sectionnée.
En quoi cette pensée est apocalyptique?
Ben, comme vous le dites tous les deux, Aristote et vous:
« Le changement suppose destruction de ce qui a été. » Ca c’est vous.
« Tout changement implique la disparition de quelque chose. » Ca, c’est lui.
Pour vous deux c’est une évidence (alors que cela n’a rien d’évident).
C’est une vision complètement cyclique de l’univers, genre calendrier maya: on passe d’un stade d’évolution à un autre par un acte de destruction (le Déluge, la météorite des dinosaures, Le Jour D’Après, etc ).
Vous connaissez la citation de Boileau: « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrive aisément ».
Paradoxalement, vos mots comme ceux d’Aristote arrivent aisément, mais ils se rapportent à des choses que vous de concevez pas de façon aussi claire que cela et quand on vous dit: « voilà ce que vous dites », vous répondez: « non, j’ai pas dit ça ».
Il faut être conséquent avec sa propre pensée et prendre conscience de ce que l’on dit.
@ Aristote,
Lorsque vous êtes passé de l’âge de 1 an à l’âge de 20 ans, vous avez fêté 20 fois votre anniversaire, n’est-ce-pas?
Quand vous avez soufflé vos bougies, l’ancien Aristote a-t-il disparu pour être remplacé par un autre? Un nouvel Aristote tout neuf, mais avec un an de plus?
En somme, quand vous avez changé, avez-vous été détruit?
Non. Le vieillissement est typiquement un changement « doux » (bon, c’est vrai, il comporte quelques aspects brutaux désagréables, comme le « coup de vieux »).
D’ailleurs vous le dites vous-même: « Une personne humaine naît et meurt. Entre temps, elle change. » Ben oui, elle change « entretemps », c’est à dire entre sa naissance et… sa disparition.
Encore une fois, vous écrivez le contraire de ce que vous soutenez, c’est pénible cette inconséquence avec le langage, vous savez?
De nombreux changements n’impliquent aucune destruction. Lavoisier disait d’ailleurs quelque chose à ce sujet, sur les trucs qui se perdent, qui se créent, qui se transforment.
Les symphonies se font encore, mais quand bien même ne se feraient-elles plus qu’on pourrait toujours les jouer: elles ne disparaissent que si on perd la partition, ou l’enregistrement, ce qui est arrivé à maintes reprises.
Enfin, vous dites: »Nous voilà enfin d’accord : moi je dis que certaines évolutions signeraient la mort du mariage, vous vous dites que le fantôme est déjà mort. »
Deux choses:
Là encore, votre proposition révèle des représentations mentales orientées vers la mort et l’au-delà, ce qui montre assez bien qu’on est vraiment dans le registre de l’apocalyptique.
Puis vous me faites dire ce que je n’ai pas dit.
Et si, beaucoup plus simplement, Khazan avait raison? Je me réfère à votre discussion avec lui (com 187 et 189): et si on était libre de décider?
Ce que vous dites au sujet de la liberté mérite d’être réfléchi:
« si le mariage n’est qu’une construction sociale arbitraire, alors autant en prendre acte et le supprimer »
Pourquoi, dans votre esprit, la liberté de décider correspond-t-elle à l’arbitraire?
Pourquoi est-on obligé de supprimer un mariage qui ne serait qu’une construction sociale?
D’où vous vient l’idée qu’il faut détruire les constructions sociales que les hommes ont élaborées dans leur histoire?
Qu’est-ce qui fait qu’à vos yeux elles ne méritent pas de vivre? Elles ne sont pas d’essence divines, c’est ça?
Voilà les questions que vous soulevez, avec vos mots qui arrivent aisément.
6 décembre 2012 at 16:38
@ tschok
Vous vous obstinez à ne pas lire ce que vos contradicteurs écrivent. Je vous retourne volontiers le compliment sur ces mots qui arrivent aisément, etc.
Tout mon commentaire 196 énonce clairement qu’il y a changement et changement, que certains (la mort !) conduisent à la disparition, d’autres non (le fait de vieillir). Ce que je dis depuis toujours. Où est la contradiction ?
Je ne comprends pas non plus, au niveau le plus élémentaire, votre logique.
Je ne vois pas comment on peut tirer de la proposition hypothétique :
« si le mariage n’est qu’une construction sociale arbitraire, alors autant en prendre acte et le supprimer »
la question :
« Pourquoi, dans votre esprit, la liberté de décider correspond-t-elle à l’arbitraire? »
Rien à voir.
Puis vous glissez :
« Pourquoi est-on obligé de supprimer un mariage qui ne serait qu’une construction sociale? »
Oui, vous glissez, parce que le mot arbitraire a disparu.
Les mots qui me viennent ont un sens. Je caractérise le mariage comme une institution sociale, expression qui s’inscrit dans une tradition philosophique illustré par des penseurs comme Wittgenstein, Anscombe, Descombes. Construction sociale arbitraire est une expression marquée, utilisée par une école de pensée qui soupçonne systématiquement toute institution, Nietzsche, Foucauld, Derrida, par exemple. Chacun des noms cités déborde bien sûr largement le résumé caricatural que je suis obligé de faire ici.
Et vous-même, vous virez dangereusement près du soupçon personnel :
« Là encore, votre proposition révèle des représentations mentales orientées vers la mort et l’au-delà, ce qui montre assez bien qu’on est vraiment dans le registre de l’apocalyptique. »
Sur ce registre, je sais faire aussi. Mais faire de la psychologie de plateau de télévision, ce n’est pas mon truc. Je vous le laisse.
6 décembre 2012 at 19:37
@Aristote
Je suis désolé mais je ne comprends rien a votre dernier commentaire :-(
(Ceci dit sans agressivité. Je ne suis pas un spécialiste de philosophie).
Pourriez vous m’expliquer pourquoi il conviendrait de supprimer un mariage qui ne serait qu’une construction sociale arbitraire. Le mot arbitraire étant employé par moi avec le sens qu’il a dans le dictionnaire ?
Vous ajoutez: « le réduire à un simple contrat privé entre adultes enfin conscients et libres de leurs choix, plutôt que s’évertuer à le changer. »
Pourquoi associez vous arbitraire et individualisme ? C’est ce que j’ai l’impression de comprendre avec cette dernière phrase.
6 décembre 2012 at 23:40
200, c’est pour moi.
@ khazan
Je n’ai pas associé arbitraire et individualisme pour la bonne raison que c’est très loin de ce que je pense. Il me semble même que ma phrase suggérerait l’inverse puisqu’elle oppose un contrat conclu entre adultes responsables, démarche individualiste et rationnelle, à une institution arbitraire. Mais foin d’exégèse, non, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire.
Je ne vois pas très bien comment on pourrait défendre une décision, une loi, une institution, qui serait arbitraire. Là, c’est vous qui me surprenez !
7 décembre 2012 at 03:45
Ha… oui c’est parce qu’on discute, on discute et je m’emporte…
On peut utiliser « arbitraire » de plusieurs façon dont une assez neutre avec le sens de « qui ne repose pas tant sur la raison, la logique etc… que sur la décision d’une personne ou d’un groupe ». Evidemment le corolaire négatif étant, en gros: qui ne dépend que du bon vouloir d’une personne en situation d’autorité.
Je pensait que c’était dans ce sens là (le premier) que vous l’utilisiez en écrivant: …supprimer un mariage qui ne serait qu’une construction sociale arbitraire. » car j’ai du mal à associer « construction sociale » et « fait du prince ».
Pour clarifier mon propos en prenant un exemple vite fait: la filiation:
Dans certains cas elle est purement matrilinéaire. Dans ce cas on est fondé sur la logique. Il semble imparable en logique de rattacher l’enfant à la femme à laquelle il est rattaché par le cordon ombilical… C’est une « construction sociale » objectivement fondée.
alors que la présomption de paternité est une construction (un peu) arbitraire puisqu’elle se fonde sur une fiction à laquelle on décide (ou pas) d’accorder arbitrairement valeur de réalité. On est quand même pas loin d’un cum hoc ergo propret hoc :-)
(Et, oui, y’a un mauvais jeu de mot dedans)
Je sais que cet exemple peut faire bondir mais c’est celui qui me vient à l’esprit à cause du contexte du débat… donc inutile de s’enflammer dessus. C’est simplement un exemple ou la chose peut être « fausse » tout en étant déclarée « vraie ».
7 décembre 2012 at 11:06
@ khazan
« Pater est quem nuptiae demonstrant » ! Il me semble que dans ce cas, on parlerait plutôt de « fiction juridique » que d’arbitraire, et encore, car ici heureusement la fiction rejoint le plus souvent la réalité, ce qui est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la « fiction » a pu se maintenir. Je n’ai fait de test pour aucun de mes 4 enfants, je me fie à la parole de mon épouse, grand naïf que je suis.
Je vais essayer d’éclairer le sens que je donne à arbitraire avec une métaphore, celle de la circulation sur les voies de communication terrestres.
En Angleterre les voitures roulent à gauche, en France à droite. Il n’est pas arbitraire qu’il y ait un sens de circulation, je ne vous fais pas de dessein. Il est arbitraire, du point de vue de la circulation automobile, de circuler à gauche plutôt qu’à droite. On peut décider de changer ce sens sans remettre en cause l’idée de circulation. Les Suédois l’ont fait, passant de la conduite à gauche à la conduite à droite le 3 septembre 1967 à 5h du matin.
Arbitraire du point de vue de la circulation automobile, mais une enquête fouillée sur l’émergence de la règle de la circulation à gauche en Angleterre pourrait bien identifier des raisons d’ordre historique, mais non liées aux caractéristiques de la circulation automobile, qui expliqueraient cette émergence.
Les trains circulent à gauche en France (pas le métro parisien, à droite !) comme en Angleterre. En Allemagne, ils circulent à droite. En Alsace-Lorraine, le sens fut fixé entre 1870 et 1918, les trains circulent toujours à droite. Si vous prenez un Paris-Strasbourg, à un moment votre train passe sur un « saut de mouton » qui permet d’inverser les sens. On peut expliquer pourquoi les trains circulent à droite en Alsace, alors qu’ils circulent à gauche dans le reste de la France. En France comme en Alsace-Lorraine, le sens de circulation est arbitraire, dans le sens (je vous jure que je ne le fais pas exprès !) que je donne au mot arbitraire.
Pour revenir au mariage : la différence des sexes est-elle assimilable à la nécessité qu’il y ait un sens de circulation ou à la nature contingente de ce sens, à droite ou à gauche ?
7 décembre 2012 at 13:33
Bonjour Philarête,
doctorante en science politique à l’Université Montpellier I (laboratoire CEPEL CNRS), je réalise une thèse sur la blogosphère.
En acceptant de répondre à ce questionnaire (temps estimé : 15 min), vous apportez une aide précieuse à mes recherches.
Vos réponses seront traitées de façon confidentielle.
En vous remerciant,
Voici le lien vers le questionnaire :
https://docs.google.com/spreadsheet/viewform?formkey=dHZZSVdhWGxzZjZMbmluTXVWVkFGV0E6MQ#gid=0
Cordialement,
Marie Neihouser
7 décembre 2012 at 22:58
@ Aristote, com 198,
Donc, au final, vous admettez qu’il y a des changement doux, si j’ai bien compris (ie des changement qui n’impliquent aucune destruction)?
Cocher la case correspondante:
Oui
Non
Cocher n’importe quelle case, of course. Voire les deux.
Mais n’oubliez pas, tout de même, qu’en com 196, vous avez écrit: « Tout changement implique la disparition de quelque chose. »
Notez le TOUT CHANGEMENT qui implique UNE seule catégorie (la totalité des changements).
Maintenant, vous dites, en com 198: « Tout [tiens? encore une totalité] mon commentaire 196 énonce clairement qu’il y a changement et changement, que certains (la mort !) conduisent à la disparition, d’autres non (le fait de vieillir). Ce que je dis depuis toujours. Où est la contradiction ? »
Dorénavant, Il y a donc DEUX catégories de changements: ceux qui conduisent à la disparition, d’autres non.
Vous la voyez mieux, la contradiction?
Vous dites tout est son contraire en permanence. Je ne dis pas ça pour vous êtes désagréable, mais juste pour vous signaler que votre interlocuteur (ma pomme en l’espèce) doit intégrer cette dualité permanente du propos dans sa propre évaluation du sens que vous donnez au mot.
C’est franchement pas facile.
Faut faire des efforts, parce que je sais plus vraiment ce que vous dites, moi. J’ai l’impression de m’adresser à une bande. Plusieurs Aristote me répondent, mais je ne sais jamais lequel. Je sais pas moi, mettez un numéro, genre Aristote1 et Aristote2.
Ainsi: Aristote1 affirme que tout changement implique la disparition de quelque chose, tandis qu’ Aristote2 pense qu’il y a changement et changement, les uns avec destruction les autres, sans. Mieux, non?
On va pas se fâcher pour si peu. Si je peux distinguer l’Aristote1 de l’Aristote2, ça me suffit. A la fin, je vous demanderai: « c’est votre dernier mot, Aristote? ».
Et là, paf! vous me direz encore un autre truc, et il faudra créer un Aristote3.
Etc.
PS: c’est pas de la psychologie, c’est de la sémantique.
8 décembre 2012 at 09:17
@Aristote
La présomption de paternité est aussi vieille que le latin effectivement et ce n’est pas un problème de naïveté :-)
Mon premier enfant est né alors que je vivait en concubinage avec ma future femme. Et naïf que je suis j’ai bien été obligé d’aller le reconnaitre à la mairie parce que dans ce cas là -> pas de présomption de paternité.
La présomption en question n’a donc rien à voir avec la confiance que vous, en tant qu’individu, avez pour votre femme. D’autre part cette présomption présente une large part d’arbitraire puisque qu’on pourrait en décider autrement sans que ça ne change drastiquement nos société. Pour finir il s’agit bien d’une fiction et d’un arbitraire puisque (en simplifiant) même si vous prouvez que vos enfants ne sont pas les votres (test ADN) vous en serez quand même considéré comme le père -> cette présomption annule et remplace la réalité biologique.
Ainsi on pourrait accorder cette présomption à tous les couples vivant en concubinage notoire ou ne l’accorder à personne etc…
Par exemple l’appartenance à la communauté juive est matrilinéaire. On n’accorde à personne cette présomption de paternité. A ma connaissance les hommes juifs ne sont pas moins naïfs que les autres et ce principe est assez bien accepté par eux. Ils acceptent simplement l’idée qu’en cette matière c’est à la communauté entière d’avoir (ou pas) confiance. Par défaut ils estiment que cette demande est trop large et donc ne la font pas: je ne peut demander à des milliers ou des centaines de milliers de personnes d’avoir aveuglement confiance en ma femme pour accepter mes enfants comme un des leurs. En revanche pas de problème de filiation patrimonial (c’est à moi seul de décider qui étant mon enfant peut hériter de mes biens).
En gros je fais ce que je veux avec ce qui m’appartient, mais pas avec ce qui appartient à ma communauté.
Tout ca pour dire quoi :-)
Qu’en ce qui me concerne, le mariage en tant qu’institution est une institution humaine. Elle est par conséquent « arbitraire » dans son existence et ses modalités au sens de ce que nous (en tant que société humaine) décidons collectivement d’en faire.
Donc non, la différence des sexes ne me semblent pas une obligation pour définir le mariage pas plus que le nombre de personnes liés par ce contrat (la polygamie existe) pas plus que la « reproduction ». J’irais même jusqu’à dire qu’aucune modalité n’a d’importance absolue.
De mon point de vue le mariage est ce que, collectivement et majoritairement, nous décidons d’appeler le mariage.
La question de savoir si c’est bien ou mal étant une toute autre histoire.
La question de savoir si ça corresponds ou pas à mes propres aspirations aussi.
8 décembre 2012 at 22:23
@ khazan
Nous ne sommes de fait pas d’accord. Et nous savons aussi qu’en de tels débats, ma capacité comme la vôtre à changer de conviction du seul fait de la force d’une argumentation n’a rien d’évident. L’intérêt du débat est plutôt de forcer chacun à réfléchir, à creuser les motivations réelles de sa conviction.
Une piste de réflexion : « De mon point de vue le mariage est ce que, collectivement et majoritairement, nous décidons d’appeler le mariage. »
Bien. Mais « collectivement et majoritairement », cela suppose l’existence d’une société. Si, si le mariage fait partie des institutions qui « produisent » une société, nous avons un problème « d’oeuf et de poule ». La question de savoir qui vient en premier est oiseuse. Mais l’assemblée des poules ne peut pas décider « arbitrairement » de modifier fondamentalement la structure de l’oeuf.
C’est une image, une métaphore avec ses limites, pour dire mon inconfort avec la prétention de la modernité de tout décider « collectivement et majoritairement ».
8 décembre 2012 at 22:38
@ khazan
Vos remarques sur la matrilinéarité de l’appartenance à la communauté juive sont très intéressantes.
J’en avais une autre compréhension, liée à la réprobation très forte exprimée dans la Bible aux unions avec des épouses païennes. On sait que les mères sont souvent mieux placées que les pères pour transmettre leurs convictions religieuses. Faire dépendre l’appartenance à la communauté de la religion de la mère incite fortement les hommes juifs à épouser des femmes juives et/ou, en cas de polygamie, à privilégier leurs enfants issus d’épouses juives qui, au moins autant que l’appartenance juridique, auront aussi transmis l’appartenance réelle.
9 décembre 2012 at 11:31
@Aristote en 206
Je suis d’accord avec vous. Le principe en ce qui me concerne est plus de comprendre mes propres idées en le confrontant que de tenter de vous faire changer d’avis. Ceci étant il m’est arrivé de changer d’avis en discutant l’exercice n’est donc pas vain et n’est pas juste de l’auto renforcement.
En ce qui concerne la métaphore de la poule et de l’oeuf…
Beaucoup de choses produisent une société mais leur maintient en l’état n’est pas nécessaire au maintien de l’existence de cette société. Si l’oeuf est nécessaire à l’émergence d’une poule, il faut bien que le poussin le casse pour exister :-)
J’ai une approche plutôt mécaniste des lois humaines. Comme pour une système mécanique: les forces internes à ce système on tendance à s’opposer au changement et à ramener le système vers son état d’équilibre. Mais si le système est amené trop loin de son point d’équilibre, il en trouvera possiblement un autre et deviendra tout aussi conservateur vis à vis de ce nouveau point d’équilibre.
La « vérité » (si tant est qu’elle existe) ne réside pas dans le point d’équilibre à un instant donné mais dans les forces qui influent sur le système.
On a (je pense) tendance à considérer que l’état d’équilibre étant un attracteur « fort » et « pérenne » son existence se justifie par cette force et cette permanence en ignorant que d’autres équilibres sont possibles tout aussi fort et qu’il n’y a donc aucune légitimité de l’un de ces équilibre vis à vis des autres.
Pour donner une image Darwinienne complémentaire de l’oeuf et de la poule: le principe de l’évolution Darwinienne n’est pas l’amélioration progressive des espèces mais juste leur adaptation aux conditions existantes. Une espèce se retrouve dans un état d’équilibre vis à vis de son milieu qui n’est ni bien, ni mal…. juste équilibré. Que le milieu change, cet équilibre est rompu et l’espèce est condamné à changer ou disparaître. Mais pour des conditions données plusieurs équilibres sont possibles d’ou l’existence d’espèces différentes. Si l’espèce change (mutation) il se peut aussi que ces mutations soient neutres vis à vis du milieu… alors ces mutations peuvent tout aussi bien coexister. Un trait n’a pas à être « expliqué » car il n’a pas de raison d’être présent c’est sa prévalence qui peut s’expliquer. Voyez aussi la théorie des équilibres ponctués de S. J. Gould par exemple: les « petits » changements insignifiants s’accumulent et d’un coup, paf, le truc change radicalement pour atteindre son nouvel équilibre.
Au fond (pour rester dans le judaïsme de comptoirs) on ne peut donner à ses enfants que des racines et des ailes. L’attachement à la structure traditionnel du mariage et du couple ce sont des racines. Et ça me semble « bien » si je puis me permettre un jugement de valeur déplacé. Mais il faut aussi des ailes (et pas seulement pour revenir au nid).
PS concernant la matrilinéarité chez les juifs: je ne suis pas un spécialiste de la question. Donc votre compréhension de la chose est aussi pertinente que la mienne. Je crois savoir qu’en fait on connait la règle mais pas vraiment ses motivations profondes… bref c’est plutôt à prendre comme un exemple de ce que des règles peuvent être différentes et tout aussi justifiables et pérennes.
9 décembre 2012 at 15:08
à Khazan
« Ceci étant il m’est arrivé de changer d’avis en discutant »
Moi aussi !
Et, souvent, les idées auxquelles je tiens le plus sont celles qui me sont venues de cette façon…
9 décembre 2012 at 15:13
@ khazan
J’ai investi beaucoup d’énergie intellectuelle à essayer de comprendre les implications du darwinisme. Le darwinisme n’est d’ailleurs pas une entité aux contours nettement définis. Il n’est pas toujours évident d’y faire la part entre ce qui s’impose à toute personne qui s’inscrit dans une démarche scientifique et ce qui ressort d’options philosophiques estimables mais qui ne peuvent prétendre au statut d’acquis scientifiques.
Mais laissons-là ces généralités.
Tel que je vous comprends, vous êtes sceptique sur la possibilité de passer des jugements de valeur, l’équilibre d’une société n’étant finalement qu’une affaire d’adaptation à l’environnement.
Dans une perspective darwinienne, on ne peut pas savoir a priori si l’ouverture du mariage aux personnes du même sexe changera ou non la société et si oui, si le changement sera bénéfique, enfin adaptatif, ou non. La « nature » essaie, les résultats sont ce qu’ils sont.
Mais ce n’est pas ce que me disent les partisans du mariage gay. C’est au nom d’un jugement de valeur, fondé sur l’égalité, qu’ils revendiquent cette ouverture.
Il me semble contradictoire de revendiquer le mariage gay au nom d’un jugement de valeur et de récuser les arguments des opposants au nom de la vulgate darwinienne qui dénie la possibilité de passer un jugement de valeur.
PS. Sur la matrilinéarité : je la comprends comme gauche et droite dans ma métaphore sur la circulation automobile. Elle est aussi possible et pérenne que la patriniléarité, comme gauche et droite comme sens de circulation, mais dans les deux cas elle inscrit dans une lignée et organise une relation à l’autre branche, comme il y a toujours un sens de circulation.
9 décembre 2012 at 19:31
@Aristote
La comparaison avec le darwinisme n’est qu’une comparaison. La grosse différence entre l’évolution des espèce et l’évolution des sociétés c’est la capacité des humains à décider en partie de leur sort. Alors que dans le cas de l’évolution on ne décide pas de grands chose (encore que)…
Mais tout d’abord:
« Il me semble contradictoire de revendiquer le mariage gay au nom d’un jugement de valeur et de récuser les arguments des opposants au nom de la vulgate darwinienne qui dénie la possibilité de passer un jugement de valeur. »
Ce n’est pas ce que je fais :-)
Et si je simplifie votre propos en : Il est contradictoire de revendiquer le mariage gay au nom d’un jugement de valeur et de récuser les arguments des anti parce que ce sont des jugements de valeur… alors je suis assez d’accord avec vous. Mais vous allez vous attirer les foudres de ceux qui pensent que certaines valeurs/systèmes/civilisations sont supérieurs à d’autres. Et vous affaiblissez (ce me semble) votre propos puisque c’est justement en fonction d’un système de valeurs que vous êtes plutôt contre.
La comparaison est cependant intéressante (a mon avis) en ce que les sociétés évoluent de façon un peu darwinienne (au sens ponctué). De petits changement s’accumulent et d’un coup paf… gros changement.
Ici
les sociétés deviennent démocratique.
La laïcité s’impose
Les comportements sexuels sont moins normés
Les homosexuels sont reconnus comme des individus normaux
La tolérance et l’égalité sont revendiqués comme des valeurs importantes
L’autorité reconnue est moins concentrée, plus partagée
… et paf on se cogne une revendication sur le mariage homo.
Sauf que tous les freins « classiques » pour l’empêcher ont déjà un peu sauté.
Vous êtes contre pour des principe religieux ? On vous oppose la laïcité
Vous êtes contre parce que le couple c’est un homme et une femme? Vous êtes (au choix) intolérant, passéiste ou homophobe.
Vous êtes contre parce que les homo bon… vous voulez bien admettre qu’ils n’y sont pour rien mais c’est déjà pas mal comme effort -> homophobe.
etc…
En gros vous ne pouvez vous raccrocher à aucune des valeurs « en vogue ».
Du coup, une minorité activiste est pour.
Une minorité activiste est contre.
Une immense majorité est « mollement prise au piège » des valeurs qu’elle soutiens et ne voit pas comment (ni pourquoi) elle devrait se mettre en porte à faux vis a vis de ces valeurs pour quelque chose qui lui semble au final difficile à dénier et dont l’impact sur sa vie personnelle sera faible si ce n’est inexistant.
En gros: je suis progressiste, attaché aux valeurs modernes d’égalité et de tolérance etc…: je suis une personne du XXIème siècle. Je ne peut que soutenir cette revendication car rien dans mon système de valeurs ne me permet de m’y opposer sans renier mes valeurs « modernes ».
C’est pourquoi cette loi passera et la vie suivra son cours sans heurts.
Et c’est ainsi qu’Allah est grand (si vous me permettez cette citation de l’immense Vialatte).
(Sinon je suis excessivement sceptique sur les jugements de valeurs, oui).
9 décembre 2012 at 20:54
@ khazan
Je répondrai sur le fond un peu plus tard, je n’ai pas le temps maintenant. Une chose : il ne m’avait pas échappé que l’argumentation des partisans du mariage gay telle que je la simplifie n’était pas la vôtre.
A bientôt.
9 décembre 2012 at 21:21
à Khazan
je trouve votre com. 111 particulièrement éclairant, pertinent : chapeau !
Certes, je suis toujours profondément hostile au mariage gay.
Mais je crois que vous montrez avec beaucoup de clarté ce qui fait qu’une si large partie de l’opinion y est favorable.
Vous avez dressé la liste des convictions communément partagées que les adversaires du mariage gay doivent réfuter pour justifier leur position.
Merci pour ce « cahier des charges » !!!
10 décembre 2012 at 07:54
@Physdemon
Deux précision :
– Une minorité activiste est pour: les homosexuels représentent une minorité.
et les activistes sont toujours assez minoritaires (les féministes semblent peu en vogue par les temps qui courent).
– « mollement pris au piège » est une formulation très négative pour ce que je pense de la situation. C’est une façon de dire que plus qu’une adhésion à la chose en soi, c’est une adhésion par adhérence si je puis dire :-)
Bonne journée à tous.
10 décembre 2012 at 10:32
@ khazan
D’abord, vous avez eu raison de « simplifier mon propos ». Ma référence à la vulgate darwinienne était inutile, ce n’est pas le moteur de la revendication gay, et elle ne faisait pas justice à la complexité du débat sur les liens entre théorie de l’évolution et émergence des systèmes de valeur au sein des sociétés, lesquels ne tombent pas tout cuits du ciel.
Ce qui me frappe dans votre argumentation, c’est qu’elle n’est en rien spécifique de la question qui agite ce billet, l’ouverture du mariage à deux personnes du même sexe avec ses conséquences sur la filiation. D’ailleurs je ne crois pas avoir jamais lu sous votre plume que vous militiez en faveur du mariage gay. Vous soutenez parce que vous ne trouvez pas de raison de vous y opposer.
À première lecture, j’avais compris que vous défendiez une sorte de progressisme modéré, et je m’apprêtais à répondre en soulignant les faiblesses du progressisme comme doctrine. Mais en fait vous ne défendez même pas le progressisme : vous prenez simplement acte du fait qu’en homme du XXIème siècle, vous vous trouvez partager les valeurs progressistes du XXIème siècle, qui sont celles de la majorité de la société où vous vivez.
Une petite minorité est en « avance » sur l’évolution séculaire des mœurs, une autre en « retard ». Mais vous n’attachez pas de jugement de valeur à l’avance ou au retard des uns et des autres. D’où votre courtoisie à notre égard, nous indécrottables retardataires ! Être dans la majorité, retardataire ou en avance, n’est pour vous que l’expression contingente de la variabilité statistique inhérente à notre bas monde.
La majorité gagne, non pas parce qu’elle a raison, mais parce qu’elle est la majorité. Le succès de minorités activistes, même en régime fondamentalement majoritaire, vous l’expliquez très bien, c’est ce qu’en sociologie on appelle l’effet Olson.
Le mariage gay va-t-il contribuer à une évolution « ponctuée » de la société, peut-être que oui, peut-être que non. Cette évolution sera-t-elle plutôt un bien ou un mal ? Qui sait, qui peut en juger ?
Le monde est ce qu’il est, il a été ce qu’il a été, il sera ce qu’il sera, on ne peut rien en dire de plus. L’action humaine a un impact sur le monde, mais sa logique et ses motivations sont parties prenantes de ce monde. Il est illusoire de penser que nous pourrions les infléchir au nom d’un système de valeurs autonome. Voilà ce que je comprends être votre position.
C’est une position philosophique « lourde », qui dépasse de beaucoup le débat initié sous ce billet. Ce n’est pas la mienne, vous vous en doutez.
Merci pour votre investissement dans ce débat.
10 décembre 2012 at 16:24
à khazan,
Certes, seule une minorité d’activistes est activement pour le mariage gay.
Mais une large majorité, jusqu’il y a peu, était passivement pour.
Cela tient à ce que dans la logique historique que vous avez mentionnée, il y a l’idée que les institutions sociales auraient de moins en moins d’importance.
Du coup, la plupart des gens sont plutôt indifférents au mariage.
Ils sont donc modéreément pour le mariage gay en tant que mariage, mais ils sont activement contre le fait d’être contre le mariage gay en tant qu’il est gay.
Suis-je clair ?
10 décembre 2012 at 20:25
@Aristote
Merci à vous pour cet échange :-) et pour la référence à Olson (ca va me donner de la lecture intéressante ca).
@Physdémon
Vous êtes clair…
En revanche je ne suis pas certain que les institutions sociales aient moins d’importance… ceci étant la société s’individualise de plus en plus… donc ces institutions sont peut être moins tolérées comme instruments normatif et plus considérés comme l’instrument d’une reconnaissance personnelle.
Pour le coup c’est moi qui ne suis pas forcément très clair.
10 décembre 2012 at 21:29
à Khazan
Non seulement vous êtes très clair mais je pense que c’est vous avez raison.
En réalité nous vivons dans une société qui est structurée par toutes sortes d’institutions fermement établies : celles, précisément, qui rendent possible un mode d’existence individualiste. Mais d’autres institutions, plus anciennes et opposées à l’individualisme, s’affaiblissent. Ainsi, l’augmentation des divorces manifestent l’affaiblissement de la famille et le renforcement de l’institution judiciaire et du barreau chargés de régler des problèmes de coexistence que l’institution familiale ne peut plus gérer elle-même.
Bref ce ne sont pas toutes les institutions qui perdent de leur importance mais seulement les institutions communautaires et traditionnelles…
11 décembre 2012 at 11:07
@ Physdémon
Quelques mauvais esprits, dont je fais partie, ont l’intuition que l’affaiblissement des institutions anciennes ne profitent pas d’abord à « l’individualisme », mais au monstre doux qui nous accable de sa sollicitude protectrice, l’État.
11 décembre 2012 at 14:34
à Aristote
On peut dire que renforcement de l’Etat et individualisme résultent communément de l’affaiblissement des communautés intermédiaires.
Cf. Tocqueville…
11 décembre 2012 at 23:06
@ Physdémon et Aristote,
C’est bon, vous êtes rassurés? Vous pouvez prévoir l’avenir conformément à ce que vous pensez du passé?
En général ou en particulier.
Vous avez pu dire vos vérités, comme par exemple « En réalité nous vivons dans une société qui est structurée par toutes sortes d’institutions fermement établies » (Physdémon, com 218) ou bien « Quelques mauvais esprits, dont je fais partie, ont l’intuition que l’affaiblissement des institutions anciennes ne profitent pas d’abord à « l’individualisme », mais au monstre doux qui nous accable de sa sollicitude protectrice, l’État. »
Big deal.
Puis-je, maintenant, soumettre à votre sagacité quelques propositions?
Uniquement dans la mesure où je pense qu’elles ont un lien avec vos préoccupations.
Dans le com 211, Khazan affirme que:
« Les comportements sexuels sont moins normés »
Je n’ai pas du tout cette impression.
Je pense que la norme actuelle est l’orgasme simultané par les voies naturelles et que cette norme est obligatoire.
Cela me conduit au point que je ne pense pas que les comportements sexuels actuels soient « moins » normés par rapport à un passé qui comportait d’autres exigences.
En fait, je crois qu’il y a toujours des normes obligatoires en matière sexuelle et qu’elles ne sont pas moins obligatoires aujourd’hui qu’elles ne l’étaient hier.
J’aimerais votre avis.
12 décembre 2012 at 15:55
@ tschok
Je ne pense pas que quand il parlait de comportements sexuels, khazan faisait référence au choix d’une position dans le répertoire du kamasutra. Je peux me tromper, demandez-lui…
12 décembre 2012 at 16:11
à tschok,
Tout dépend de ce que vous entendez par normes…
Vous ne croyez pas ?
12 décembre 2012 at 22:09
@Tschok
Je vois mal ou vous voulez en venir. Mais je ne parlais pas de l’obligation d’orgasme simultané. Plus simplement de ce que l’époque est à une plus grande tolérance en matière de comportement sexuels *affichés* qu’elle n’a pu l’être dans un passé relativement récent (rien de révolutionnaire dans mon propos)…
… et que quand plein de choses différentes sont considérées comme « normales » (être hétero, gay, bi, trans etc…), La Norme devient plus difficile à établir… elle est éventuellement remplacée par des « normes locales » (les gays n’aiment pas les bi considérés comme des homos qui s’assument pas, les hétéros sont plus nombreux que les homos…) mais avec un pouvoir normatif, ce me semble, moins grand sur la population dans son ensemble.
Pour prendre un exemple différent:
En 1965 6% des enfants naissait hors mariage. La norme était: on se marie et ensuite on fait des enfants.
En 2011(désolé j’ai rien de plus récent) 55% des enfants naissent hors mariage. => y’a plus vraiment de norme… on peut faire l’un comme l’autre.
12 décembre 2012 at 22:11
@ tschok
Plus sérieusement, j’ai le même problème avec votre usage du terme « normes » que j’ai avec votre usage du terme « changement ».
« Tout » change, certes, mais le changement qui m’affecte quand je pers quelques cheveux n’est pas le même que celui qui m’affecte quand je meurs. Et quand un ami qui ne m’a pas vu depuis 10 ans me dit « Aristote, tu n’a pas changé », il ne veut pas dire par là que j’ai strictement le même nombre de cheveux qu’il y a dix ans.
De même pour les « normes ». Il me semble légitime de différencier entre par exemple des normes légales (la bigamie est interdite), des normes sociales (au XIXè, le célibat d’une femme était difficile à vivre hors vocation religieuse, réelle ou formelle), des normes de peu de conséquences (les Français se disent bonjour en se serrant la main, les Esquimaux en se frottant le nez).
La pression sociale, dont les relais changent au cours du temps, des cancans du village à la pression médiatique ou marketing, est toujours là. Il y a cent ans elle valorisait la virginité avant mariage chez les filles, aujourd’hui une fille vierge passée un certain âge risque la moquerie. Et aujourd’hui comme hier, des filles, des femmes affirment leur liberté contre ce type de pression sociale.
On peut repérer aujourd’hui de telles normes sociales aussi pesantes que celles d’hier. Mais aujourd’hui comme hier, on ne peut pas évacuer la différence entre obligatoire au sens légal, obligatoire au sens où il faut un vrai courage pour affronter l’opinion majoritaire et effet de mode.
Il y a des cas difficiles à classer dans ces différentes catégories, qui mériteraient d’être retravaillées. Mais « normes obligatoires », c’est trop large.
En matière sexuelle, oui, il y a encore des normes. Mais moins de normes strictement légales et surtout un élargissement manifeste des pratiques communément admises, qu’il s’agisse du type de relation ou des pratiques sexuelles au sens strict.
13 décembre 2012 at 11:00
[…] Prendre le mariage au mot : 10 réflexions pour un débat […]
13 décembre 2012 at 11:26
@ Khazan, com 224,
Je veux en venir à ça: dans votre com 211, vous décrivez un processus et articulez des stades d’évolution en semblant établir un lien entre d’une part le fait que les comportement sexuels soient moins normés, selon vous, et d’autre part le fait que les homos soient reconnus comme des individus normaux.
Verbatim:
» […]
Les comportements sexuels sont moins normés
Les homosexuels sont reconnus comme des individus normaux
[…] »
Je ne suis pas persuadé, en fait, que la normalisation de l’homosexualité ait un lien aussi étroit qu’on le pense avec la plus grande tolérance de la société en matière sexuelle, qui d’ailleurs se discute, même si on ne prend la question que sous l’angle des comportements sexuels affichés.
Je crois que la normalisation a un contenu beaucoup plus politique.
On pourrait même remarquer que la normalisation de l’homosexualité s’est véritablement imposée comme une évidence lorsqu’on a compris, une fois passée l’exubérance festive des gay pride, et une fois revenue la banalité de l’existence quotidienne, que bons nombre d’homosexuels, précisément, n’affichaient pas particulièrement leur homosexualité et se contentaient de la vivre… normalement.
Si l’affichage public de l’homosexualité ou sa revendication bruyante et souvent joyeuse a certainement joué un grand rôle dans la visibilité du phénomène homosexuel et sa prise en compte par la société, je crois plutôt que la normalisation a pu avoir lieu parce que les homosexuels ont su se fondre dans la masse et faire comprendre qu’ils n’étaient pas réductibles à une minorité de queers.
@ Physdémon et Aristote,
Norme= règle, standard.
Si on définit une norme comme une règle de conduite par exemple, on peut constater que le sens du mot se déplace sur l’objet qu’il définit.
Ex; ma règle de conduite est de me laver les dents deux fois par jour.
La norme devient le fait de me laver les dents deux fois par jour, alors qu’en réalité la norme est ce qui m’oblige à me laver les dents deux fois par jour (c’est à dire une règle appartenant à l’ensemble des règles d’hygiène que j’applique pour me maintenir en bonne santé, car j’en perçois le caractère obligatoire ou approprié).
C’est pour cela que le mot « norme » embarrasse: il décrit aussi bien ce que la règle oblige à faire que la règle elle-même.
Sinon, les comportements sexuels sont extrêmement normés. Vous êtes par exemple juridiquement tenu de vérifier l’accord de votre partenaire tout au long du rapport sexuel et il ou elle et tenue d’en faire autant.
Si vous êtes atteint d’une maladie grave sexuellement transmissible, vous êtes tenu de l’avertir ou d’utiliser une protection appropriée.
Vous ne pouvez pas choisir librement vos partenaires parmi les membres de votre famille.
Il y a des conditions d’âge à respecter.
Vous ne pouvez pas vous livrer à une activité sexuelle n’importe où.
Etc.
Nan, nan, la sexualité est très réglementée et normée. Elle l’a toujours été.
13 décembre 2012 at 12:42
@ tschok
Ai-je jamais écrit que la sexualité n’était plus normée ? Je ne me reconnais pas dans cette thèse extrémiste.
J’ai fait une remarque qui me semble de bon sens : il y a une différence qui vaut la peine d’être noté entre la « norme » de se brosser les dents deux fois par jour et celle, faisant l’objet d’une obligation légale, de ne pas violer le partenaire sexuel.
Je pense qu’on peut défendre l’observation que si, à l’évidence, la sexualité est toujours, partout et en tous lieux, l’objet de normes, celles-ci sont en France plutôt plus ouvertes en 2012 qu’en 1950. Il n’est pas absurde non plus de défendre la thèse inverse.
En fait, ce débat ne m’intéresse guère, il me paraît très verbal, c’est-à-dire qu’il dépend beaucoup de ce que l’on entend par norme et hiérarchie des normes. Norme = règle, standard, par exemple, cela ne me va pas parce qu’une règle et un standard, ce n’est pas la même chose.
20 décembre 2012 at 15:10
Hello ! Je reviens de la relecture intégrale du post original accompagné de la (longue…) lecture des 228 commentaires l’accompagnant. Je suis passablement impressionné par la qualité des commentateurs sur ce blog, qui parviennent à discuter d’un sujet aussi polémique avec des arguments (le plus souvent) rationnels et sans (le plus souvent) s’énerver. C’est suffisamment rare sur internet pour être applaudi, même si certaines choses m’ont agacé dans le débat (j’y reviendrai).
Je ne suis pas philosophe de formation mais si quelques détails et subtilités de l’argumentation ont pu m’échapper, je crois avoir saisi l’essentiel. Puis-je me permettre de faire un (long) résumé de ce qui a été dit jusqu’ici ? J’ai noté que le débat opposait Philarête, Aristote et Physmédon à Tschok et Vivien, puis Philarête, Aristote, Physmédon et Logopathe à Tschok, Bashô et quelques autres. On peut regretter que Philarête ne soit finalement pas intervenu dans ce débat, sa contribution eut rendu celui-ci encore plus enrichissant. Mais je considère que ses arguments sont contenus dans son billet. Pour simplifier appelons les « anti-mariage pour tous » les « conservateurs », terme que Philarête (« conservatisme modéré », com 86) accepte. Je l’utilise de façon purement opératoire ici, non idéologique. En face, il y a surtout Tschok.
Il m’a semblé que l’argumentation des uns et des autres se déroulait en deux temps (sans prétendre tracer une frontière entre la première partie du débat et la seconde). Le cœur du premier débat concerne la question des « règles constitutives » exposées par Philarête. Plus précisément elle porte sur la question de savoir si l’ouverture du mariage aux couples de même sexe constitue un changement de nature de l’institution du mariage, et même plus largement de l’existence de règles constitutives du mariage (et sans lesquelles le mariage, d’une façon ou d’une autre, n’en est pas vraiment un).
20 décembre 2012 at 15:10
D’un côté, Philarête, Aristote et Physmédon défendent la position que l’altérité sexuelle est une règle constitutive du mariage. Philarête le souligne à plusieurs reprises (« il est difficile de ne pas considérer que la différence de sexe fait partie des « règles constitutives » de notre concept de mariage ») et prend soin de distinguer les règles constitutives comme l’altérité des sexes des « simples rituels » (point 3.1), utilisant la comparaison avec le football : la tenue des joueurs constitue un rituel, qui peut être changé sans altérer l’essence (terme employé au point 3.1) du jeu ; l’altérité des sexes constitue une règle constitutive, qui ne peut être changée sans donner naissance à une nouvelle institution, de même, selon Philarête, que le consentement ou l’âge requis (point 3.2).
La première partie de l’argumentation des conservateurs va se concentrer sur ce point en soulignant que retirer la condition d’altérité sexuelle constitue un changement dans les règles constitutives du mariage. Reprenant le texte de Philarête au point 3.2, Physmédon est clair au commentaire 38 : « Quand on institue la possibilité du « mariage » entre personnes de même sexe, on fait que la différence sexuelle n’est plus un élément structurant du mariage. La substance même du mariage s’en trouve affectée. On a dès lors affaire à une autre institution que ce que jusqu’alors on appelait mariage. » Au commentaire 94 il parle de « détruire l’institution telle que nous la connaissons ».
De l’autre côté, Tschok (et dans une moindre mesure Vivien et Bashô) s’attachent à défendre une position que ses adversaires qualifient proprement de nominaliste : en d’autres termes, le mariage est une institution qui a évolué de multiples fois dans l’Histoire, il est inepte de lui donner une substance basée sur des règles constitutives qui ont nécessairement un caractère arbitraire. Ce caractère arbitraire semble être présent dans le texte même de Philarête : quand il parle des règles constitutives, il précise à chaque fois qu’il parle de « notre » mariage (3.2) : « on ne suppose pas, chez nous » (3.2), « notre concept de mariage » (3.3), « notre histoire » (3.3), etc. Du coup, on aboutit chez Philarête à un argument étonnant : l’altérité serait une règle constitutive du mariage, en un sens essentialiste puisque retirer cette condition revient à changer l’institution (« C’est pourquoi il est impossible de ne pas considérer que l’altération de cette règle aboutirait à un changement d’institution », 3.3) mais en même temps cette règle constitutive est propre à notre histoire, notre culture, et pourrait fort bien être différente. L’argument se veut fort mais apparaît extrêmement faible. D’ailleurs Philarête le dit clairement au point 2 : « la règle est par définition conventionnelle. La règle pourrait être différente. C’est nous – la société – qui disons ce qu’il doit y avoir pour obtenir tel résultat institutionnel. »
20 décembre 2012 at 15:11
Dire que la règle constitutive de l’altérité est propre à « notre » mariage amène des développements infinis et sans doute fort complexes sur la définition du « notre » : culture ? civilisation ? aire géographique ? Sans définition claire de ce « notre », il paraît difficile de soutenir que changer la condition de l’altérité aboutit à changer l’institution. Si dans d’autres cultures/civilisations/époques l’altérité/le consentement/l’âge requis n’est pas une règle constitutive du mariage, peut-on parler de changement de l’institution lorsqu’on modifie une de ces conditions ? Pour qu’il y ait changement il faut qu’il y ait une modification de l’essence (définie par les règles constitutives) par rapport à une essence initiale. Mais d’où vient cette essence initiale ? De quelle période/culture/civilisation ? Finalement l’argument de Philarête revient à dire : si l’on retire l’altérité, on modifie l’institution par rapport à ce qu’elle est aujourd’hui en France en 2012 dans une conception civilisationelle occidentale et culturellement judéo-chrétienne. C’est pourquoi l’argument est faible : il suffit de constater que cette vision du mariage ne repose que sur une vision particulière du mariage, soit propre à une période particulière (constater par l’histoire que le mariage a évolué) soit par une culture particulière (prendre des exemples fournis abondamment par les anthropologues). Tschok peut s’en donner à cœur joie.
Dès son premier commentaire, le 15, il critique la théorie substantialiste : « Vous semblez donc adhérer à une théorie de la substance du mariage, de type plutôt moniste d’ailleurs, un peu comme Physdémon. Mais, êtes-vous si sûr que cette théorie soit seulement vraie ? » Il montre ensuite que la constitution du mariage a évolué, ce qu’on pensait être des règles constitutives autrefois (indissolubilité avant la réforme de 1975 introduisant le divorce par consentement mutuel, consentement avant l’exigence de consentement public, notamment de la femme, défendue en particulier par l’Eglise au Concile de Latran), n’en sont plus. Il prend l’exemple de la Constitution en estimant que changer la Constitution (en France notamment) est accepté, sans que l’on estime changer de régime pour autant. La position de Tschok est répétée et précisée plusieurs fois. Ainsi au commentaire 165 : « D’autre part, je ne chercherais pas non plus à définir quelque chose d’universel dans le mariage à travers cette fois les conditions du mariage tenant aux époux, comme l’âge, l’origine ethnique ou même l’altérité sexuelle. Là encore, il y a trop de variations en fonction des époques et des sociétés: je ne peux universaliser car je ne suis pas en mesure de dire « voilà, le mariage à travers le temps et l’espace c’est tel truc bien définit et ça bouge pas ».
Finalement Tschok critique la vision « vieux jeu » (com 140) d’Aristote et Phsymédon qui projettent leur propre vision idéalisée du mariage en la présentant comme universelle. Il parle de l’article de Philarête comme d’un « manifeste » (com 80), un « système autobloquant qui ne tolère pas le changement » (83), une « analogie conservatrice par nature » (26). Selon lui, il ne s’agit de leur part qu’une pure croyance conservatrice issu d’un « stresse non rationnel » voire d’une vision « apocalyptique », une « inquiétude morale du conservateur » des conséquences du changement dans les règles du mariage (com 194). Il dit ainsi en 165 : « Sur le plan du réel, les éléments constitutifs du mariage ne sont pas là où on les met par acte de volonté ou croyance. » Il parle en 155 d’une « opération de sacralisation » et de « construction intellectuelle », invitant ses adversaires à « sortir de [la] citadelle de convictions ».
20 décembre 2012 at 15:11
La difficulté dans ce débat, vient surtout, il me semble, du mot « essence » et de ce qu’il implique, à savoir la constitution d’une chose. Si l’essence d’une chose est absente, la constitution de cette chose est absente aussi, autrement dit cette chose n’existe pas. Comme le fait remarquer Khazan en commentaire 162, « Si on considère que l’eau est constitutive de la vie… alors l’absence d’eau implique l’absence de vie. Hors si j’observe un couple, l’absence d’enfants comme l’absence de volonté d’avoir des enfants ou l’infertilité, n’impliquent pas l’absence de mariage. Par conséquent la dimension reproductive du couple n’est pas constitutive du mariage… » De même Tschok montre que le Code Civil, ne fait pas de la reproduction un élément constitutif du mariage, au sens où il n’invalide pas des mariages stériles (à postériori) et accepte des mariages sans volonté d’avoir des enfants (à priori). Ainsi dit-il en commentaire 165 : « pour ce qui est de la reproduction, le code civil n’a jamais subordonné la validité du mariage à la procréation en tant que telle. Jamais. Je n’y suis pour rien, c’est çakom. C’est un fait. »
La position des conservateurs va se préciser et je crois qu’un progrès est fait dans la discussion à partir du commentaire 172 de Logopathe. Il distingue deux façons de voir « l’essence » : une essence au sens de « condition nécessaire à l’existence » (ce qu’il appelle « sens tshokien », Tschok déclarant au commentaire 165 qu’un élément consubstantiel est un élément « qui ne peut être retiré ou modifié sans changer la nature de ce à quoi il s’applique ») ; une essence au sens de « finalité réalisée » (qu’il appelle « sens philarêtien »). Ainsi la reproduction n’est peut-être pas un élément essentiel (au sens tschokien) du mariage, mais elle en est un élément essentiel au sens philarêtien, présent dans la quasi-totalité de tous les mariages dans toutes les sociétés, sans lequel, bien qu’il y ait toujours un mariage, c’est un mariage, pourrait-on dire, « diminué ». Sans procréation le mariage existe, mais il ne réalise pas sa finalité.
Ainsi au commentaire 158 Logopathe récuse être un essentialiste au sens tschokien : « Vous prêtez à Aristote et à moi-même des arguments absolutistes et essentialisants que nous n’avons pas. » Même discours au commentaire 172 : « Bon, moi, l’essence du mariage, je sais pas trop ce que c’est. » Aristote confirme au commentaire 181 : « je ne prétends pas avoir identifié une ou plusieurs caractéristiques du mariage qui puissent être élevées à la dignité des essences platoniciennes. »
20 décembre 2012 at 15:12
Dans leur tentative de prouver l’existence de règles constitutives, les conservateurs font donc se focaliser petit à petit sur certaines de ses règles, et en particulier la procréation (quoique, comme le regrette Physmédon en 173, le terme le plus employé dans la discussion est « reproduction »). La discussion se déplace donc, dans un deuxième temps sur ce point. Vivien disparaît de la discussion mais « en soutien » à Aristote et Physmédon apparaît Logopathe. Tschok peut compter sur l’argumentation de Khazan, quoique différente de la sienne. On cherche à répondre à la question : la procréation constitue-t-elle une règle constitutive du mariage dans notre société ? (on ne parle pas ici du mariage en général).
Il y a un désaccord profond sur le constat empirique, sur les faits. Aristote, Physmédon et Logopathe soutiennent que, même s’il existe à l’évidence des contre-exemples (mariage stérile, mariage de personnes âgées, mariage sans volonté d’avoir des enfants), ils ne sauraient remettre en question la nature du mariage. Ainsi Aristote déclare en 181 : « Je tiens que le mariage est dans notre société une institution. Que durée et procréation sont constitutifs de l’institution telle qu’elle s’est développée dans notre société, même s’ils sont accidentellement l’un ou l’autre absents de tel ou tel mariage concret. » Dans la même idée, en 184 Logopathe parle de « passager clandestin » : « Le mariage unit l’homme et la femme en raison d’une présomption de fécondité. Si certains couples manifestement stériles, en raison de leur âge par exemple, veulent se marier, on ne peut pas les en empêcher: c’est un phénomène classique de passager clandestin, c’est tout. »
Autrement dit, les contre-exemples sont diminués, soit parce qu’ils sont minoritaires (en reprenant ce que dit Tschok lui-même, Logopathe déclare au commentaire 158 : « La grande majorité des gens qui se marient ont des enfants ensemble (4 sur 5 autrefois, d’après votre statistique; aujourd’hui je ne sais pas). Qu’ils les aient avant ou après la cérémonie, on s’en fout. Raisonner sur ceux qui n’ont pas d’enfants, c’est raisonner sur une exception. » Il va même plus loin puisque dans le même commentaire il déclare : « Les gens qui se marient sans avoir ces aspects du mariage en tête aboutissent généralement à l’échec : ils utilisent l’institution de travers. » Pour préciser son idée il prend dans le commentaire suivant (159) l’image du 4×4, qui peut être utilisée en ville mais clairement pas conçu pour cela. Et Logopathe conclut très clairement : « Il n’y a donc pas le plus petit doute quant à la vocation reproductive du mariage. Mais vraiment pas le plus petit. Pour autant, certains peuvent vouloir contracter un mariage pour d’autres raisons. C’est leur droit le plus strict. Souvent, ces raisons tiennent aux avantages fiscaux et sociaux qui ont été accordés aux personnes mariées. Ou alors, à une vision romantique du mariage. Pas de problème. Ces cas ne contredisent absolument pas le fait, établi, que le mariage a d’abord vocation à encadrer la famille. Et même si les mariés ont 80 ans, a priori, on leur donnera un livret de famille avec des pages en blanc pour les enfants. Et on leur lira, vraisemblablement, les mêmes articles du code civil, même s’ils ne s’appliquent pas à eux. »
20 décembre 2012 at 15:12
Le terrain de la position des conservateurs se déplace donc sur le plan historique et social : oui, disent en substance Physmédon, Aristote et Logopathe, le mariage n’est pas par essence (au sens tschokien) voué à la reproduction, à la fondation d’une famille, car il ne disparaît pas si cette volonté est inexistante. Pour autant cette vocation (la reproduction, la fondation d’une famille) est historiquement, socialement et juridiquement très importante dans le mariage, essentielle au sens philarêtien. La nier au nom d’ « exceptions » (terme employé par Aristote en commentaire 163, par T-Greene en 170) est inepte.
Ainsi les conservateurs avancent un certain nombre d’arguments scientifiques pour affirmer que le modèle de la famille nucléaire est universel et originaire : Emmanuel Todd et Desmond Morris sont convoqués en commentaire 169 par Physmédon. Le code civil est également invoqué : « nier la dimension reproductrice du mariage, quand on vous donne un livret de famille avec des pages en blanc pour les lardons, et qu’on vous fait un sermon sur les gnards passés ou à venir, je sais pas trop à quoi ça rime, franchement. », affirme Logopathe en com 172. Aristote, au commentaire 163, nie aussi la valeur des exceptions avec un argument d’ordre épistémologique, un raisonnement par l’absurde : « Le domaine des institutions n’est pas celui des lois rigoureuses des sciences naturelles. Il y a toujours des exceptions, des détournements. Si l’on veut absolument tenir le principe qu’un contre-exemple suffit à invalider une proposition, alors aucune institution ne tient. On ne peut pas alors dire que la reproduction n’est pas une dimension constitutive du mariage, tout ce qu’on peut dire, c’est que l’institution du mariage n’existe pas, que les institutions ne sont que des fictions. Thèse que je ne partage pas, mais qui a le mérite de la cohérence. »
L’histoire est convoquée par le même Aristote en 152 : « le mariage restait bien reproductif, l’idée était de s’assurer d’une descendance, de renouveler les générations. Selon les temps et les lieux, les motivations ont pu varier : assurer la continuation du culte des ancêtres, transmettre un nom, un titre, un patrimoine, participer au don divin de la vie, que sais-je. Mais il me paraît difficile de contester que la dimension reproductrice du mariage lui est constitutive. »
J’ai l’impression qu’il y a un manque de rigueur à ce stade du débat car les commentateurs ne précisent pas toujours s’ils parlent du mariage en général ou du mariage dans notre société.
20 décembre 2012 at 15:13
Face à cela, que répond Tschok ? Il est davantage dans une posture défensive. C’est-à-dire qu’il cherche moins à montrer que le mariage pour tous est acceptable, ou est une bonne chose, qu’à récuser les arguments de ses adversaires qui prétendent le contraire. Il fait pour cela une fine analyse des commentaires de ses adversaires, une analyse textuelle qui porte très souvent sur la forme, en les citant pour mieux mettre en lumière leurs contradictions (on note l’emploi récurrent du mot « verbatim » pour citer ses adversaires). Cela commence dès le commentaire 61 où il estime mettre en évidence une autocontradiction de Physmédon : « je vous expliquerai pourquoi vous vous êtes pris les pieds dans le tapis. ». Répondant à Aristote en 181, il prétend décrypter son discours : « Permettez-moi, en réponse à votre com, de vous proposer une autre lecture de vos propres idées. » Même chose en 204 où il raille l’existence de plusieurs Aristote, « Aristote 1 » et « Aristote 2 » qui se contredisent.
Dans cet exercice de sophiste, Tschok se révèle particulièrement brillant : à quelques moments de la discussion (en 65 notamment) il réussit je crois assez bien à montrer que les conservateurs se contredisent, reprenant notamment la difficulté de l’analyse de Philarête, avec un argument à la fois essentialiste et très relatif.
Mais Tschok répond peu sur le fond. Aristote lui fait remarquer en 167 : « la critique des essences platoniciennes ne suffit pas à valider les thèses nominalistes. » Son commentaire 177 est symptomatique. Il ne répond pas véritablement à Logopathe sur l’essence (les deux types d’esssence) et ne répond rien non plus sur les arguments avancés par Physmédon en 169 (Todd, Morris) se contentant une fois encore de critiquer le discours de ses adversaires. Il commence par insister sur les exceptions à l’universalité (qu’il cherche dans la common law anglo-saxonne) tout en reconnaissant que « tout cela n’a pas énormément d’importance, en fait. » Cela pour amener son idée centrale (toujours dans l’esprit nominaliste) : la critique de l’universalisme dans le mariage, « Je dois vous dire que j’ai énormément de mal à lui trouver du sens. » (toujours 177). Seulement, au lieu de répondre sur le fond de cette universalité (existe-t-elle ou non ?) en sortant de la posture qui consiste à aligner des exceptions, Tschok a recours à un glissement argumentatif en raillant son adversaire (Physmédon citant la Genèse), ce qui lui permet d’éviter d’avoir à répondre sur le fond. Il déclare ainsi que « si l’enjeu de la question de l’université du mariage est de pouvoir dire que le changement est une perversion, alors on est sur le terrain des convictions et il devient inutile, comme nous y invite Physdémon, de convoquer la science ou la raison. » Un tour de passe-passe qui lui permet d’évacuer facilement ce qui dérange : « Alors, laissons tranquilles Emmanuel Todd et Desmond Morris et convoquons plutôt les prêtres, les idéologues ou les politiques, car ils sont dans leur élément. »
Il a cependant un argument de fond central, qui consiste à insister sur les exceptions culturelles et historiques. Son commentaire 156 est clair : « (…) Maintenant, la question qu’on pourrait vous poser, à vous, hommes de convictions, est la suivante:
– Comment expliquer les mariages non reproductifs (1 mariage sur 5 dans le passé)
– Comment expliquer les naissances hors mariage (1 sur 2 dans le présent)?
Face à ces deux réalités, à la fois historique pour l’un et actuelle pour l’autre, comment comptez-vous expliquer objectivement, et j’insiste vraiment sur ce mot, objectivement, la validité de votre affirmation selon laquelle, je le rappelle, la reproduction est un élément constitutif du mariage? »
Même chose en 155 où il insiste sur le fait que le mariage n’est pas un invariant culturel : il a une histoire : « la réalité factuelle du mariage est plurielle », « Pourtant le mariage est pluriel par nature », « à certaines époques de notre histoire, pour ne reprendre que la nôtre, le mariage a été conçu par un nombre significatif d’époux, non pas comme le cadre de leur reproduction, ce dont ils n’avaient strictement rien à foutre, mais comme le cadre d’une organisation essentiellement économique conférant un rang social, qu’ils voulaient maintenir. (…) Cette réalité factuelle a existé, existe encore et existera toujours. Pourtant les gens qui sont mariés sans enfants sont bel et bien mariés et personne ne songe à dire le contraire. » Finalement les « conservateurs » sont accusés de « nier le réel » pour « croire ».
20 décembre 2012 at 15:13
Au bout de ces longs échanges, est-on parvenu à un quelconque rapprochement des positions ? Il me semble que oui, dans une certaine mesure. Sur la première partie du débat, Tschok admet (assez tôt d’ailleurs, au commentaire 90) que « Il est possible que cette loi introduise des changements qui soient d’amplitude révolutionnaire par rapport à l’histoire des concepts. C’est vrai, faut pas se mentir. Oui, il est tout à fait possible que ce truc soit très dangereux. ». Cinq commentaires plus loin, il déclare : « Et puis surtout, on verra à l’usage. On sera assez rapidement fixés sur les problèmes qui se poseront et sur les solutions à trouver. ». Deux commentaires plus bas : « c’est l’adoption qui est problématique. Mais c’est compliqué. » Autrement dit, sans adhérer à l’idée d’une « dénaturation » du mariage (terme employé par Physmédon en 38 et en 169) ni à l’idée que l’altérité des sexes serait une règle constitutive du mariage –sa suppression entraînant sa disparition, un changement d’essence– Tschok admet que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe constitue un changement important.
Tschok : l’ouverture du mariage aux couples de même sexe est potentiellement d’amplitude révolutionnaire.
Les conservateurs : l’ouverture du mariage aux couples de même sexe entraînerait un changement de l’institution. Aristote semble nuancer sa position à la toute fin de la discussion, en 215 : « Le mariage gay va-t-il contribuer à une évolution « ponctuée » de la société, peut-être que oui, peut-être que non. Cette évolution sera-t-elle plutôt un bien ou un mal ? Qui sait, qui peut en juger ? »
Je crois qu’on a fait un pas. Un changement important s’annonce, mais pas forcément une révolution.
Tschok va jusqu’à reconnaître que ses adversaires ont raison sur le fait que la fonction reproductrice dans le mariage est essentielle (au sens philarêtien, comme « finalité première »). Je cite, commentaire 156, Tschok répondant à Logopathe : « Quand vous dites que le mariage encadre la fonction reproductrice de l’être humain, pour moi et jusqu’à preuve du contraire, vous êtes dans le vrai. C’est quelque chose que je peux vérifier et, moyennant quelques nuances, on voit bien que l’une des fonctions du mariage dans son acception la plus large est d’encadrer la reproduction dans ses différentes dimensions (l’acte sexuel, la naissance d’un nouvel être, les liens de filiation, les conséquences sur le nom, la dévolution du patrimoine, etc). ».
Donc, on a déjà deux points sur lesquels on a un accord :
1. L’ouverture du mariage aux couples de même sexe entraîne un changement dans l’institution (qu’il soit de nature ou de forme, contentons-nous de le dire important).
2. La fonction reproductrice est primordiale dans le mariage, même s’il peut être utilisé à des fins secondes (Logopathe, 179)
20 décembre 2012 at 15:14
Y-a-t-il des faiblesses dans ce débat ? Je le pense. Il est étonnant qu’après autant de commentaires, rien n’ai été dit sur certains points pourtant essentiels. C’est l’un des défauts d’un débat de philosophe, et, en ce sens, Bashô (en 52) a raison de souligner les limites du raisonnement philosophique. Que ce soit les conservateurs ou Tschok, tous en restent à un extraordinaire niveau d’abstraction en multipliant les métaphores (le match de tennis, le match de football, le 4×4, le bateau, le chocolat, les voies de circulation automobiles, on a même droit à la poule et à l’œuf !) mais ces métaphores ne sont pas des arguments empiriques appuyant une théorie : nés dans l’esprit de ceux qui les utilisent, ils servent uniquement à appuyer l’argumentation de façon logique, avec un raisonnement qui opère souvent par l’absurde.
On est ainsi étonné de ne trouver presque aucun argument de sociologie ou de psychologie concernant l’altérité (à l’égard de l’enfant). Le commentaire de Physmédon en 89 est emblématique. « Le billet [de Philarête], explique-t-il à Tschok, ne vise pas à justifier un refus du mariage gay. Il se contente de démontrer que celui-ci a un coût : il altère en profondeur le mariage hétérosexuel (de même qu’admettre des couples unisexes dans un tournoi de double mixte signifie créer un tournoi d’un autre type qu’un tournoi de double mixte.) ». Le problème, c’est que l’ampleur de ce coût n’est presque jamais abordée….. Tschok a alors beau jeu de souligner que la vision de ses contradicteurs est apocalyptique, reposant sur leurs préjugés religieux (je caricature à peine). Aristote remarque aussi en 193 : « On peut être favorable à la disparition du mariage. Mais si c’est cela qu’on veut, c’est cela qu’il faut argumenter. » Dans un sens ou dans l’autre, il n’y a malheureusement pas sur ce sujet beaucoup d’arguments.
Car même en admettant que les conservateurs aient raison, même en admettant que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe constitue un changement profond et de nature (un changement dans les règles de fond, pour reprendre la distinction de Tschok) du mariage, qu’est ce qui empêche de souligner que ce changement est souhaitable ? Inventer une autre institution est, dixit Philarête au point 2, « évidemment, parfaitement possible. » Mais pourquoi ne discute-il pas de cette possibilité ? Pourquoi ne fait-on presque jamais intervenir l’altérité en tant que composant structurant le mariage, c’est-à-dire, non un argument disant « le mariage est alter, parce que c’est comme ça », mais « le mariage est alter, parce que c’est beaucoup mieux pour les enfants » ? Il y a là des arguments à développer sur la stabilité moindre (et avérée, elle est loin de ne reposer que sur des fantasmes) des couples de même sexe, sur l’importance de l’identification sexuée des enfants dans le couple, etc. C’est sans doute la raison d’ailleurs pour laquelle les statistiques s’inversent selon que l’on parle de mariage ou d’adoption : dans les sondages, on est autour de 40 contre et 60 pour le mariage, mais 60-40 concernant l’adoption. Je connais des athées qui sont favorables au mariage mais pensent que, l’altérité étant le mieux pour les enfants, il ne faut pas encourager les familles non-alter (les familles monoparentales et divorcées ayant assez de difficultés comme cela). Ainsi ils s’opposent à l’adoption, donc au projet.
Cela avait été souligné par « oim » dès le commentaire 16 : « mariage homo=affaiblissement du mariage pour tous=moins de stabilité des couples=plus de famille monoparentale=plus d’enfants élevés dans des conditions materielles difficiles et de femmes au final discriminées. Tant qu’il n’y a pas mort d’homme immédiate, rien n’est grave… » Il me semble qu’il eut fallu le développer davantage. Lorsqu’Aristote, au commentaire 145, souligne l’importance de l’engagement en disant que le mariage, du fait de ses règles (notamment la difficulté de dissolution devant la République, et même impossibilité à l’Eglise) implique un engagement de long terme (ceux qui ne veulent pas s’engager ne se marient pas), l’existence du divorce sanctionnant un échec et ne remettant pas en cause cette vocation du mariage, il ne fait pas de parallèle avec le fait que l’engagement des couples de même sexe est (en moyenne bien sûr) moindre.
20 décembre 2012 at 15:14
Je considère pour ma part que les arguments avancés par les conservateurs pour montrer que l’altérité est constitutive du mariage sont plus convaincants que ceux de Tschok, qui se contente de les critiquer sans avancer beaucoup d’arguments sur le fond (il ne répond pas grand-chose à Todd et à Morris, notamment). Mais après tout, même en supposant que Tschok ait raison, que le mariage tel que le défendent les conservateurs n’est qu’un accident de l’histoire, voire une vision idéalisée par les conservateurs, on peut tout à fait le défendre pour ce qu’il représente en tant que structure protectrice, fut-elle récente, plutôt que sur la base d’un argument essentialisant. C’est en substance ce que je disais sur mon propre blog en citant un argument d’Henry Le Barde, un bloggeur : « Pardieu, les droits de l’homme, la démocratie libérale, la liberté d’expression et de conscience sont aussi des inventions récentes. Et il me semble que ce n’est pas pour autant qu’il serait illégitime de les défendre. (…) défendez justement la famille moderne parce que c’est un acquis fondamental de faire coïncider, pour la première fois dans l’Histoire, filiation biologique et sociale. » Aristote semblait aller dans ce sens en 152, lorsqu’il parle de la répudiation : « C’était de fait une pratique universelle, et son refus est une vraie nouveauté du mariage chrétien. C’était aussi une pratique asymétrique, rarement accordée aux femmes, avec une exception pour Rome si ma mémoire est correcte. Répudiation d’ailleurs souvent liée à la dimension reproductive du mariage, c’est souvent la femme stérile qui était répudiée. L’alternative était la polygamie. Faut-il militer pour le rétablissement de la répudiation, en garantissant cette fois l’égalité des sexes ? On ressent une gêne, non ? »
Autrement dit : ce n’est pas parce qu’une institution n’était pas ce qu’elle est actuellement qu’elle n’a pas évolué dans le bon sens. Il y a la nécessité d’introduire un jugement moral qui peut parfaitement reposer (en tout cas s’appuyer) sur des arguments rationnels voire scientifiques (travaux de psychologie sociale, etc.). Même chose dans son commentaire 18 : « Quand la direction est mauvaise, le prochain pas n’est pas nécessairement celui qui fait tomber dans le précipice. » Autrement dit, oui, le mariage a une histoire (consentement, répudiation… « même le Christ en parle », souligne-t-il) mais les évolutions qu’il a prise et prend à l’heure actuelle ne sont pas nécessairement heureuses, pas heureuses par principes. OK, mais pourquoi ?
20 décembre 2012 at 15:15
On remarque qu’Henry Le Barde parle de famille, non de mariage. Il y a là une question. Dans les débats ci-dessus, le terme « famille » n’apparaît que peu de fois, une cinquantaine environ dans les commentaires, onze fois dans le texte de Philarête, alors que le mot « mariage » apparaît (comptage word)…726 fois ! C’est que la discussion a largement porté sur le mariage. Or, qu’est-ce que le mariage ? Pour Tschok au commentaire 15 : « des individus se marient pour former des couples. Que voulez-vous dire de plus, franchement ? », ce qui est « bibliquement simple », selon lui. De même Vivien en 5 : « Nous divergeons parce que vous n’introduisez pas réellement dans votre réflexion la notion de couple. »
Vivien et Tschok ont raison de reprocher à Philarête ne pas raisonner à partir des couples. Mais il ne faut pas en conclure, contrairement à ce que fait Tschok, que le mariage est uniquement la consécration du couple. Certes, ce ne sont pas des individus qui se marient, mais des couples (ce en quoi je conteste Philarête au commentaire 6). Quand je me marie, que fais-je reconnaître devant la loi, sinon mon couple ? C’est n’est pas X et Y qui se marient individuellement, c’est le couple formé par X+Y qui demande à la loi de le reconnaître. Le mariage, en tant qu’acte juridique à portée sociale, consacre le couple mais ne le constitue pas, car le couple lui préexiste. Et qui lui préexiste même de longtemps aujourd’hui où l’on valorise le consentement, l’amour, et où l’on se marie souvent après de nombreuses années de concubinage. On forme déjà un couple quand on se marie, fut-ce de quelques semaines pour les plus pressés !
Tschok fera justement remarquer que si l’on raisonne ainsi on doit reconnaître qu’il y a bien une discrimination à l’égard des couples homosexuels : en tant qu’individus ils peuvent se marier avec une personne de sexe opposé, mais en tant que couple, ils ne peuvent pas se marier (c’est en substance son premier commentaire). Il me semble qu’il a raison sur ce point, c’est pourquoi il faut souligner que la discrimination à l’égard des couples homosexuels ne concerne pas le mariage mais la famille. C’est ce qui je crois manque à ce débat : si l’on veut invoquer une discrimination à l’égard des homosexuels, c’est à une conception de la famille qui exclut la famille homosexuelle plutôt qu’à l’invocation incantatoire d’une discrimination dans le mariage à l’égard des homosexuels en tant qu’individus.
Pour être plus précis, j’estime que si les couples de même sexe ne devraient pas pouvoir se marier, ce n’est pas lié à la nature du mariage (et donc à l’histoire des règles constitutives empêchant « par principe » la non-altérité) mais à la nature de la famille. Chacun reconnaîtra qu’il peut exister des familles sans mariage. Mais la réciproque n’est pas vraie. Il me semble à ce sujet que Tschok n’a pas bien saisi sa propre remarque en 155 : bien évidemment, la fonction reproductrice peut exister en dehors du mariage, le « couple biologique peut durer le temps d’un rapport sexuel, d’une saison, d’un coup de foudre ou d’une vie », en effet. Mais la réciproque n’est pas vraie ! Le contenu, si vous voulez, peut exister hors du contenant, mais le contenant (ici le mariage) n’existe pas sans contenu. Puisque vous êtes féru d’images : l’eau peut exister hors de la bouteille, c’est toujours de l’eau. Mais une bouteille d’eau sans eau, ou avec autre chose que de l’eau, ce n’est plus une bouteille d’eau. C’est une bouteille vide, ou une bouteille d’autre chose. Logopathe lui avait d’ailleurs répondu en 158 : « Le mariage est, entre autres, un moyen de sécuriser la famille. Il n’oblige pas à se reproduire, et on peut s’en passer si on veut faire des enfants. »
Par rapport à ce que j’ai dit plus haut : le mariage consacre le couple sans le constituer, mais ne consacre pas uniquement le couple. Le mariage, la bouteille, n’a pas pour contenu majeur le couple. Juridiquement, ce n’est pas d’abord le couple que le mariage consacre. Que consacre surtout le mariage ? Il consacre le désir d’un couple de fonder une famille, ou de protéger celle qui existe déjà. Je définis ainsi le mariage comme la reconnaissance juridique et sociale d’une famille existante ou à venir. Je prolonge ainsi la définition de Bashô en 27 : le mariage comme institution est une « règle de jeu socialement acceptée »…fondée sur un certain nombre de principes.
20 décembre 2012 at 15:15
Cette définition repose sur des arguments juridiques et historiques : le couple qui se marie entre dans l’institution d’excellence juridique, sociale, fiscale, etc. de la famille (j’emploie le terme « excellence » en dehors de toute considération morale, faisant référence aux avantage procurés par le mariage), que les conservateurs analysent justement comme une volonté de la société de favoriser la famille parce qu’elle y trouve des avantages. Il est impossible de nier, et, nous l’avons vu, même Tschok a fini par le reconnaître, que l’essentiel du Code Civil à propos du mariage concerne la famille et les enfants. Un bloggeur (http://losservatore.wordpress.com/2012/05/21/mariages/) m’avait à ce sujet fortement éclairé. Citant le Code Civil : « La finalité du mariage est assez clairement définie : Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir. (Art. 213) Voilà. Le but est d’élever des enfants dans un cadre stable, pour leur bien. Et à l’occasion, pour le bien de la société (qui s’il n’y avait pas d’enfants, cesserait assez vite d’exister…). » Cela avait été souligné par Waddle au commentaire 8, qui définissait le mariage comme « une discrimination introduit par le législateur qui y voit un effet bénéfique pour la société: la formation de la famille dans un foyer stable, et donc propice à élever des enfants (et donc être utile à la société) ». Ce que Philarête avait judicieusement précisé au commentaire 10, estimant que le mariage était une liberté plutôt qu’un droit, le législateur encadrant l’exercice de cette liberté (en posant des conditions d’accès) pour le bien de la société.
Dans cette définition pour se marier il faut donc soit constituer déjà une famille (le mariage en étant la reconnaissance sociale et juridique officielle), soit avoir l’intention d’en constituer une (le mariage étant la reconnaissance de cette intention, de ce désir). Pour avoir l’intention de constituer une famille, il faut être en capacité de le faire, pouvoir le faire. « Les gens se marient-ils pour se reproduire, ou bien est-ce parce qu’ils se reproduisent qu’on les marie? demande Tschok en 155. » Les deux, mon capitaine ! Ils se marient pour se reproduire, ou bien se marient après s’être reproduits (comme c’est poétique !).
Dès lors, je conteste le droit aux homosexuels de se marier car ils ne constituent pas une famille. Arbitraire ! déclarera Tschok en m’accusant de me reposer sur une vision biblique de la famille selon laquelle la « finalité réalisée » de la famille serait la procréation. Mais il y a quelque chose qui n’est pas arbitraire, Tschok, c’est la nature. Je pose encore une fois la question : qu’est ce qui définit la famille ? Supposons –en raisonnant comme les anciens philosophes, à partir d’un mythe naturaliste– que la société n’ait jamais existé. L’attirance d’un sexe pour une autre et le désir sexuel et hormonal existe, lui. Cromagnon prend donc Crogmanone dans la caverne : il lui fait un enfant. Cromagnonne devient mère du petit cromagnus. Mère-enfant. Il y a un père aussi : cromagnon. Voilà, on a une famille. Supposons qu’elle n’ait pas d’existence sociale. Elle a pourtant une existence biologique, il y a un lien de filiation irréductible à ce que déclare la société, parce que jusqu’à preuve du contraire, il faut deux personnes de sexes différents pour faire un enfant, et quand on fait un enfant, on est soit son père, soit sa mère. Pour diverses raisons, la fonction sociale du père peut être occupée par l’oncle, le grand-père, etc. Mais la parentalité biologique demeure. J’écrivais sur mon blog : « on n’est pas père ou mère uniquement parce qu’on en a envie, ou parce qu’on aime son enfant : la parentalité n’est pas seulement une donnée affective. Elle est aussi (et d’abord, du point de vue chronologique) une donnée biologique : dans un couple hétérosexuel, le père et la mère sont géniteurs : ils ont donné la vie à leurs enfants, ils sont père et mère de leurs enfants et le resteront, qu’ils continuent à les aimer ou non. La parenté ne consiste pas seulement à aimer et éduquer : elle crée une filiation. La création de cette filiation est impossible pour des couples homosexuels. « Ainsi, écrit Gilles Bernheim, en délaissant la distinction hommes-femmes et en mettant en exergue la distinction hétérosexuels-homosexuels, les personnes homosexuelles revendiquent non pas la parenté (la paternité ou la maternité), qui implique le lien biologique unissant l’enfant (engendré) à ses deux parents (géniteurs), mais la « parentalité » qui réduit le rôle du « parent » à l’exercice de ses fonctions éducatives notamment. Or, même dans le cas des enfants adoptés, il ne s’agit pas seulement d’éduquer, mais de recréer une filiation. Il faut donc réaffirmer ici avec force qu’être père ou mère n’est pas seulement une référence affective, culturelle ou sociale. Le terme « parent » n’est pas neutre : il est sexué. Accepter le terme «homoparentalité », c’est ôter au mot « parent » la notion corporelle, biologique, charnelle qui lui est intrinsèque. »
20 décembre 2012 at 15:15
Les homosexuels ne peuvent concevoir d’enfants. Ils ne peuvent engendrer des générations. Ils ne constituent donc pas une famille. Ils ne peuvent donc pas prétendre se marier, puisque le mariage consacre uniquement un couple ayant le désir de fonder une famille. Finalement tout avait été dit par Thaumaz dès le commentaire 40 : « la règle constitutive du mariage ne saurait reposer seulement sur elle-même mais bien sur la réalité (que j’ai appelée maladroitement constituable) de la procréation humaine qui requiert un seul homme et une seule femme dans tous les cas si je ne m’abuse… et que sanctionne l’institution du mariage. »
Que fait-on dans ce cas des couples de sexe opposés stériles ? Devrait-on leur interdire le mariage ? Car ces couples, de même que les couples de même sexe, ne peuvent pas avoir d’enfants (ce peut être en raison de leur âge). Mais cela n’a, il me semble rien à voir, car les couples de sexe opposés stériles sont stériles par accident, et non par nature, comme les couples de même sexe. Il arrive que pour certaines raisons, des couples de sexe opposés ne puissent pas concevoir un enfant. Mais la vocation (universelle) de l’homme et de la femme, pour ce qui concerne la sexualité, demeure la mise au monde d’enfants. Trivialement : homme + femme = enfant. Ce n’est pas seule finalité, on est d’accord (il y a long time que l’Eglise, avec Jean-Paul II et sa théologie du corps, est sorti du discours sexualité = engendrement et rien d’autre). Mais l’engendrement demeure une finalité essentielle. Alors que pour deux hommes ou deux femmes, quel que soit ce qui arrive, la procréation est impossible par nature. Logopathe disait justement en 184 : « deux hommes ou deux femmes ne sont pas féconds, quoi qu’il arrive. Ils présentent une situation différente au regard de la filiation. Situation différente, solution juridique différente. » Il souligne aussi en 172 : « Pour moi, tout ça rejoint un peu le discours contemporain sur la sexualité, qu’on prétend désormais totalement disjointe de la reproduction. On dépense des fortunes en capotes et en pilule, on se bat pour avoir le droit d’avorter, on consacre le quart de ses conversations mondaines à débattre du meilleur moyen de contraception, mais à part ça la sexualité n’a rien à voir avec la reproduction. » Les couples de sexe opposés stériles l’ont bien compris puisque pour eux la stérilité est dans la quasi-totalité des cas une souffrance, à laquelle ils cherchent à remédier en adoptant.
20 décembre 2012 at 15:16
Que fait-on aussi des couples qui ne veulent pas d’enfants ? Notons que dans le cas du mariage religieux, ils ne peuvent se marier (cf. Physmédon 173). Mais ils peuvent bien se marier au civil, qui est discuté ici. Ici on a une capacité (par nature) mais une absence de volonté. On peut répondre à cette objection de différentes façons : les couples qui se marient et ne veulent aucun enfant ni au départ, ni après et qui tout au long de leur mariage, maintiennent ce choix, me semblent extrêmement rares (je m’avance car je n’ai pas de statistiques sous la main mais on devrait pouvoir en trouver ?). Par ailleurs la capacité étant là, le problème ne se pose pas dans les mêmes termes. Enfin on peut considérer avec Logopathe (158) que ces couples « utilisent l’institution de travers », puisque le mariage est presque entièrement tourné vers la famille et les enfants (règles patrimoniales, nom, succession, autorité parentale, etc.). Aristote ne dit pas autre chose en 161 quand il déclare que « les institutions sont bonnes filles, elles se laissent abuser. Et de même que la naissance d’aveugles-nés n’empêche pas qu’une personne humaine est normalement capable de voir et qu’il est souhaitable qu’elle puisse voir, l’existence de mariages stériles n’empêche pas que la reproduction est normalement constitutive du mariage. »
D’ailleurs, faites le test autour de vous, Tschok, la plupart des gens qui ne veulent pas d’enfants ne se marient pas (ou ne souhaitent pas se marier) ; c’est quand le désir d’enfants apparaît, ou que les enfants sont déjà là (parfois depuis plusieurs années) qu’apparaît le désir de mariage, pour « sécuriser la famille ». Et que Le Petit Robert ait cru bon de modifier sa définition (Tschok, commentaire 80) pour l’adapter aux temps (ie. la rendre le plus minimaliste possible, la réduire à un contrat intuiti personnae) ne change rien à la question. Le Petit Robert ne donne pas une définition juridique, ne prétend pas s’intéresser aux finalités du mariage.
20 décembre 2012 at 15:16
Tschok a sans doute deux façons de répondre à cet argumentaire : soit montrer que grâce à la technique (PMA, mère porteuse, etc.) les couples de même sexe peuvent avoir des enfants, donc constituer une famille, donc se marier (je laisse de côté la discussion de cet argument) ; soit revenir, comme il l’a fait tout au long de la discussion, sur les exceptions historiques au mariage comme « reconnaissance de la famille ou du désir de fonder une famille ». Mais dans ce cas il va falloir qu’il s’attache à discuter Todd et Morris, le Code Civil, etc. et ce que Physmédon appelle en 169 des « lignes de faits convergentes ». Logopathe l’y invitait en 159 : « Faut-il changer ça? Pourquoi pas. Mais on le dit, on le justifie, et on l’argumente. » Ce qu’il fait fort peu, excepté dans sa réponse à Logopathe en 165 et à Aristote en 166 mais de façon peu convaincante sur le fond, aucun auteur n’est cité. Sans parler d’essence comme nécessité de la constitution d’une chose, contester que la « finalité première » (essence au sens philarêtien) du mariage est la famille me semble difficile. Bon courage, Tschok.
En définitive je pense que les débats autour du mariage pour tous buttent sur un point que Philarête a parfaitement souligné (point 5) mais insuffisamment développé à mon goût : la conception anthropologique de l’homme. En citant Tocqueville il montre justement que « la différence des sexes est trop évidemment enseignée par « la nature » pour qu’elle puisse, dans un régime d’égalité, prendre une autre forme que celle de la complémentarité des sexes. » Ainsi, à un naturalisme primaire (à la Nietzsche) et poussiéreux qui sacralise les différences naturelles et les rend intangibles s’oppose dans la revendication du mariage homosexuel un culturalisme (j’irais même jusqu’à parler de spiritualisme) que précise Philarête en citant Gauchet (même s’il l’appelle « individualisme ») : la chose qui importe, la seule chose qui peut importer de façon légitime, ce ne peut être une différence de sexe qui, n’étant que naturelle, relève encore de la certitude sensible, de ce qui est « donné » avant toute mise en forme par l’idéal d’égalité. Une différence qui n’est que naturelle ne peut être opposée au « sentiment de ressemblance et [à] la volonté de similitude » : ce qui est revendiqué, c’est qu’on fasse comme si couples de même sexe et couples de sexe différent étaient semblables. Il faut que la « possibilité d’une reconnaissance » soit ouverte, précisément, là où il est le moins « évident d’en voir jouer une ». La conviction, sur ce point, peut s’exprimer dans l’idiome individualiste : pour qu’il y ait mariage, il suffit qu’il y ait deux « individus » adultes et consentants. Le sexe est, de ce point de vue, extérieur à la notion d’individu. On consent avec sa volonté, pas avec son corps. »
On consent avec sa volonté, pas avec son corps : typiquement une position spiritualiste : l’homme n’est que pur esprit, pure volonté abstraite. On en revient à un débat plus classique : dans quelle mesure concilier (normativement) ou se concilient (positivement) la nature (altérité sexuelle de l’homme et de la femme) et culture (mariage) ?
20 décembre 2012 at 17:58
@ Vianney
La vision de l’homme comme pure volonté abstraite est aussi celle qui refuse tout « donné ». Une revendication de toute puissance, qui est proprement celle de Dieu. Il m’arrive de penser qu’il n’y a pas ou si peu d’athées vrais, et que beaucoup d’athées déclarés sont en fait des gens qui se prennent pour Dieu.
20 décembre 2012 at 19:14
@Aristote : ce que vous dites me fait penser à cette citation de Fabrice Hadjadj, dans La Profondeur des Sexes (pour une mystique de la chair : « En dépit de ses déclarations fracassantes, le corps, [l’hédoniste] ne peut l’accueillir tel quel, puisqu’il n’est pas la source intarissable de l’allégresse : pour quelques réjouissances, combien de ratés ! Et je ne parle pas du pathologique, mais des limites imposées par sa normale constitution – cette surface restreinte, ces promptes ankyloses, cette gueule irremplaçable, certes, mais irremplaçable, précisément ! enfin ce sexe dont le vice de fabrication saute aux yeux et qu’on ne peut ramener chez le vendeur : quand on songe que certains mille-pattes en ont deux, que l’huître est hermaphrodite, que le moindre caniche dispose d’un os pénien, que le genêt se pollinise grâce au butinage des bourdons, et les fleurs de baobab, grâce à la soif des chauves-souris ! Ah ! devant de telles inégalités, comment ne pas penser que la nature est fasciste ? Comment ne deviendrait-elle pas l’ennemi majeur quand, pour le plaisir pris d’une femme, ses automatismes stupides nous accablent d’un loupiot ? Pour être vraiment matérialiste, il faudrait croire en un Créateur bienveillant : les bornes de la chair apparaîtraient comme des guides, les inégalités seraient l’occasion d’un échange, les maux prendraient le sens d’une épreuve. »
20 décembre 2012 at 22:16
à Vianney,
Chapeau pour ces remarquables interventions.
Bon, c’est un peu long…
Mais ça fait durer le plaisir de vous lire. Alors tant mieux !
Juste un truc me concernant : mon argumentation affirme l’enracinement du mariage dans la constitution naturelle de l’homme. Sur ce point je n’ai pas tout à fait la même posture argumentative que Philarête…
D’autre part, je ne suis pas convaincu pour votre argumentaire en faveur d’e l’idée que c’est un couple qui se marie. Certes, ce que vous dit exprime un aspect sociologique de la réalité. Mais, institutionnellement parlant, ce sont bien deux individus qui se marient, deux individus libres de toute attache. C’est en cela que le mariage est « fondateur » d’un couple destiné à devenir une famille.
Voilà pourquoi le fait de vivre en couple avant le mariage soulève le problème éthique suivant : la liberté de l’engagement de chaque individu n’est plus intacte au moment de prononcer le « oui » nuptial performatif.
21 décembre 2012 at 19:28
Erratum
Lire au post 246 :
« …je ne suis pas convaincu par votre argumentaire en faveur de l’idée que c’est un couple qui se marie. Certes, ce que vous dites… »
Mes doigts ont volé un peu trop vite par dessus le clavier…
3 janvier 2013 at 20:05
@ Vianney
D’abord, permettez moi de vous souhaiter une bonne et heureuse année 2013 ainsi qu’à toutes celles et ceux qui fréquentent et animent ce blog et, naturellement à notre hôte, Philarête.
Ensuite, je me joins à Physdémon pour vous féliciter pour ce long et patient travail de travail de synthèse. Effectivement, 228 coms à résumer, outre le post source, c’est long.
Enfin, j’aimerais exprimer quelques critiques.
Peut-être me citez vous trop au risque d’une part de faire passer en arrière plan les contributions d’autres internautes, et d’autre part, de masquer le fait que les positions respectives des parties, si je puis dire, sont plus nuancées.
Cela dit, je suis bien conscient que la synthèse d’un long fil de dial et d’un article lui-même touffu n’est pas aisée, et que l’exercice oblige à grossir le trait, c’est pourquoi je vous invite à regarder ce commentaire comme une sorte de codicille au vôtre.
Je ne saurais donc accepter le rôle de contradicteur dominus litis que vous me donnez sans citer au moins deux internautes, Vivien en com 5 et Khazan en com 211.
Chacun a exposé, entre autres, une idée, ce qui nous en fait donc deux, que je souhaiterais bien montrer, dans un souci de clarté:
1) Vivien, com 5 dernier paragraphe:
Verbatim: « Les homosexuels forment-ils des couples comme les autres ? Pour moi, oui. Le mariage civil est-il devenu ce que je décris plus haut, une institution s’appliquant à des couples ? Pour moi, oui. A partir de là, le raisonnement sur la discrimination, non plus des individus mais des couples, est de nouveau valide. Le mariage tel qu’il est devenu, peut, doit s’appliquer aussi à ces couples. Et ce n’est pas une modification constitutive, juste l’aboutissement logique d’une évolution bien plus profonde qu’à mon avis beaucoup de catholiques ne veulent ou ne savent pas voir. »
C’est ce que j’appelle le concept de normalisation du mariage homo.
Nous en avons assez rapidement discuté et je vous avais dit à cette occasion qu’il n’était pas considéré par ceux qui tiennent des discours de conviction comme un argument de fond, ce qui est bien dommage (pour eux). Il le reste.
2) Khazan, com 211, derniers alinéas du com:
Verbatim: « En gros: je suis progressiste, attaché aux valeurs modernes d’égalité et de tolérance etc…: je suis une personne du XXIème siècle. Je ne peut que soutenir cette revendication car rien dans mon système de valeurs ne me permet de m’y opposer sans renier mes valeurs « modernes ».
C’est pourquoi cette loi passera et la vie suivra son cours sans heurts.
Et c’est ainsi qu’Allah est grand (si vous me permettez cette citation de l’immense Vialatte).
(Sinon je suis excessivement sceptique sur les jugements de valeurs, oui). »
Ici nous avons affaire à l’idée selon laquelle on peut soutenir quelque chose qui ne heurte pas nos principes dans la mesure où s’y opposer obligerait à renier ces principes.
Idée plutôt intéressante, non?
Là encore, c’est une position qui a été peu explorée par les tenants des discours de convictions. Dommage.
L’idée 1 + l’idée 2 me semblent importantes pour comprendre le point de vue des partisans du mariage homo, du moins ceux qui sont dans la fraction de l’évantail des opinions qui est à la fois la plus modérée et, très certainement, l’une des plus déterminée et sereine.
A part ça, j’ai 2 PS:
PS1: sur l’idée selon laquelle la finalité première du mariage est la famille.
Tout dépend de ce que vous voulez faire de cette idée.
Si vous voulez en faire une prison, un argument massue, un universalisme, etc, ça marche pas, c’est une connerie et vous serez très déçu par son rendement convictionnel: au début c’est l’extase et après on déchante.
Si vous voulez en faire autre chose, vous êtes libre, mais à ce moment-là, inscrivez dans votre vocabulaire actif des mots comme « polyvalence » polymorphe », protéiforme », « pluriel », etc.
PS2: le blog que vous citez, et qui est censé vous avoir ouvert les yeux sur le code civil n’est pas forcément une bonne source. C’est à vous de voir, mais si j’étais à votre place, j’irais pas sur le blog d’un mec qui dit qu’il n’y connait rien en mariage civil.
12 janvier 2013 at 15:14
[…] de se marier: ils peuvent bien entendu se marier, mais avec une personne du sexe opposé. Sur son blog, Philarête, toujours excellent, apporte un éclairage philosophique: l’instituion du mariage […]
15 janvier 2013 at 14:11
Juste à propos de ça : » Là où la pratique existe, elle est disponible pour quiconque veut s’en servir pour faire ce que la pratique rend possible. Là où elle n’existe pas, on ne peut ni envisager, ni entreprendre, de faire ce que permettrait de faire la pratique. » :c’est bien là, à mon sens, la divergence fondamentale entre les deux camps. J’aurais du mal à résumer ça, mais nous sommes, au fond en train de débattre entre une société hétéro-normée et auto-normée, pour reprendre les termes de Castoriadis. (cf l’institution iaginaire de la société). Pour moi, l’exercice même de la démocratie est conditionné par le cadre d’une société qui crée et modifie elle-même ces institutions symboliques, au lieu de les recevoir d’une autorité qui lui est extérieure: en d’autres termes, on peut envisager de faire advenir ce qui n’existe pas en pratique actuellement, pour nos institutions.
Ce qui, bien sûr ne s’applique pas au mariage religieux, car la religion applique des règles venues d’une instance qui lui est extérieure.
15 janvier 2013 at 14:24
Donc nous sommes en fait entièrement d’accord: quand une institution ne permet pas de faire quelque chose, on doit en inventer une autre. C’est tout le sens de mon propos. Nous pouvons inventer une nouvelle institution — à charge pour ses créateurs de la faire accepter par les autres, ce qui est évidemment une partie du jeu démocratique.
La pratique actuelle (l’institution du mariage) ne permet pas d’épouser quelqu’un du même sexe. Mon point était donc le suivant: si nous voulons créer cette possibilité, nous devons inventer une nouvelle institution. Est-ce que nous avons une divergence sur ce point?
15 janvier 2013 at 16:58
Bonjour,
C’est la première fois que j’interviens ici, mais j’ai lu le débat (et TOUS les commentaires) avec intérêt
Ma modeste contribution se place sur le plan de ce que nous disent la biologie de la reproduction (pardon de la procréation :) ) et celle de l’évolution qui pourrait laisser penser que Dame Nature, chez l’Homme, incite à la monogamie pour les femmes (et à minima à la polygynie pour les hommes).
Un homme produit en quinze centièmes de secondes le même nombre moyen de gamètes qu’une femme en toute sa vie (500) L’ovocyte est à sa formation environ 12 fois plus gros que le spermatozoide, et il est estimé que sa production est un million de fois plus coûteuse que celle d’un spermatozoide.
Lorsque gamète mâle et gamète femelle fusionnent, tous deux contribuent de manière équitable au patrimoine génétique de l’individu à venir : 50 % du matériel génétique est apporté par le père, et 50% par la mère. Par contre, la contribution à l’alimentation de l’embryon est loin d’être égale,. La quasi-totalité du développement du zygote se fera à partir des ressources présentes dans le gamète femelle
À la naissance, le nouveau-né est cent milliard de fois plus lourd que le zygote, et toute cette prise de poids s’est faite sur les ressources de la mère. De plus, la première source d’approvisionnement du nouveau-né est le sein de sa mère.
Robert Trivers nous dit ainsi que la mère doit fournir plus d’investissement parental que le père. (Parental Investment and Sexual Selection 1972) Elle recherchera donc un compagnon qui s’investisse sur la durée, pour assurer la survie de l’enfant car elle a « plus à perdre » en cas de décès infantile.
Chez les mammifères, on constate un mécanisme de suppression immunitaire pour que la mère tolère son fœtus qui est un corps étranger pour moitié (l’apport paternel).
Ce mécanisme possède une mémoire dans l’organisme, qui fait que le fœtus d’un mâle qui a déjà été père dans une précédente grossesse sera mieux toléré par l’organisme de la mère.
(http://www.nature.com/nature/journal/v490/n7418/full/nature11462.html).Là encore, la mère a un « intérêt » a avoir un même père pour tous ses enfants.
Au final, le mariage serait à la croisée de l’intérêt reproductif de l’individu et de la culture dans lequel il évolue, la culture pouvant prendre largement le pas sur l’intérêt reproductif ( exemple pour une femme : Vouloir faire carrière et gagner sa vie aussi bien qu’un homme est un exemple de comportement culturel qui entraîne une aberration d’un point de vue évolutionnaire : le repoussement de la date de la première grossesse, le dépassement de la période de fertilité… La taille des populations diminue et de nombreuses sociétés occidentales passent sous le seuil de fertilité de remplacement)
Je suis peut être carrément hors sujet, vous m’en excuserez, mais c’est la réflexion à partir de Todd qui m’a amené à cette contribution
2 février 2013 at 19:06
[…] forgée notamment à la suite d’une longue discussion (à laquelle j’avais participé) sous le billet de […]
11 février 2013 at 10:49
Tout ce que dit ci-dessus est très intéressant, mais …. comment se fait-il qu’aucun juriste aucun avocat, aucun magistrat n’ait dit ou écrit quoi que ce soit à ce sujet, sauf Maître Eolas, qui est catholique et favorable à cette loi ?
N’y a-t-il donc pas de professeurs de droit à l’Université Catholique de Lille ? Ne faut-il pas tirer de ce silence la conclusion qu’il n’y a rien à objecter en droit à ce projet de loi ? Imaginez-vous malade : les médecins restent silencieux mais votre cousin, qui est philosophe, vous assure que ce que vous avez n’est pas grave . Hein ?
Par ailleurs, ce que vous dites se résume à :
nous fabriquons des voitures de n’importe quelle couleur, pourvu qu’elle soit noire .
tous les Français sont égaux devant la loi sur le mariage, mais certains sont moins égaux que d’autres .
11 mai 2013 at 07:45
Cke j’kif avec Philarête, c’est qu’il annonce la couleur en début de paragraphe quand çà va être un peu trop compliqué et que çà n’apporte pas d’élément décisif à l’argumentaire. Merci Philarête de ta compréhension : j’apprends pleins de choses en te lisant mais ne comprends pas toujours tout. Et je suis le premier client quand tu autorises à sauter des paragraphes.
17 mai 2013 at 08:33
[…] Mais tout le monde semble faire comme si cette impossibilité relevait d'une « interdiction » : une interdiction privant les homosexuels d'un droit, disent les partisans du « mariage pour tous », et donc une interdiction à lever d'urgence au nom de… […]
17 mai 2013 at 18:37
à Philarête
Si j’en crois ton analyse (#251), le conseil constitutionnel vient de signer l’arrêt de mort du mariage. Demain 18 mai, François Hollande passera à l’injection léthale en signant le décret d’application de la loi Taubira.
Le mariage civil se meurt, le mariage civil est mort.
Requiescat in pace !
Une civilisation nouvelle achève de se mettre en place au terme d’une révolution des moeurs engagée depuis 1968 : une civilisation qui méprise l’idée de norme naturelle et le concept de tradition, une civilisation qui foule aux pieds tout héritage judéo-chrétien non réductible à un vague altruisme humanitaire; une civilisation où presque toutes les relations affectives pourront être encadrées par de prétendus « mariages » qui seront en fait des contrats de partenariat sexuel à durée indéterminée ouvrant la droit à l’adoption commune d’enfants conçus par un ou des tiers.
Que deviendra cette civilisation dans les décennies qui viennent ? Nul ne peut le prédire. Emmanuel Todd a bien montré que les structures familiales jouent un rôle déterminant dans la formation des habitus déterminant nos convictions politiques et notre rapport à la culture. On peut avoir une idée de l’influence de structures familiales nucléaires, patriarcales, matriarcales, ou verticales sur les options politiques ou culturelles. Mais on n’ a encore aucune idée de l’impact idéologique que pourra avoir la création de modèles familiaux fondés sur un lien d’alliance faisant abstraction de la différence des sexes.
Ma seule certitude du moment est que le Prince de ce monde doit bien se marrer aujourd’hui.
Et toi, toujours aussi optimiste à l’égard de la modernité, mon cher Philarête ?
17 mai 2013 at 18:50
Cher Phsydémon… où as-tu vu que j’étais « optimiste à l’égard de la modernité »…? Tout au plus puis-je prétendre tenter habituellement de suggérer que « la » modernité est probablement un concept équivoque, car on range dessous toutes sortes de tendances, d’idéaux et d’aspirations qui sont loin d’être homogènes ou même cohérents… Ce qui me permet d’être «optimiste», voire enthousiaste, de certains aspects ou de certaines réalisations de la modernité, et du grand bien qu’ils ont apporté à la vie des peuples…
Donc, par exemple, ici, si tu veux suggérer qu’au fond ce qui vient d’arriver est l’aboutissement logique et nécessaire de « la modernité »… je dissens fortement.
Cela dit, je saisis l’occase pour rigoler avec toi sur l’un des arguments les plus stupides (ou révélateurs) qu’on ait pu entendre dans la bouche de certains défenseurs du mariage pour tous: qu’il a bien pu être adopté en Belgique, ou en Espagne, en Hollande, etc., que «la civilisation ne s’est pas écroulée pour autant!»
On a toujours envie de demander à ces gens où ils ont vu qu’une civilisation s’écroule en 10 ans! Entre les premiers symptômes d’un mal et le dernier souffle d’un mourant, il peut bien s’écouler 50 ans, et les symptômes ne laissent pas d’avoir été tout au long les symptômes mêmes de la maladie qui devait l’emporter… Alors à l’échelle d’une «civilisation»!
17 mai 2013 at 21:52
Cher Philarête,
Te qualifier d' »optimiste à l’égard de la modernité » était, disons… un appeau à Philarête…
Et je dois dire que ça assez bien marché, n’est-ce pas ?
17 mai 2013 at 22:55
Je résiste à tout, sauf à la tentation, comme disait Oscar Wilde…